La Vie de Madame Élisabeth, soeur de Louis XVI, Volume 1. Alcide de Beauchesne
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СКАЧАТЬ agréable le séjour de Compiègne, où il avait l'occasion de le rencontrer.

      C'était un des rares évêques, dans ce temps, qui devaient leur élévation à la réputation de leurs vertus et à leurs travaux apostoliques. Témoin de la peste de Marseille, il avait pris de Mgr de Belzunce l'exemple qu'il eût lui-même dignement donné plus tard. Il n'était jamais venu à Paris et n'avait jamais paru à la cour, quand il fut nommé évêque d'Amiens en 1733. – Arrivé dans cette ville, il signala son début dans la carrière épiscopale par une visite générale de son diocèse, examinant avec attention les abus à réformer comme les améliorations à introduire dans chaque paroisse, causant avec les paysans et interrogeant aussi les enfants; il pourvut à l'instruction de ceux-ci, en favorisant l'établissement des missions. Il retrancha une grande partie de son bien-être personnel, afin de l'employer au soulagement des indigents. Ennemi du faste et de la représentation, il fit dans la sphère de l'Église ce que, quelques années plus tard, Turgot essaya dans la sphère de l'État. Son esprit était aussi aimable que sa raison était solide, et les jeunes philosophes étaient disposés à lui pardonner sa foi vive en écoutant sa conversation enjouée.

      Tous les ans, dès que la famille royale était installée au château de Compiègne, la Reine y conviait l'évêque d'Amiens; mais le prélat essayait quelquefois de se dispenser d'obéir, tantôt prétextant qu'il n'avait pas d'habit court et que les tailleurs d'Amiens n'avaient point appris à en faire à l'usage des évêques; tantôt invoquant les rigueurs de l'âge, qui ne le rendaient propre qu'à figurer dans une collection d'antiques. «Je crois, mon vénérable, lui dit un jour la Reine, que vous devez voir dans notre cour une foule d'abus qui échappent à nos yeux profanes. – Il en est un qui me frappe, répondit l'évêque, c'est de m'y voir moi-même goûtant la consolation auprès de Votre Majesté, au lieu d'être à la répandre parmi mes pauvres diocésains. – Et l'habit court, reprit le Dauphin, croyez-vous que M. d'Amiens ne l'ait pas sur le cœur? – Il est vrai, Monseigneur, continua le prélat, que j'ai sur le cœur et que je trouve bien indigeste qu'on veuille nous faire déposer ici de par le Roi l'habit que nous portons de par Dieu.» Heureux de trouver dans l'évêque un complice et un défenseur de ses sentiments personnels, le Dauphin dirigea l'entretien sur la répartition souvent injuste et partant dangereuse des biens ecclésiastiques.

      «Ce danger est plus grave qu'on ne pense, dit alors M. de la Motte; la déconsidération de l'État entraîne celle de l'Église, quand le favori du trône devient le scandale du sanctuaire. – En vérité, mon vénérable, reprit la Reine, quand vous vous trouvez avec mon fils vous ne savez plus que médire, et je commence à craindre qu'après avoir énuméré les erreurs des rois, les fautes des gens d'Église, vous n'en veniez à passer en revue les torts des reines. – Madame, répondit le prélat, le plus grand tort que les reines puissent avoir sera toujours de ne pas prendre en tout Votre Majesté pour modèle. – Oh! voyez donc, s'écria la Reine, ce que c'est que respirer l'air des cours! Ne voilà-t-il pas que l'évêque d'Amiens parle le langage des courtisans les plus corrompus!»

      «Ne pensez-vous pas, lui dit une autre fois la Reine, que les évêques qui font des prières publiques pour écarter les fléaux qui affligent leurs diocèses, devraient bien en ordonner aussi pour obtenir la cessation du scandale occasionné par le déluge d'écrits licencieux qui inondent la France? – Madame, répondit le saint évêque, si nous ne nous adressons pas à Dieu pour lui demander cette grâce, c'est parce que Dieu a chargé le conseil de Versailles de nous en faire jouir. – Voilà parler en évêque, répondit le Dauphin: eh bien! demandez donc à Dieu notre conversion. – Je me garderai bien, Monseigneur, de lui demander la vôtre. – Il est vrai que sur ce chapitre, reprit le Dauphin, je sais assez à quoi m'en tenir; mais combien d'autres points sur lesquels j'aurais besoin de conversion! Aussi ne craignez pas de prier pour moi plus que pour personne, quoi que vous en dise la Reine, qui ne demande que pour elle, ajouta malicieusement le Dauphin.» Et la conversation durait longtemps avec ce même abandon16. – M. d'Orléans de la Motte avait cinquante et un ans lorsqu'il fut nommé évêque. Quelqu'un s'étonnant devant lui que cette dignité, conférée souvent dans ce temps-là à de jeunes ecclésiastiques, lui arrivât aussi tard: «C'est que, répondit-il, quand le Roi a une faute à faire, il la fait le plus tard qu'il peut17

      Le Dauphin avait eu huit sœurs: six étaient encore vivantes. Deux jumelles nées avant lui, Louise-Élisabeth, qui avait épousé don Philippe, infant d'Espagne, duc de Parme; et Henriette, morte à Versailles le 10 février 1752; quatre venues au monde après lui, Adélaïde en 1732, Victoire en 1733, Sophie en 1734, et Louise en 1737.

