Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile. Pierre Augustin Caron de Beaumarchais
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Название: Le barbier de Séville; ou, la précaution inutile

Автор: Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/36826

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СКАЧАТЬ sur les qualités. Le méchant nom qu'un Cuisinier étranger donne aux ragoûts françois ne change rien à leur faveur. C'est en passant par ses mains qu'ils se dénaturent. Analysons la Farce de Bouillon.

      «La Pièce, a-t-il dit, n'a pas de plan.»

      Est-ce parce qu'il est trop simple qu'il échappe à la sagacité de ce Critique adolescent?

      Un Vieillard amoureux prétend épouser demain sa Pupille; un jeune Amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du Tuteur. Voilà le fond, dont on eut pu faire, avec un égal succès, une Tragédie, une Comédie, un Drame, un Opéra, et cætera. L'Avare de Molière est-il autre chose? Le Grand Mithridate est-il autre chose? Le genre d'une Pièce, comme celui de toute autre action, dépend moins du fond des choses que des caractères qui les mettent en œuvre.

      Quant à moi, ne voulant faire sur ce plan qu'une Pièce amusante et sans fatigue, une espèce d'Imbroille7, il m'a suffi que le Machiniste, au lieu d'être un noir scélérat, fût un drôle de garçon, un homme insouciant, qui rit également du succès et de la chûte de ses entreprises, pour que l'Ouvrage, loin de tourner en Drame sérieux, devînt une Comédie fort gaie; et de cela seul que le Tuteur est un peu moins sot que tous ceux qu'on trompe au Théâtre, il est résulté beaucoup de mouvement dans la Pièce, et sur-tout la nécessité d'y donner plus de ressort aux intrigans.

      Au lieu de rester dans ma simplicité comique, si j'avois voulu compliquer, étendre et tourmenter mon plan à la manière tragique ou dramique8, imagine-t-on que j'aurois manqué de moyens dans une aventure dont je n'ai mis en Scènes que la partie la moins merveilleuse?

      En effet, personne aujourd'hui n'ignore qu'à l'époque historique où la Pièce finit gaiement dans mes mains, la querelle commença sérieusement à s'échauffer, comme qui diroit derrière la toile, entre le Docteur et Figaro, sur les cent écus. Des injures on en vint aux coups. Le Docteur, étrillé par Figaro, fit tomber en se débattant le rescille9 ou filet qui coiffoit le Barbier, et l'on vit, non sans surprise, une forme de spatule imprimée à chaud sur sa tête razée. Suivez-moi, Monsieur, je vous prie.

      A cet aspect, moulu de coups qu'il est, le Médecin s'écrie avec transport: «Mon Fils! ô Ciel, mon Fils! mon cher Fils!..» Mais avant que Figaro l'entende, il a redoublé de horions sur son cher Père. En effet, ce l'étoit.

      Ce Figaro, qui pour toute famille avoit jadis connu sa mere, est fils naturel de Bartholo. Le Médecin, dans sa jeunesse, eut cet enfant d'une Personne en condition, que les suites de son imprudence firent passer du service au plus affreux abandon.

      Mais avant de les quitter, le désolé Bartholo, Frater alors, a fait rougir sa spatule, il en a timbré son fils à l'occiput, pour le reconnoître un jour, si jamais le sort les rassemble. La mère et l'enfant avoient passé six années dans une honorable mendicité, lorsqu'un Chef de Bohémiens, descendu de Luc Gauric10, traversant l'Andalousie avec sa Troupe, et consulté par la mère sur le destin de son fils, déroba l'Enfant furtivement et laissa par écrit cet horoscope à sa place:

      Après avoir versé le sang dont il est né,

      Ton Fils assommera son Père infortuné:

      Puis, tournant sur lui-même et le fer et le crime,

      Il se frappe, et devient heureux et légitime.

      En changeant d'état sans le savoir, l'infortuné jeune homme a changé de nom sans le vouloir; il s'est élevé sous celui de Figaro; il a vécu. Sa mère est cette Marceline, devenue vieille et Gouvernante chez le Docteur, que l'affreux horoscope de son fils a consolé de sa perte. Mais aujourd'hui, tout s'accomplit.

      En saignant Marceline au pied, comme on le voit dans ma Pièce, ou plutôt comme on ne l'y voit pas, Figaro remplit le premier Vers:

      Après avoir versé le sang dont il est né,

      Quand il étrille innocemment le Docteur, après la toile tombée, il accomplit le second Vers:

      Ton fils assommera son Père infortuné:

      A l'instant, la plus touchante reconnoissance a lieu entre le Médecin, la Vieille et Figaro: c'est vous, c'est lui, c'est toi, c'est moi. Quel coup de Théâtre! Mais le fils, au désespoir de son innocente vivacité, fond en larmes et se donne un coup de rasoir; selon le sens du troisième Vers:

      Puis, tournant sur lui-même et le fer et le crime,

      Il se frappe et.....11.

