L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro
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Название: L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie

Автор: Aretino Pietro

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/43822

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СКАЧАТЬ le voir sous le costume qui plaît le mieux au seigneur.

      Pippa.– La vache est à nous!

      Nanna.– Sur toutes choses, étudie les flatteries et les flagorneries que je t'ai dites: ce sont les enjolivements de se maintenir en faveur. Les hommes veulent être trompés; encore bien qu'ils s'aperçoivent que tu leur en donnes à garder et qu'aussitôt partis tu te gausses d'eux, que tu t'en vantes même à tes chambrières, ils préfèrent les feintes caresses aux vraies sans exagérations. Ne sois jamais chiche de baisers, d'œillades, de sourires, de tendres paroles; tiens toujours sa main dans ta main, et de temps en temps mords-lui d'un coup de dents les lèvres, qu'il ne puisse s'empêcher de lâcher ce «Aïe!» si doux pour celui qui se sent meurtri avec volupté. L'art des putains est de savoir tirer des carottes à messieurs les nigauds.

      Pippa.– Vous ne le dites ni à une sourde, ni à une muette.

      Nanna.– Je pense…

      Pippa.– A quoi donc?

      Nanna.– A moi, qui veux t'enseigner les moyens que tu dois prendre pour réussir où j'espère te voir un jour, et qui, en te les indiquant, mets sur la voie ceux qui auront affaire à toi. S'ils savent ce que je te dis, ils sauront également ne pas te croire quand tu emploieras tes artifices, et mes bons avis ressembleront à ces peintures qui fixent de tous les côtés ceux qui les regardent.

      Pippa.– Qui voulez-vous qui les divulgue?

      Nanna.– Cette chambre, ce lit que voici, les chaises où nous sommes assises, cette fenêtre que voilà, cette mouche qui veut me manger le nez, le diable l'emporte! Les seigneuries sont pleines de présomption: elles surpassent en importunités ces jaloux qui en deviennent à charge à eux-mêmes, avec tous les stratagèmes dont ils usent pour garder celle que rien ne peut garder quand elle est décidée à leur faire voir le tour. Avec un animal de ce poil, sache te gouverner prudemment et lui planter les cornes avant que d'en faire signe.

      Approche-toi. Tu seras la bonne amie de quelqu'un dont prendra ombrage un particulier qui t'accommodera bien aussi, moins que le premier pourtant, mais qu'il te serait on ne peut plus préjudiciable de perdre. Ce particulier te défendra d'ouvrir à l'autre, de lui parler, d'accepter quoi que ce soit de lui. C'est là qu'il faudra employer serments diaboliques, mines effrontées, hochements de tête, éclats de voix, gestes de stupéfaction de ce qu'il puisse croire que tu lui préférais une telle pécore. Ajoute: – «Nous voilà frais, si l'on croit que je vais me jeter au nez de ce visage d'âne, de cette figure d'imbécile!» Exige toi-même qu'il te fasse surveiller, offre de payer les espions, puis reste enfermée et tiens-toi tranquille. Si sa défiance ne diminue point, ne perds pas de temps, et ce que tu lui as soutiré, dépense-le en bombance avec le pauvre exilé; tu le feras entrer dès que l'autre sera sorti, ou bien sous prétexte de te faire apporter du bois, d'envoyer porter du pain au four. Si la frénésie du jaloux augmente, fais venir de nuit l'amoureux chez toi, cache-le dans la chambrette de ta servante, où tu tâcheras toujours de placer la chaise percée, pour tes petits besoins, et arrange-toi de façon à manger le soir quelque chose qui te dérange le ventre; tu fais alors semblant d'avoir la colique, tu t'échapperas d'à côté de l'autre en geignant lamentablement et tu vas retrouver celui qui, pour t'avoir attendue la flûte en main, te forgera deux clous d'une chaude. La douceur qui te chatouillera toute, à ce moment, te fera crier d'autres «Aïe! aïe!», d'autres «Je me meurs» et sur plus belle gamme que si tu avais le mal de matrice. L'office achevé, reviens près de ton homme déchargée de toute peine; cette recette-là, c'est le moyen de ménager la chèvre et les couilles, comme disait le dépensier de l'Armellino.

      Pippa.– Je l'utiliserai.

