Le chemin qui descend. Ardel Henri
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Название: Le chemin qui descend

Автор: Ardel Henri

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ elle un obscur instinct. Mais on eût dit que les deux derniers mois, où elle venait de vivre uniquement à sa guise, avaient éveillé en elle une soif de liberté que, jusqu'alors, elle n'avait jamais connue, même en ses précédentes vacances.

      Tout à coup, sa pensée, habituée à l'analyse psychologique, découvrait l'existence d'une Claude nouvelle, venue elle ne savait d'où, à qui le devoir semblait une belle boîte vide dans laquelle il était bien naïf d'enfermer sa vie.

      Une Claude nouvelle qui considérait, stupéfaite, telle une étrangère, l'autre Claude, l'ancienne, celle qui avait quitté Paris au début d'août, lasse de l'âpre labeur de l'année, spontanément cherché.

      La nouvelle Claude, elle, était flâneuse; elle adorait courir les chemins de falaise; y ouvrir, à sa fantaisie seulement, sans méthode, le livre qu'elle emportait toujours; ou même, demeurer inactive, la pensée nonchalante, à contempler la course des vagues, les neiges de l'écume, les jeux changeants de la lumière sur la houle des eaux, sur les branches que cuivrait l'automne approchant.

      Cette Claude-là pensait avec une soudaine répulsion au pauvre quartier de Charonne où elle devait vivre, de par le choix de Mme Ronal qui voulait demeurer parmi les humbles, auxquels, toute, elle s'était consacrée. Cette Claude-là était avide d'une atmosphère d'élégance, de beauté autour d'elle. Pour elle-même, elle eût voulu faire de la musique, pour sa propre jouissance, pour l'Art seul… Non pour gagner sa vie, dépendant du public qu'elle méprisait, surtout quand c'était un public de gens du monde… Et pourtant, ces gens du monde, elle en avait besoin pour «arriver». Or, si impérieusement, elle voulait arriver! Alors… alors…

      Le flot tumultueux de sa pensée bondissait en elle une fois encore, tandis que, sans un mouvement, elle considérait, distraite, son image, dans la glace étroite.

      Puis, soudain, elle haussa les épaules, le visage volontaire. A quoi bon gaspiller en réflexions vaines quelques-unes des précieuses minutes de liberté qui lui restaient encore… Mieux valait s'en aller, une fois de plus, errer dans ces sentiers qu'elle aimait.

      – Ce que va être l'hiver, je le verrai bien. C'est toujours intéressant, l'imprévu. Comme Élisabeth me trouverait lâche, aujourd'hui!

      Vive, elle mettait sa longue veste de tricot, enfonçait, sans un regard vers la glace, le polo de laine émeraude sur ses boucles courtes; puis elle descendit, en courant comme une gamine, les marches de l'escalier de bois qui résonnaient sous le heurt de son pied.

      II

      Au seuil de la maison, qui était campée sur la hauteur, une rafale l'enveloppa, dont elle huma la saveur de sel, d'eau, de verdure… Aussi, y flottait une odeur de terre humide qui montait du jardinet où tremblaient les fleurs de septembre, mordues par la rude brise.

      Mais cette rudesse même enivrait l'être jeune de Claude; et un éclair de plaisir avait flambé dans ses prunelles quand elle avait senti sur son visage le souffle violent. La bouche avide, elle murmura:

      – Que c'est bon! Oh! que c'est bon!

      Et vraiment, il semblait que cet âpre vent de mer eût, pour elle, la volupté d'une caresse.

      Rapidement, elle allait gagner la route. Mais, au passage, une voix l'appela:

      – Claude!.. Vous sortez?

      C'était Mlle de Villebon qui surveillait les petites, dispersées dans la prairie qu'elle-même arpentait de long en large, car il faisait trop froid pour qu'elle pût demeurer assise. Elle était grande et lourde, avec un visage doux, des yeux clairs et très bons.

      Comme Claude se rapprochait, arrêtée par son appel, elle répéta:

      – Vous sortez?

      – Oui… je m'en vais voir la mer…

      – Peut-être, alors, vous pourriez entrer au château, dire à Mme de Ryeux que c'est inutile qu'elle envoie le docteur, demain, pour Adèle Poulain, qui n'a plus de fièvre du tout. Elle avait dû goûter trop de pommes sur la route, hier, à la promenade.

      – Peut-être, fit Claude avec une paisible indifférence. Chère mademoiselle de Villebon, je vous promets de monter au Bois-fleuri demain, à la première heure, si vous le souhaitez. Mais aujourd'hui, laissez-moi aller me promener pendant que le jour le permet encore. Le crépuscule vient si vite, maintenant!

      – C'est vrai! Bientôt je vais faire rentrer les enfants. Il ne fait pas chaud.

      – Il fait même très froid dans cette prairie. Mademoiselle Cécile, vous devez être gelée!

      – Je marche, Claude.

      – Mais c'est très fatigant de piétiner ainsi. Vous devriez emmener vos petites, trotter sur la route, faire un bon footing.

      Douce, Mlle de Villebon répliqua:

      – Elles s'amuseraient beaucoup moins!

      Claude l'enveloppa d'un indéfinissable regard:

      – Mademoiselle Cécile, vous êtes une femme prodigieuse! Quand je pense que, sans y être obligée, pour l'amour de Dieu et de vos semblables, vous donnez ainsi votre temps, votre peine, votre cerveau et votre cœur… je ne parle pas de votre fortune!.. à toutes ces gamines qui ne vous en auront aucun gré, quand je pense cela, je me sens sombrer dans un abîme d'humilité.

      Mlle de Villebon avait rougi, embarrassée par ces paroles jugées, par elle, bien trop flatteuses; et presque comme si elle se fût excusée, elle dit timidement:

      – Claude, ces petites m'intéressent beaucoup!

      – Parce que le ciel vous a gratifiée d'une très belle âme!.. Que n'a-t-il été aussi généreux à mon égard!.. Je suis navrée d'être obligée de me reconnaître une créature tout à fait inférieure, depuis que je viens de lire la lettre d'Élisabeth qui évoquait le spectre de l'austère Devoir… Avec une majuscule, comme il convient au nom des divinités, accablant sans pitié la pauvre humanité.

      – Vous vous calomniez, Claude. Le docteur vous a écrit?

      – Pour me rappeler qu'elle m'attend jeudi, oui… Donc que mes vacances sont finies, bien finies! Évidemment, un jour ou l'autre, il me fallait aller reprendre la chaîne. Mais je suis comme les enfants. Il me paraissait que ce jour ne viendrait jamais!

      Du bout de son pied, mince dans le cuir fauve, elle tourmentait l'herbe flétrie. D'un geste garçonnier, elle avait croisé ses deux mains derrière son dos.

      – Oh! Claude, cette chaîne n'est pas lourde!

      – Peut-être… Mais tout de même, c'est une chaîne!

      De nouveau, le masque volontaire devenait dur.

      – Je vais être prisonnière de la stupide nécessité de gagner ma vie, de dépendre de la critique, des journalistes, du public, surtout de l'inepte public des gens du monde; être contrainte de travailler pour eux; de jouer devant eux pour qu'ils me payent… – oh! horreur!.. – en espèces sonnantes, la musique que je voudrais faire pour moi seule… tout au plus, pour quelques élus. Je devrai leur faire entendre des abominations musicales, des œuvres infimes à en pleurer! parce que ce sont les seules qu'ils puissent comprendre… Donc…

      – Oh! Claude, que vous êtes méchante СКАЧАТЬ