Récits d'une tante (Vol. 4 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Récits d'une tante (Vol. 4 de 4) - Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond страница 15

СКАЧАТЬ «Va, mon ami; je n'ai pas d'inquiétude, tu feras toujours ce qu'il y aura de mieux», et puis la pauvre femme se remettait à pleurer de plus bel: «Ah! ma chère amie, notre bonheur est fini; j'ai été trop heureuse», et, joignant les mains: «Mon Dieu, j'espère n'en avoir, pas été ingrate, j'en ai bien joui, mais je vous en ai bien remercié!» Et puis encore, et encore, et toujours des larmes.

      Je l'engageai à se laisser moins abattre. Monsieur le duc d'Orléans, lui représentai-je, aurait besoin de toute sa fermeté; rien ne serait plus propre à la lui faire perdre que ce désespoir de la personne qu'il chérissait le plus au monde. Elle me répondit qu'elle le sentait bien; elle s'abandonnait ainsi devant moi, mais elle présenterait une autre contenance lorsqu'il le faudrait: la gloire et le bonheur de son mari avaient toujours été les premiers intérêts de sa vie et elle ne leur manquerait pas. Je la pressai beaucoup de se rendre à Paris:

      «Montez en voiture, madame, avec tous vos enfants, vos voitures de gala, vos grandes livrées; les barricades s'abaisseront devant elles. Le peuple flatté de cette confiance vous accueillera avec transport; vous arriverez au Palais-Royal au milieu des acclamations; il n'y a pas à hésiter.

      – Si mon mari me le prescrit, j'irai certainement comme vous le dites. Mais, ma chère, cela me répugnera beaucoup; cela aura l'air d'une espèce de triomphe… de nargue… vous entendez, pour les autres. J'aimerais bien mieux arriver au Palais-Royal où je veux aller rejoindre mon mari le plus tôt possible, sans que cela fasse aucun effet.

      – Je comprends la délicatesse de Madame, mais je ne crois pas ce moment destiné aux nuances. Tout ce qui consacre la popularité des Orléans et prouve combien le pays les réclame me semble utile à son salut.»

      Madame la duchesse d'Orléans, avec sa bonté accoutumée, s'était fort préoccupée de ma fatigue et de l'extrême chaleur que j'avais eue en venant à Neuilly. Elle m'avait fait préparer une voiture pour retourner jusqu'à la barrière. On vint avertir qu'elle était prête.

      La princesse voulait encore me retenir; mais je lui fis comprendre combien il pouvait être essentiel que je visse Pozzo le plus tôt possible. Elle me fit promettre de revenir le lendemain, soit à Neuilly, soit au Palais-Royal où elle espérait être, et je sortis.

      Je trouvai un valet de chambre de Mademoiselle qui m'attendait pour me ramener chez elle. Elle me demanda comment j'avais laissé sa belle sœur; je lui répondis: «Un peu plus calme, mais bien affectée.»

      Il me fut évident que les deux princesses, malgré leur intimité habituelle, ne s'entendaient pas dans ce moment.

      Je répétai à Mademoiselle ce que j'avais osé conseiller à madame la duchesse d'Orléans sur son entrée dans Paris. Je ne lui trouvai pas, j'en dois convenir, les mêmes genres de répugnances; mais c'était une démarche trop importante, me dit-elle, pour en prendre l'initiative sans l'ordre de son frère.

      Cela était vrai, mais, si la demande avait été faite, il ne fallait qu'une heure pour avoir la réponse; pendant ce temps on aurait préparé les voitures; et l'arrivée de sa famille, portée sur les bras du peuple, comme cela serait arrivé infailliblement, aurait fourni un excellent argument à monsieur le duc d'Orléans contre un petit noyau de factieux auquel on donnait trop d'importance, parce que lui seul parlait et se montrait.

      Le sort en décida autrement. Les princesses arrivèrent au Palais-Royal à minuit, à pied, ayant été en omnibus aussi loin que les barricades le permettaient, et sans être reconnues. Je ne puis m'empêcher de regretter encore qu'on n'ait pas, ce jour-là, préféré la marche indiquée par mon zèle.