      Nanna.– Supposé que le jaloux en ait quelque vent, vite la main en l'air, pour jurer que non, et d'une mine assurée dis toujours: «Des bêtises!» S'il entre en fureur, humilie-toi jusqu'à crier: «Ainsi, vous me tenez pour une de ces espèces, hein? Si l'on vous a dit quelque chose, puis-je empêcher les langues? Si j'en avais voulu d'autres, je ne vous aurais pas pris, je n'aurais pas fais de moi une recluse, pour l'amour de vous»; et en clabaudant de la sorte, serre-toi contre lui le plus que tu pourras. Si les poings se mettent à entrer en branle, patience! Il ne tardera pas à payer les frais de médecin et de médecines. Toutes les caresses que tu lui auras faites pour le radoucir, il te les fera pour te reconsoler, et les «Pardonne-moi», les «J'ai eu tort de le croire» te chatouilleront si bien que tu redeviendras la belle et bonne amie. Gare que si tu confessais ta faute ou si tu voulais te revenger de quatre coups de poing qui vont et viennent, tu ne sois en danger de le perdre ou de l'irriter si fort qu'il ne t'en résulterait rien de bon. Il est clair que le difficile c'est de garder des amants et non d'en faire.

      Pippa.– Il n'y a pas de doute à cela.

      Nanna.– Tourne la page. Tu en rencontreras un autre qui ne sera pas jaloux, quoique amoureux, en dépit de ceux qui ne croient pas que l'amour puisse exister sans jalousie. Pour les hommes taillés dans ce bois-là, il y a un électuaire dont on n'a qu'à faire prendre une ou deux lampées: on rendrait jaloux un bordel.

      Pippa.– Quel électuaire?

      Nanna.– Fais-toi écrire une petite lettre par quelqu'un à qui tu puisses te fier; celle-ci, par exemple, que j'ai autrefois apprise par cœur:

      «Signora, je ne puis vous saluer, en tête de ma lettre, parce qu'il n'y a plus de salut pour moi. A l'heure que votre pitié daignera m'assigner et à l'endroit qui vous paraîtra le plus commode, je pourrai vous dire ce que je n'ose vous déclarer par écrit ni par message. C'est pourquoi je vous supplie, au nom de vos charmes divins, que la nature, avec le consentement de Dieu, a empruntés aux anges pour vous les donner, de vouloir permettre que je vous parle. J'ai à vous dire des choses qui vous rendront heureuse, et d'autant plus heureuse que j'obtiendrai plus vite l'audience que je sollicite à genoux. J'attends une réponse empreinte d'autant de grâce qu'il s'en irradie de votre gracieux visage. Si vous refusez de me l'octroyer, comme vous refusâtes les perles que je vous fis porter non en présent, mais en signe de bonne amitié, par… etc., le fer, la corde ou le poison me délivrera de mes peines. Je baise les mains à votre illustre Seigneurie…», avec la suscription et la souscription que saura faire celui qui écrira la lettre, dans le cas que je t'explique.

      Pippa.– Qu'aurai-je à en faire, la lettre une fois écrite?

      Nanna.– Plie-la menu et glisse-la dans un gant que tu laisseras tomber quelque part, comme à l'étourdie. L'homme qui met la jalousie sous ses semelles ne tardera pas à l'avoir en plein poumon. L'insouciant ramasse le gant et sent aussitôt le billet; dès qu'il le sentira, il le prendra et, se cachant d'un chacun, se retirera en quelque coin, seul, tout seul. A peine aura-t-il commencé à lire qu'il commencera à faire la grimace; et quand il en sera aux perles refusées, il soufflera comme un aspic; sa morgue lui tombera dans les talons et l'âme lui viendra aux dents, car j'imagine que le diable entre au corps de l'homme qui tout d'un coup butte contre un rival, et l'on ne pourrait dire quelle rage met sens dessus dessous celui qui jusqu'alors croyant ne pas avoir de compagnon au plat en voit surgir un qui lui met en grand danger tout le rôti. La facétieuse missive lue et relue, il la remettra où il l'a trouvée, c'est-à-dire dans le gant: toi, là-dessus, sois à l'épier par quelque fente ou par le trou de la serrure et, au bon moment, querelle la servante, dis-lui: «Où est mon gant, petite sotte? Où est-il, tête à l'évent?» Le dolent ne manquera pas de s'avancer; hausse le ton et dis: «Gueuse, coquine, tu seras cause de quelque scandale, et peut-être de ma ruine. Je crois bien que si elle lui tombe entre les mains, je ne pourrai jamais lui faire entrer dans la tête que je voulais la lui montrer et lui dire quel est celui qui m'adresse de telles sottises. Dieu sait si des perles ou des ducats ont le pouvoir de faire de moi la femme d'un autre!» L'englué, en entendant cela, calmera sa colère et, après avoir délibéré une minute, СКАЧАТЬ