La destinée. Ages Lucie des
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Название: La destinée

Автор: Ages Lucie des

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la trouvons un matin occupée avec son grand-père à examiner un paquet de vêtements et à mettre de côté ceux dont l'état de vétusté est tel que Nicolas, n'espérant rien en retirer, les lui abandonne. Assis, un crayon et un portefeuille crasseux entre les mains, le marchand inscrit les différents objets de toilette achetés en bloc et presque pour rien à une vente à laquelle il a assisté la veille. Sarah soulève un à un ces objets et sa convoitise se trouve excitée tout à coup par une robe d'enfant bleue et blanche, à peu près usée, mais conservant encore une certaine apparence d'élégance. Elle la tient presque respectueusement à la main et admire avec complaisance les dentelles fripées dont elle est ornée.

      – Voilà un oripeau qui fera sans doute l'affaire d'une des femmes du voisinage, dit Nicolas. Elles ont toutes la passion de parer leur marmaille comme des idoles et celles qui n'ont pas assez d'argent pour acheter du neuf viennent chez moi. J'en tirerai bien quelques sous.

      – Oh! grand-père, donnez-la-moi.

      Habituellement, Sarah n'ose guère formuler ses désirs devant ce vieillard dur et sordide, mais celui-ci l'a emporté sur sa timidité native.

      – Qu'en ferais-tu?

      Elle allonge la robe le long de sa taille mince et montre qu'elle semble de bonne grandeur pour elle:

      – Je la porterais.

      – Toi? Allons donc! C'est beaucoup trop élégant pour une fille de…

      Il s'interrompit.

      – Une fille de quoi? reprend l'enfant.

      Le vieillard fait un geste d'impatience.

      – Je m'entends, dit-il, et ça suffit.

      Et comme elle regarde sans comprendre, ses grands yeux fixés sur lui avec étonnement:

      – Vois-tu, petite, il ne faut pas t'imaginer de jouer à la grande dame. Vrai! Il y a des moments où je ne te reconnais pas pour mon sang! Tu as des instincts de vanité folle! Tu voudrais être mise comme une demoiselle!

      Le reproche semble dérisoire, adressé à la pauvre enfant. Du moins, si jamais pareille ambition s'est éveillée dans sa tête, sûrement il lui a refusé tout moyen de la réaliser, et cette folle idée, si elle a existé, est destinée comme beaucoup des choses de ce monde à tomber dans le néant sans avoir amené aucun résultat.

      Le marchand regarde Sarah avec un air sournois et moqueur; on dirait qu'à travers cette frêle et misérable créature qu'il accuse de vanité et d'amour du luxe, son regard haineux remonte vers une autre personne qu'elle lui rappelle.

      – Cette robe est si belle! murmure la petite fille, qui n'a pas compris grand'chose à la morale de son grand-père et s'étonne même de le trouver plus loquace qu'à l'ordinaire.

      – Eh bien! si elle est belle, elle se vendra.

      Des larmes roulent dans les yeux de l'enfant, mais Nicolas n'a pas pour habitude d'être sensible à si peu de chose. La robe bleue, inscrite sur son calepin, va prendre rang parmi les objets à vendre, et Sarah suit des yeux avec regret les dentelles jaunies qui l'avaient séduite.

      Hélas! que de désirs tout aussi innocents s'évanouissent ainsi sous la main brutale de la vie, plus dure souvent que ne l'était alors celle du vieux marchand.

      – Dépêche-toi de faire ton travail et que le déjeuner soit prêt quand je rentrerai, dit-il brusquement.

      Ayant fini de compulser les richesses réunies en tas sur le plancher, il les ramasse, les plie, et après les avoir serrées avec soin, il sort du magasin pour aller faire une course lointaine, remise depuis plusieurs jours.

      CHAPITRE III

      Demeurée seule, Sarah erre à travers le magasin, touchant avec indifférence les objets à sa portée. Ces meubles lui sont familiers et l'atmosphère de ces salles pèse sur elle depuis plusieurs années; aussi une expression de tristesse règne d'ordinaire sur sa physionomie.

