Un tuteur embarrassé. Dombre Roger
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Название: Un tuteur embarrassé

Автор: Dombre Roger

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ qu'il n'y a pas de ma faute, je ne pouvais prévoir ce qui est arrivé; je n'ai rien fait pour provoquer cette léthargie.

      – Non, chérie, j'étais là et tu m'as assez effrayé.

      – D'autant plus que je n'ai pas coutume de m'évanouir comme une poule mouillée.

      – Mais, tu mourais de faim, tout à l'heure, mignonne? Viens à la salle à manger, ou chez toi; on te servira…

      – Non, non, pas chez moi. Mon lit me laisse de trop désagréables souvenirs; j'ai besoin de remuer, de chanter, de voir des visages amis.

      – Alors, suis-moi.

      Comme il disait ces mots, la porte s'ouvrit si violemment qu'Odette en fut heurtée, et Gui entra, très rouge, effaré mais joyeux.

      – Que m'apprend-on? Elle n'est pas morte?

      – Non, puisque la voilà. Tiens, embrasse-la, frère, répliqua gaiement Robert en poussant sa cousine vers le jeune homme.

      Odette tendit sa joue qui reçut un baiser sonore.

      Gui respira, soulagé.

      – Ca fait du bien d'embrasser un si mignon revenant, s'écria-t-il, et j'aime mieux ça que de larmoyer sur lui comme tout à l'heure.

      – Où donc étais-tu quand j'ai ressuscité? demanda Mlle d'Héristel.

      – A travailler pour toi, ma chère; je commandais quelques couronnes mirifiques qu'il va falloir aller décommander.

      – Ce qui fera faire la grimace aux fleuristes.

      – Ca, je m'en moque! En route, j'ai rencontré plusieurs personnes auxquelles, d'un air navré, tu le devines, j'ai appris le malheur.

      – C'est très contrariant, cela, fit Odette, une moue aux lèvres; je vais être obligée de présenter des excuses à tout ce monde-là… Aussi, pourquoi se pressait-on autant de m'enterrer?

      – Peu importe ce qu'on croira et dira, chérie, prononça Robert de sa voix chaude et grave; l'essentiel est que tu nous sois rendue, et que tu te portes bien… Montre-moi ta frimousse.

      Obéissante, Odette leva vers le jeune homme son joli visage pâli mais plein de vie; puis, impatiente, elle s'écria:

      – Eh bien! quand tu m'auras assez regardée, tu m'enverras dîner, j'imagine. Faut-il te répéter que j'ai faim?

      – Tant mieux, mignonne! l'appétit et ton impatience revenue sont d'heureux signes de santé.

      Le bruit s'était promptement répandu dans la maison qu'habitait la famille Samozane, au deuxième étage, rue Spontini, que la jeune trépassée, prête à être enterrée, avait repris non seulement la vie, mais son entrain habituel.

      Peu s'en fallut que l'appartement ne se vît assiéger par les curieux.

      Mais, Mme Samozane consigna sa porte, et chacun en fut pour ses frais.

      On envoya seulement des "petits bleus" au docteur et aux amis qui avaient été prévenus de l'accident, puis on retira la déclaration de décès qui avait été faite à la mairie.

      – Que d'embarras nous cause cette petite fille! murmurait l'oncle Valère en se mettant à table, tardivement, ce soir-là, à côté de sa nièce qu'il regardait affectueusement et malicieusement.

      – Pauvre oncle! riposta Odette; dire que vous vous voyiez déjà si bien déchargé de tous vos soucis de tutelle, et voilà que la pupille vous reste pour compte!

      – Tâche seulement de ne pas nous procurer deux alertes semblables; c'est assez d'une fois, dit M. Samozane en plongeant sa cuillère dans son potage.

      – Je m'en tiendrai là, je pense, fit Odette.

      Gui ayant réclamé un sujet d'entretien plus gai, la conversation prit un autre tour; puis, brisé d'émotion, chacun eut hâte de se retirer chez soi, sauf peut-être Odette qui, sans vouloir l'avouer, redoutait l'heure du sommeil.

      "Si, cette fois encore, j'allais ne pas me réveiller!" se disait-elle.

      Robert pénétra sa pensée et insinua à ses soeurs de coucher dans l'appartement de Mlle d'Héristel, ce qu'elles firent avec une bonne grâce suffisante.

      III

      "Ce n'était rien du tout, en somme, que ce petit accident, cette léthargie qui n'a pas duré vingt-quatre heures; c'est arrivé à bien d'autres qu'à moi… Et cependant, je sens que cela a changé quelque chose à mon caractère. Certes, je n'ai jamais eu la prétention de passer pour un ange; d'abord, je ne voudrais pas être un ange, cela m'obligerait à trop veiller sur mes paroles et sur mes actes.

      "Eh! bien, depuis ma… maladie d'une demi-journée, je suis devenue pire, fantasque, grincheuse, et je me sens mal disposée à l'égard du genre humain en général et de ma famille en particulier.

      D'abord il m'est désagréable que l'on me parle sans cesse de mon… accident.

      Quand je dis sans cesse, c'est un peu exagéré, car je ne vois pas des visiteurs toute la journée, et j'ai déclaré à mon entourage que c'était chose enterrée.

      Il n'y a ici que ce scélérat de Guimauve pour me plaisanter encore là-dessus, malgré ma défense; mais, il le fait si drôlement et il est tellement en contradiction avec toutes les défenses, que je lui pardonne et fais la sourde oreille.

      Je parle des étrangers, des amis… ou ennemis, qui viennent voir tante Samozane.

      "Et cette chère petite ressuscitée, ne pourrons-nous la voir? Nous sommes venus spécialement pour la féliciter."

      Or, parce que je suis la nièce de mon oncle et de ma tante, et parce que j'ai reçu une bonne éducation, me voilà obligée d'entrer au salon, la bouche en coeur et le regard ingénu, de me laisser embrasser la main et de répondre le plus aimablement que je le peux aux questions qu'on me pose.

      Et je sens que, malgré moi, je fais la tête d'une petite fille qu'on envoie coucher sans dessert; ou bien je suis froide, froide à glacer une crème.

      J'ai souvent constaté que c'est très gênant d'avoir reçu une bonne éducation et d'être la fille de ses parents; ça vous oblige à vous montrer toujours suave et bien élevée, quand on aurait envie de décocher une vérité!

      Ce n'est tout de même pas sans plaisir que je me retrouve vivante après mon alerte, dans ce home qui m'est cher en dépit des vicissitudes qui m'y assiègent actuellement.

      Il me semble que je n'ai jamais trouvé ma chambre si gentille; jaune paille, ce qui sied à une brune; des bibelots à la diable, un peu partout; le bon Dieu suspendu à mon chevet; mes robes en face, dans le cabinet; ma cheminée à gauche, recouverte de peluche; à l'opposé l'armoire à glace… avec laquelle je me rencontre souvent sans grande répugnance, il faut l'avouer.

      J'ai toujours été enthousiaste du beau et même du joli; je ne suis pas belle, (moi qui aurais tant voulu être Mme Récamier!) mais je ne suis pas laide… surtout quand je ne me relève pas d'un lit mortuaire.

      Je mets, de préférence, ce qui flatte mon visage, et fait ressortir ma taille, désobéissant СКАЧАТЬ