      Le cardinal de Fleury, effrayé des dépenses que devait causer au trésor royal l'éducation de tant de filles de France, conseilla au Roi, au mois d'avril 1738, d'en envoyer cinq à l'abbaye de Fontevrault et d'en donner la surintendance à madame de Mortemart, abbesse de cette maison. Louis XV, qui aimait tendrement ses filles, hésitait à prendre ce parti: cependant il s'y résigna. Il en coûtait aussi beaucoup à la Reine de voir ses filles s'éloigner d'elle. Adélaïde, qui n'avait guère que six ans, manifestait de son côté un grand regret de partir. On lui indiqua, dit-on, un moyen de rester à Versailles. Chaque jour ses deux sœurs aînées allaient voir le Roi au sortir de la messe. Elle se mit une fois à leur suite, se glissa devant son père, lui baisa la main et se jeta à ses pieds en pleurant. Le Roi, qui ne savait pas résister à un témoignage de tendresse, se mit à pleurer lui-même: Adélaïde ne partit pas.

      Les princesses demeurèrent à Fontevrault jusqu'à l'âge de quatorze à quinze ans. Madame Victoire en revint au mois d'avril 174818; Mesdames Sophie et Louise ensemble, en octobre 175019. À cette dernière date la Cour se trouvait à Fontainebleau, qui sembla s'embellir et s'égayer de la présence de ces jeunes visages, dont Barbier nous donne l'esquisse dans son Journal:

      «Madame Victoire est assez grande, formée, assez puissante, plus jolie qu'autrement, les yeux beaux, plus brune que blanche, et fort enjouée20;

      Madame Sophie est grande, belle princesse, ressemble au Roi et est assez sérieuse; Madame Louise est plus petite, moins blanche, fort jolie néanmoins, gaie, de l'esprit; c'est elle qui porte toujours la parole21

      Ces princesses, qui faisaient l'ornement du trône de France, semblaient prédestinées à lui créer au dehors de puissantes alliances. Il n'en fut rien: on s'était étonné de voir l'aînée d'entre elles s'allier modestement au troisième infant d'Espagne: on fut bien autrement surpris de voir ses nombreuses sœurs atteindre, dans le palais où elles étaient nées, l'âge au delà duquel on ne songe plus ordinairement à contracter les liens du mariage, sans paraître attristées de leur célibat, sans exprimer aucun regret en voyant s'évanouir une à une toutes les chances qu'elles semblaient avoir à être appelées à porter une couronne. Tenues à l'écart des affaires politiques, heureuses de ne quitter ni leur père ni leur patrie, elles voyaient s'écouler sans tristesse des jours uniformément remplis par des affections de famille, des actes de piété et des cérémonies de cour réglées par une étiquette invariable. N'y aurait-il pas quelque chose de plus dans ce renoncement au mariage, dans cette vie de recueillement presque claustral? N'est-on pas autorisé à y voir une protestation virginale contre les souillures de l'époque? Dans la conduite austère de ces princesses, filles d'un père dissolu, ne pourrait-on pas voir une intention de réparation envers la religion et la morale publique offensées, comme une satisfaction faite à la société et une expiation offerte à Dieu?

      Le Ciel semblait bénir la si parfaite union du Dauphin et de la Dauphine. Après Marie-Zéphirine et le duc de Bourgogne, ils eurent quatre autres fils et deux filles:

      En 1753, le duc d'Aquitaine, qui vécut à peine trois mois et demi;

      En СКАЧАТЬ



<p>16</p>

Vie du Dauphin, d'après l'abbé Proyart et le Père Griffet, par Henri de l'Épinois, p. 121.

<p>17</p>

Louis-François-Gabriel d'Orléans de la Motte, né à Carpentras en 1683, sacré évêque d'Amiens le 4 juillet 1734, mourut en son diocèse, dans sa quatre-vingt-douzième année.

<p>18</p>

«Madame la maréchale de Duras et autres dames ont été la chercher. Elles ont trouvé en chemin un détachement de la Maison, et le 24 du mois, le Roi et M. le Dauphin ont été au-devant d'elle la recevoir à l'étang du Plessis-Piquet; de là, ils l'ont conduite à Versailles.» (Barbier, Journal du règne de Louis XV, t. III, p. 32, in-8o, 1851.)

<p>19</p>

«Le Roi les a embrassées l'une et l'autre, pendant un quart d'heure même, en pleurant comme un bon père de famille, bourgeois de Paris.» (Id., ibid., t. III, p. 176.)

<p>20</p>

Idem, ibid., t. III, p. 32.

<p>21</p>

Journal de Barbier, t. III, p. 180.