      En ce moment, ce n'est pas qu'elle regrette la robe bleue; ses larmes sont déjà séchées et elle a si rarement goûté un plaisir quelconque qu'elle éprouve à peine un instant de contrariété quand son grand-père refuse d'accéder à une de ses rares demandes. Il lui semble naturel de ne pas jouir, tant sa vie a été jusqu'ici dépourvue des petits bonheurs accordés habituellement à son âge. A force de vivre dans cette vie monotone et silencieuse, elle s'engourdit dans une torpeur qui réagit sur sa santé.

      L'enfant est un être délicat dont le moral demande presque autant que le physique le contact de l'air et du soleil. Or, la petite-fille de Nicolas ne sort jamais que pour les courses nécessaires au ménage, et, renfermée pendant la plus grande partie de ses journées, elle pourrait presque se demander si le soleil existe encore. Pourtant, en ce moment, il envoie dans la pièce où elle est un rayon qui a grand'peine à traverser l'épaisse couche de poussière dont sont revêtues les vitres de la fenêtre. Mais il est si pâle, ce rayon! Son or devient terne en se reposant sur le sol humide et noir du magasin. Quand parfois un brusque mouvement dans l'air du dehors le jette un instant sur la bordure brillante d'un cadre, ce n'est qu'un éclair. La poussière de la vitre, devant laquelle les araignées amoncellent leurs toiles, le voile promptement et tout, autour de Sarah, rentre dans l'ombre au milieu de laquelle se meuvent des milliers d'atômes.

      Arrivée à un siège large et bas sur lequel se trouve un amas de coussins en pile, la petite fille s'y est jetée et immobile, sans s'occuper du travail qu'elle a à faire dans la matinée, ses deux mains croisées sur ses genoux dans l'attitude de l'oubli complet du présent, elle regarde sans le voir l'étrange ameublement qui l'entoure.

      Devant elle, une haute glace reflète les objets et les nombreux miroirs suspendus de tous les côtés. A ses pieds, une étoffe à rayures vives est tombée sur le carreau et cache à demi la dépouille usée de quelque malheureux créancier, qui n'a pu trouver grâce devant Nicolas et a dû lui laisser en gage une partie de ses pauvres vêtements. Entassés sur une console dorée, aux guirlandes de roses soutenues par des amours, on voit deux statuettes de marbre supportant des candélabres de cristal, plusieurs coupes riches ou curieuses et une tenture de soie bleu pâle, dont les plis tombent sur la console et viennent appuyer leurs franges aux reflets d'argent sur un beau vase en porcelaine de Nevers, coiffé fort étrangement d'un casque du seizième siècle.

      Les regards de la petite fille passent distraitement d'un objet à l'autre. Puis elle ferme les yeux et son imagination remonte le cours, bien peu développé encore, des années quelle a passées sur la terre. Elle songe à son enfance, ce qui est sa distraction habituelle dans es longues heures de solitude.

      Sarah n'a aucun souvenir bien précis, tout au plus de rapides éclaircies demeurées dans sa mémoire et si voilées qu'elle se demande parfois si ce ne sont point des rêves qu'elle prend ainsi pour des réalités. Toutefois une chose demeure bien nette pour elle: c'est que ses premières années se sont écoulées dans un autre pays, sous un ciel plus chaud, dans une lumière plus vive et qu'alors, conduite par une femme qu'elle appelait sa mère, il lui est arrivé de parcourir la campagne et de respirer un air moins pesant et moins triste que celui de la demeure de Nicolas.

      Souvent, le dimanche soir, quand elle voit les enfants du voisinage rentrer chez eux après une promenade et rapporter des brassées de fleurs ramassées dans les champs, elle soupire. Si elle l'osait, elle s'enfuirait à son tour pour errer quelques heures à travers ces champs dont elle aperçoit la verdure; mais elle n'ose s'aventurer ainsi seule au dehors et son grand-père a toujours refusé de l'accompagner. En ce СКАЧАТЬ