L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie - Aretino Pietro страница 17

Название: L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie

Автор: Aretino Pietro

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/43822

isbn:

СКАЧАТЬ après une infidélité: mettons le cas qu'elle vienne de lui à moi ou de moi à lui.

      Nanna.– Je vais te le dire. S'il arrive que l'infidélité provienne de toi, comme on doit archicroire qu'elle en proviendra, baisse les épaules, parle humblement et dis à tout le monde: «J'ai fait un coup de jeunesse, de tête folle, de femme sans cervelle; le diable m'aveuglait; je ne mérite pas de pardon, et si Dieu m'en réchappe, jamais plus, jamais je n'enfreindrai ses commandements.» Enfin, lève la bonde à l'écluse des larmes et pleure plus que si tu me voyais refroidie aux pieds, ce dont Dieu me garde et le réserve pour qui me veut du mal.

      Pippa.– Amen.

      Nanna.– Le tapage et les pleurnicheries que tu feras lui seront rapportés à franc étrier, parce qu'un homme dans ce cas-là aura toujours espions à ses trousses. Ce qu'ils lui en diront, en ajoutant quelques petites choses du leur, lui fera changer de résolution, et bien qu'il jure de se ronger de faim les poings plutôt que de t'adresser la parole, de se laisser plutôt mener à la boucherie par ses ennemis, et tous les autres philostrocoles qui viennent entre les dents quand on se laisse aller à la colère, il n'en sera rien de plus; ces jurements-là ne le conduiront pas en enfer, parce que messire le bon Dieu ne tient aucun compte des parjures des amoureux: ils ne peuvent faire de testament tant qu'ils pérorent dans le délire du coup de marteau. Si l'obstination persiste en cet opiniâtre dès le maillot, écris-lui une bible, va le trouver chez lui et fais mine de vouloir briser sa porte; s'il refuse d'ouvrir, emporte-toi, crie de toutes tes forces, maudis-le et, rien ne réussissant, feins de te pendre. Prends garde seulement que le simulacre ne devienne une réalité, comme il est arrivé à je ne sais plus qui, de Modène.

      Pippa.– Oh! si jamais je me pends, pour rire ou pour de bon, je veux être pendue.

      Nanna.– Ah! ah! ah! Voici le bon moyen de défaire le nœud. Furète partout chez toi, dans les armoires, dans tous coins et fais un paquet de ses chemises, de ses chaussettes, de tout ce qui lui appartient, jusqu'à une vieille paire de pantoufles éculées, jusqu'à ses vieux gants, son bonnet de nuit, toutes ses frusques; même, si tu as quelque bracelet, quelque bague qu'il t'ait donnés, renvoie-les-lui.

      Pippa.– Je n'en ferai rien.

      Nanna.– Fais-le, sur ma parole, parce que les saintes huiles, pour celui que l'amour a mis à toute extrémité, c'est de se voir rendre les cadeaux par lui offerts à sa maîtresse; cela lui fait voir clairement l'estime où l'on tient sa personne et sa fortune, et il en tombe dans un tel chagrin que la moindre folie dont il soit capable, c'est d'aller ramasser des pierres; sans plus de retard, il empoignera les objets en question et te les fera reporter, c'est certain.

      Pippa.– Et si c'était quelque avaricieux?

      Nanna.– Les avaricieux ne font pas de cadeaux et ne laissent traîner rien qui ait de la valeur; donc, risque-toi à essayer ce que je te dis, et si la paix de Marcone ne se fait pas, dis-moi que je suis une bête, du genre de celles qui se plantent là écarquillées et, pourvu qu'on les mette parmi les premières de toutes, s'imaginent avoir bien arrangé leurs petites affaires en vendant leur peau, sans plus s'aider des pratiques de la magie. Pauvres, pauvres malheureuses! Elles ne soupçonnent pas la fin qui s'accorde avec le commencement et le milieu pour les mener tout droit à l'hôpital et sur les ponts, où, pleines de mal français, cassées en deux, rebutées de tout le monde, elles vont vomir quiconque peut souffrir de les regarder. Je te le dis, ma fille, le trésor que ces fins limiers d'Espagnols ont trouvé dans le nouveau monde ne suffirait pas à payer une putain, si laide, si disgracieuse qu'elle soit; et qui réfléchit bien à leur existence pécherait damnablement à ne pas confesser que c'est vrai.

