Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile. Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
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Название: Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile

Автор: Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/36826

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СКАЧАТЬ son état et vivant comme un Ange avec son mari, quoiqu'elle ne l'aime plus, ne se ressentira pas un jour des libertés qu'on se donne à Bouillon, sur elle, avec Approbation et Privilége?

      L'imprudent Journaliste a-t-il au moins réfléchi que son Excellence ayant, par le rang de son mari, le plus grand crédit dans les Bureaux, eût pu lui faire obtenir quelque pension sur la Gazette d'Espagne ou la Gazette elle-même, et que dans la carrière qu'il embrasse il faut garder plus de ménagemens pour les femmes de qualité? Qu'est-ce que cela me fait à moi? L'on sent bien que c'est pour lui seul que j'en parle!

      Il est temps de laisser cet adversaire, quoiqu'il soit à la tête des gens qui prétendent que, n'ayant pu me soutenir en cinq Actes, je me suis mis en quatre pour ramener le Public. Eh! quand cela seroit? Dans un moment d'oppression, ne vaut-il pas mieux sacrifier un cinquième de son bien que de le voir aller tout entier au pillage?

      Mais ne tombez pas, cher Lecteur… (Monsieur, veux-je dire), ne tombez pas, je vous prie, dans une erreur populaire qui feroit grand tort à votre jugement.

      Ma Pièce, qui paroît n'être aujourd'hui qu'en quatre Actes, est réellement et de fait en cinq, qui sont le 1er, le 2e, le 3e, le 4e et le 5e, à l'ordinaire.

      Il est vrai que, le jour du combat, voyant les Ennemis acharnés, le Parterre ondulant, agité, grondant au loin comme les flots de la mer, et trop certain que ces mugissements sourds, précurseurs des tempêtes, ont amené plus d'un naufrage, je vins à réfléchir que beaucoup de Pièces en cinq Actes (comme la mienne), toutes très-bien faites d'ailleurs (comme la mienne), n'auroient pas été au Diable en entier (comme la mienne), si l'Auteur eût pris un parti vigoureux (comme le mien).

      «Le Dieu des cabales est irrité,» dis-je aux Comédiens avec force:

      Enfans! un sacrifice est ici nécessaire.

      Alors, faisant la part au Diable et déchirant mon manuscrit: «Dieu des Siffleurs, Moucheurs, Cracheurs, Tousseurs et Perturbateurs, m'écriai-je, il te faut du sang? Bois mon quatrième Acte et que ta fureur s'appaise.»

      A l'instant vous eussiez vu ce bruit infernal qui faisoit pâlir et broncher les Acteurs, s'affoiblir, s'éloigner, s'anéantir, l'applaudissement lui succéder, et des bas-fonds du Parterre un bravo général s'élever, en circulant, jusqu'aux hauts bancs du Paradis.

      De cet exposé, Monsieur, il suit que ma Pièce est restée en cinq Actes, qui sont le 1er, le 2e, le 3e au Théâtre, le 4e au diable et le 5e avec les trois premiers. Tel Auteur même vous soutiendra que ce 4e Acte, qu'on n'y voit point, n'en est pas moins celui qui fait le plus de bien à la Pièce, en ce qu'on ne l'y voit point.

      Laissons jaser le monde; il me suffit d'avoir prouvé mon dire; il me suffit, en faisant mes cinq Actes, d'avoir montré mon respect pour Aristote, Horace, Aubignac15 et les Modernes, et d'avoir mis ainsi l'honneur de la règle à couvert.

      Par le second arrangement, le Diable a son affaire; mon char n'en roule pas moins bien sans la cinquième roue, le Public est content, je le suis aussi. Pourquoi le Journal de Bouillon ne l'est-il pas? – Ah! pourquoi! C'est qu'il est bien difficile de plaire à des gens qui, par métier, doivent ne jamais trouver les choses gaies assez sérieuses, ni les graves assez enjouées.

      Je me flatte, Monsieur, que cela s'appelle raisonner principes et que vous n'êtes pas mécontent de mon petit syllogisme.

      Reste à répondre aux observations dont quelques personnes ont honoré le moins important des Drames hazardés depuis un siècle au Théâtre.

      Je mets à part les lettres écrites aux Comédiens, à moi-même, sans signature et vulgairement appellées anonymes; on juge à l'âpreté du style que leurs Auteurs, peu versés dans la critique, n'ont pas assez senti qu'une mauvaise Pièce n'est point une mauvaise action, et que telle injure, convenable à un méchant homme, est toujours déplacée à un méchant Ecrivain. Passons aux autres.