      Quel tableau! En n'expliquant point si du rasoir il se coupe la gorge ou seulement le poil du visage, on voit que j'avois le choix de finir ma Pièce au plus grand pathétique. Enfin, le Docteur épouse la Vieille, et Figaro, suivant la dernière leçon…

      …Devient heureux et légitime.

      Quel dénoûment! Il ne m'en eût coûté qu'un sixième Acte. Eh! quel sixième Acte! Jamais Tragédie au Théâtre François… Il suffit. Reprenons ma Pièce en l'état où elle a été jouée et critiquée. Lorsqu'on me reproche avec aigreur ce que j'ai fait, ce n'est pas l'instant de louer ce que j'aurois pu faire,

      «La Pièce est invraisemblable dans sa conduite,» a dit encore le Journaliste établi dans Bouillon avec Approbation et Privilége.

      Invraisemblable? Examinons cela par plaisir.

      Son Excellence M. le Comte Almaviva, dont j'ai depuis long-tems l'honneur d'être ami particulier, est un jeune Seigneur, ou pour mieux dire étoit, car l'âge et les grands emplois en ont fait depuis un homme fort grave, ainsi que je le suis devenu moi-même. Son Excellence étoit donc un jeune Seigneur Espagnol, vif, ardent, comme tous les Amans de sa Nation, que l'on croit froide et qui n'est que paresseuse.

      Il s'étoit mis secrètement à la poursuite d'une belle personne qu'il avoit entrevue à Madrid et que son Tuteur a bientôt ramenée au lieu de sa naissance. Un matin qu'il se promenoit sous ses fenêtres à Séville, où depuis huit jours il cherchoit à s'en faire remarquer, le hasard conduisit au même endroit Figaro le Barbier. «Ah! le hasard! dira mon Critique, et si le hasard n'eût pas conduit ce jour-là le Barbier dans cet endroit, que devenoit la Pièce? – Elle eût commencé, mon Frère, à quelqu'autre époque. – Impossible, puisque le Tuteur, selon vous-même, épousoit le lendemain. – Alors il n'y auroit pas eu de Pièce, ou, s'il y en avoit eu, mon Frère, elle auroit été différente. Une chose est-elle invraisemblable parce qu'elle étoit possible autrement?»

      Réellement, vous avez un peu d'humeur. Quand le Cardinal de Retz nous dit froidement: «Un jour j'avois besoin d'un homme, à la vérité, je ne voulois qu'un fantôme; j'aurois désiré qu'il fût petit-fils d'Henri le Grand, qu'il eût de longs cheveux blonds; qu'il fût beau, bien fait, bien séditieux; qu'il eût le langage et l'amour des Halles; et voilà que le hasard me fait rencontrer à Paris M. de Beaufort, échappé de la prison du Roi; c'étoit justement l'homme qu'il me falloit12.» Va-t-on dire au Coadjuteur: «Ah! le hasard! Mais si vous n'eussiez pas rencontré M. de Beaufort! Mais ceci, mais cela?..»

      Le hasard donc conduisit en ce même endroit Figaro le Barbier, beau diseur, mauvais Poëte, hardi Musicien, grand fringueneur13 de guittare et jadis Valet-de-Chambre du Comte; établi dans Séville, y faisant avec succès des barbes, des Romances et des СКАЧАТЬ



<p>7</p>

Imbroglio.

<p>8</p>

Mot de l'invention de Beaumarchais.

<p>9</p>

La résille.

<p>10</p>

Célèbre astrologue-nécromancien du temps de Henri II. Catherine de Médicis le fit venir à Paris et eut souvent recours à lui pour les expériences de divination auxquelles on sait qu'elle se livrait.

<p>11</p>

Beaumarchais présente ici par avance la scène de la reconnaissance de Figaro, que nous retrouverons dans la Folle Journée.

<p>12</p>

La citation est inexacte, d'autant mieux que le mot principal «le hasard», sur lequel repose l'argumentation de Beaumarchais, ne s'y trouve même pas. Voici d'ailleurs le passage même dans son intégrité: «J'avois besoin d'un homme que je pusse, dans ces conjonctures, mettre devant moi. Il me falloit un fantôme, mais il ne me falloit qu'un fantôme, et, par bonheur pour moi, il se trouva que ce fantôme fut petit fils d'Henri le Grand, qu'il parla comme on parle aux halles, ce qui n'est pas ordinaire aux enfants d'Henri le Grand, et qu'il eut de grands cheveux bien longs et bien blonds. Vous ne pouvez vous imaginer le poids de cette circonstance; vous ne pouvez concevoir l'effet qu'ils firent dans le peuple.» (Mémoires de Retz, édition Charpentier, 1865, tome Ier, page 267.)

<p>13</p>

Vieux mot.