      Pour te faire savoir que je parle par la bouche de la vérité, en voici une, par exemple, qui se trouve obligée à l'un ou à l'autre; elle n'a jamais une heure de repos, elle ne peut ni sortir, ni rester; elle n'est tranquille ni au lit, ni à table. A-t-elle sommeil? impossible de dormir; il lui faut se tenir éveillée, faire des caresses à un galeux, à un homme dont la bouche est un fumier, à un buffle qui la pilonnera tout le temps. Si elle refuse, les reproches vont bon train: «Tu ne mérites pas de m'avoir: tu n'es pas digne de moi; si j'étais ce poltron, ce fainéant d'un tel, tu ne ferais pas l'endormie.» Est-elle à table? toute mouche qui vole est un éléphant, et pour la moindre des bouchées qu'elle adresse à n'importe qui, le voilà qui grogne, qui fume de rage, en mâchonnant son pain et sa jalousie avec, pour tout partage. Sort-elle? le voilà en furie et se disant: «Il y a là-dessous quelque trame.» Il cesse de te parler et va clabauder par les rues l'infidélité qu'il croit que tu lui as faite, soupçonne celui-ci, celui-là et ne peut durer en place. Reste-t-elle au logis, ayant ce je ne sais quoi dont il advient que souvent on est tout mélancolique sans avoir la moindre mélancolie, empêchée que l'on est de faire aux gens bon visage comme à l'ordinaire? – «Mon soupçon se confirme», dira-t-il; «j'en étais sûr; je te pue, maintenant; je sais bien où tu as mal, je le sais fort bien. Tu ne manqueras pas d'hommes, ni moi non plus de femmes pour mon argent. Des putains, il y en a au cent, par ici.» Tout cela ne serait que manus-christi et bonbons dorés, n'était cet avilissant mépris où nous sommes tenues et dont l'odeur pénètre jusqu'au fond de l'abîme, non contente de monter jusqu'au ciel. On nous tourne et on nous retourne par tous les bouts, de jour et de nuit, et qui ne consent à toutes les saletés que l'homme peut imaginer meurt à la peine; l'un préfère le bouilli, l'autre le rôti; ils ont inventé de baiser la motte en arrière, les jambes sur le cou, à la Jeannette, à la grue, à la tortue, à l'église sur le clocher, à la franc étrier, à la brebis qui broute, et autres postures plus bizarres que ne sont les gestes d'un joueur de gobelets. De sorte que je puis bien dire: «Monde, va-t'en avec Dieu!» J'ai honte d'en conter plus long. Bref, aujourd'hui on fait l'anatomie de n'importe quelle signora: c'est pourquoi, sache plaire, Pippa; sache te conduire, autrement je t'ai vue à Lucques!

      Pippa.– Vraiment oui, ma foi, il faut, pour être courtisane, savoir autre chose que relever ses jupes et dire: «Va, j'y suis», comme vous me le disiez tout à l'heure. Il ne suffit pas d'être un friand morceau; vous êtes bonne devineresse.

      Nanna.– Un particulier n'a pas plus tôt dépensé dix ducats à se passer toutes les fantaisies qu'on peut se passer avec une jeune fille qu'il a été crucifié à Baccano, et comme s'il se faisait là quelque mauvais coup, voilà le peuple en rumeur, criant partout que telle drôlesse a ruiné ce pauvre garçon. Mais qu'ils jouent jusqu'à leurs côtés, en reniant le baptême et la religion, ils en sont loués; leur race puisse-t-elle être anéantie! Laisse-moi finir de te narrer ce que je t'ai promis, et demain j'emploierai toute la journée à te lire le calendrier de ces brigands d'hommes; je te ferai pleurer en te contant les cruautés et les félonies de ces Turcs, de ces Maures, de ces Juifs à l'égard de ces pauvres femmelettes: il n'y a pas de poison, de poignard, de feu ni de flammes qui puisse nous en venger. Pour moi, il m'en est resté deux paires sur la conscience; je m'en suis confessée, sans aller à confesse.

      Pippa.– Ne vous mettez pas en colère.

      Nanna.– Je ne puis empêcher que les ribauds ne s'y mettent; tu verras comme ils savent reprendre ce qu'ils ont donné et leur vaillantise à vous diffamer, à vous flanquer des trente-et-un. Pourtant, je ne veux pas t'avoir donné le dernier conseil touchant les chatteries, les façons, les manières dont tu devras user dans la conversation: c'est là qu'est la clef du jeu.

      Pippa.– Je voulais vous y voir venir.

      Nanna.– Et tu m'y tiens maintenant. Savoir causer, avec ce gentil babillage qui jamais n'ennuie, c'est le citron dont on exprime le jus sur les tripes en train de frire dans la poêle et le poivre dont on les saupoudre. Le joli passe-temps, si tu te trouves en société avec toute sorte de monde, que de plaire à chacun et de les cajoler tous sans te rendre fastidieuse! Il y a du bon aussi dans quelques mots salés, quelque riposte adressée à qui se permettrait de vouloir СКАЧАТЬ