      Des Connoisseurs ont remarqué que j'étois tombé dans l'inconvénient de faire critiquer des usages François par un Plaisant de Séville à Séville, tandis que la vraisemblance exigeoit qu'il s'égayât sur les mœurs Espagnoles. Ils ont raison; j'y avois même tellement pensé, que pour rendre la vraisemblance encore plus parfaite, j'avois d'abord résolu d'écrire et de faire jouer la Pièce en langage Espagnol; mais un homme de goût m'a fait observer qu'elle en perdroit peut-être un peu de sa gaieté pour le Public de Paris, raison qui m'a déterminé à l'écrire en François; ensorte que j'ai fait, comme on voit, une multitude de sacrifices à la gaieté, mais sans pouvoir parvenir à dérider le Journal de Bouillon.

      Un autre Amateur, saisissant l'instant qu'il y avoit beaucoup de monde au foyer, m'a reproché du ton le plus sérieux, que ma Pièce ressembloit à: On ne s'avise jamais de tout. «Ressembler, Monsieur, je soutiens que ma Pièce est: On ne s'avise jamais de tout, lui-même. – Et comment cela? – C'est qu'on ne s'étoit pas encore avisé de ma Pièce.» L'Amateur resta court, et l'on en rit d'autant plus, que celui-là qui me reprochoit, on ne s'avise jamais de tout, est un homme qui ne s'est jamais avisé de rien.

      Quelques jours après, ceci est plus sérieux, chez une Dame incommodée, un Monsieur grave, en habit noir, coiffure bouffante et canne à corbin, lequel touchoit légèrement le poignet de la Dame, proposa civilement plusieurs doutes sur la vérité des traits que j'avois lancés contre les Médecins. «Monsieur, lui dis-je, Etes-vous ami de quelqu'un d'eux? Je serois désolé qu'un badinage… – On ne peut pas moins; je vois que vous ne me connoissez pas, je ne prends jamais le parti d'aucun, je parle ici pour le Corps en général.» Cela me fit beaucoup chercher quel homme ce pouvoit être. «En fait de plaisanterie, ajoutai-je, vous savez, Monsieur, qu'on ne demande jamais si l'histoire est vraie, mais si elle est bonne. – Eh! croyez-vous moins perdre à cet examen qu'au premier? – A merveille, Docteur, dit la Dame. Le Monstre qu'il est! n'a-t-il pas osé parler mal aussi de nous? Faisons cause commune.»

      A ce mot de Docteur, je commencai à soupçonner qu'elle parloit à son Médecin. «Il est vrai, Madame et Monsieur, repris-je avec modestie, que je me suis permis ces légers torts, d'autant plus aisément, qu'ils tirent moins à conséquence.

      Eh! qui pourroit nuire à deux Corps puissans dont l'empire embrasse l'univers et se partage le monde? Malgré les Envieux, les Belles y règneront toujours par le plaisir et les Médecins par la douleur, et la brillante santé nous ramène à l'Amour, comme la maladie nous rend à la Médecine.

      Cependant, je ne sais si, dans la balance des avantages, la Faculté ne l'emporte pas un peu sur la Beauté. Souvent on voit les Belles nous renvoyer aux Médecins, mais plus souvent encore les Médecins nous gardent et ne nous renvoient plus aux Belles.

      En plaisantant donc, il faudroit peut-être avoir égard à la différence des ressentimens et songer que, si les Belles se vengent en se séparant de nous, ce n'est là qu'un mal négatif; au lieu que les Médecins se vengent en s'en emparant, ce qui devient très-positif;

      Que, quand ces derniers nous tiennent, ils font de nous tout ce qu'ils veulent; au lieu que les Belles, toutes belles qu'elles sont, n'en font jamais que ce qu'elles peuvent;

      Que le commerce des Belles nous les rend bientôt nécessaires; au lieu que l'usage des Médecins finit par nous les rendre indispensables;

      Enfin, que l'un de ces empires ne semble établi que pour assurer la durée de l'autre, puisque, plus la verte jeunesse est livrée à l'Amour, plus la pâle vieillesse appartient sûrement à la Médecine.

      Au reste, ayant fait contre moi cause commune, il étoit juste, Madame et Monsieur, que je vous offrisse en commun mes justifications. СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Hédelin, abbé d'Aubignac, né en 1604, mort en 1676. Il a composé, d'après Aristote, un ouvrage assez médiocre, Pratique du théâtre (1669, in-4º), auquel Beaumarchais fait ici allusion. Il détestait Corneille, dont il était jaloux, et il a donné une tragédie, Zénobie, qui n'eut aucun succès.