      Quoique dans ma conversation avec Mademoiselle nous n'eussions pas été au delà du Lieutenant général et qu'avec sa belle-sœur j'eusse prononcé le mot de Philippe VII, je n'en partais pas moins persuadée que Mademoiselle désirait vivement voir la couronne de France sur le front de son frère, tandis que madame la duchesse d'Orléans envisageait cet avenir avec répugnance et terreur.

      C'est peut-être le moment de dire mes rapports avec les deux princesses d'Orléans, et comment je comprends leur caractère.

      La tourmente révolutionnaire ayant jeté mes parents à Naples, j'étais souvent appelée auprès des filles de la Reine. Mon âge se trouvait plus rapproché de celui de madame Amélie; c'était avec elle que je jouais le plus souvent. Elle me distinguait de ses autres petites compagnes. Ceci se passait en 1794 et 1795.

      À son arrivée en France, vingt ans après, madame la duchesse d'Orléans n'avait pas oublié cette camaraderie d'enfance. Elle donnait un caractère particulier aux relations qui s'établirent entre nous. J'eus occasion de les cultiver pendant le temps où, mon père étant ambassadeur en Angleterre, la famille d'Orléans vivait dans une sorte d'exil aux environs de Londres.

      Ceci explique comment, sans être commensale du Palais-Royal, j'y étais souvent plus avant dans les confidences des chagrins et des contrariétés de la famille que les personnes dont les habitudes pouvaient sembler plus intimes.

      Je ne saurais assez exprimer la profonde vénération et le tendre dévouement que j'éprouve pour madame la duchesse d'Orléans. Adorée par son mari, par ses enfants, par tout ce qui l'entoure, le degré d'affection, de vénération qu'elle inspire est en proportion des occasions qu'on a de l'approcher. La tendre délicatesse de son cœur n'altère ni l'élévation de ses sentiments, ni la force de son caractère. Elle sait merveilleusement allier la mère de famille à la princesse; et, quoiqu'elle traite tout le monde avec les apparences d'une bienveillance qui lui est naturelle, cependant c'est avec des nuances si habilement marquées que chacun peut reconnaître sa place sur un plan différent.

      À l'époque dont je parle, madame la duchesse d'Orléans, quoique extrêmement considérée dans le conseil de famille où régnait l'accord le plus parfait, s'était persuadé à elle-même n'entendre rien aux affaires et pensait que Mademoiselle, par la rectitude de ses idées et la force de son esprit, était beaucoup mieux appelée à s'en occuper. Aussi se mettait-elle volontairement sous la tutelle de sa belle-sœur dans tout ce qui semblait affaire ou parti politique à prendre. Peut-être aussi cette attitude tenait-elle à cette délicatesse de cœur qui, même à son insu, dirige toutes ses actions.

      La Cour, surtout sous Louis XVIII (car Charles X traitait mieux les Orléans), cherchait à établir une grande distinction entre madame la duchesse d'Orléans, son mari et sa sœur. On lui aurait volontiers fait une place à part si elle avait voulu l'accepter. Or, comme toutes les contrariétés et les manifestations, qui se trouvaient sur le chemin des heureux habitants du Palais-Royal, tenaient à cette inimitié de la branche régnante, madame la duchesse d'Orléans se croyait doublement obligée de faire cause commune et d'adopter, sans réflexion, les décisions de Mademoiselle. De là, venait l'habitude de se laisser conduire par elle et de ne jamais chercher à combattre l'influence qu'elle pouvait avoir sur son frère, objet de leur commune adoration. Je ne crois pas ce scrupule de madame la duchesse d'Orléans demeuré à la reine des Français.

      Il n'y a eu aucun refroidissement entre les deux princesses, mais elles n'ont pas toujours été unanimes sur des questions importantes. La Reine parfois a exprimé, défendu et soutenu ses opinions avec chaleur, en cherchant à user de son crédit sur l'esprit du Roi.

      Jamais sentiment n'a été plus passionné que celui de madame la duchesse d'Orléans pour son mari. La ferme persuasion où elle est que tout ce qu'il décide est toujours: «Wisest, discreetest, best», a été pour elle un motif de grande consolation dans la mer orageuse où les circonstances l'ont poussée. Elle y est entrée dans une extrême répugnance. Elle a prié, bien sincèrement, que ce calice s'éloignât d'elle, mais, une fois ce parti pris, elle l'a accepté complètement.

      On a spéculé sur ses regrets; les partis se sont trompés; et, six semaines СКАЧАТЬ