Название: Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке
Автор: Пьер Шодерло де Лакло
Издательство: КАРО
Жанр: Иностранные языки
Серия: Littérature classique (Каро)
isbn: 978-5-9925-1551-0
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Voici le bulletin d’hier .
À onze heures j’entrai chez Mme de Rosemonde ; et, sous ses auspices, je fus introduit chez la feinte malade, qui était encore couchée. Elle avait les yeux très battus ; j’espère qu’elle avait aussi mal dormi que moi. Je saisis un moment, où Mme de Rosemonde s’était éloignée, pour remettre ma lettre : on refusa de la prendre ; mais je la laissai sur le lit, et allai bien honnêtement approcher le fauteuil de ma vieille tante, qui voulait être auprès de sa chère enfant : il fallut bien serrer la lettre pour éviter le scandale. La malade dit, maladroitement, qu’elle croyait avoir un peu de fièvre. Mme de Rosemonde m’engagea à lui tâter le pouls, en vantant beaucoup mes connaissances en médecine. Ma belle eut donc le double chagrin d’être obligée de me livrer son bras, et de sentir que son petit mensonge allait être découvert. En effet, je pris sa main que je serrai dans une des miennes, pendant que de l’autre je parcourais son bras frais et potelé ; la malicieuse personne ne répondit à rien, ce qui me fit dire, en me retirant : « Il n’y a pas même la plus petite émotion. » Je me doutai que ses regards devaient être sévères, et, pour la punir, je ne les cherchai pas ; un moment après, elle dit qu’elle voulait se lever, et nous la laissâmes seule. Elle parut au dîner, qui fut triste ; elle annonça qu’elle n’irait pas se promener, ce qui était me dire que je n’aurais pas l’occasion de lui parler. Je sentis bien qu’il fallait placer là un soupir et un regard douloureux ; sans doute elle s’y attendait, car ce fut le seul moment de la journée où je parvins à rencontrer ses yeux. Toute sage qu’elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. Je trouvai le moment de lui demander si elle avait eu la bonté de m’instruire de mon sort, et je fus un peu étonné de l’entendre me répondre : Oui, Monsieur, je vous ai écrit. J’étais fort empressé d’avoir cette lettre ; mais soit ruse encore, ou maladresse, ou timidité, elle ne me la remit que le soir, au moment de se retirer chez elle. Je vous l’envoie ainsi que le brouillon de la mienne ; lisez et jugez ; voyez avec quelle insigne fausseté elle affirme qu’elle n’a point d’amour quand je suis sûr du contraire ; et puis elle se plaindra si je la trompe après, lorsqu’elle ne craint pas de me tromper avant ! Ma belle amie, l’homme le plus adroit ne peut encore que se tenir au courant de la femme la plus vraie. Il faudra pourtant feindre de croire à tout ce radotage, et se fatiguer de désespoir, parce qu’il plaît à Madame de jouer la rigueur ! Le moyen de ne se pas venger de ces noirceurs-là !… Ah ! patience… mais adieu. J’ai encore beaucoup à écrire.
À propos, vous me renverrez la lettre de l’inhumaine ; il se pourrait faire par la suite qu’elle voulût qu’on mît du prix à ces misères-là, et il faut être en règle.
Je ne vous parle pas de la petite Volanges ; nous en causerons au premier jour.
Du château, ce 22 août 17**.
Lettre XXVI. La Présidente de Tourvel au Vicomte de Valmont
Sûrement, Monsieur, vous n’auriez eu aucune lettre de moi, si ma sotte conduite d’hier au soir ne me forçait d’entrer aujourd’hui en explication avec vous. Oui, j’ai pleuré, je l’avoue ; peut-être aussi les deux mots, que vous me citez avec tant de soin, me sont-ils échappés ; larmes et paroles, vous avez tout remarqué ; il faut donc vous expliquer tout.
Accoutumée à n’inspirer que des sentiments honnêtes, à n’entendre que des discours que je puis écouter sans rougir, à jouir par conséquent d’une sécurité que j’ose dire que je mérite, je ne sais ni dissimuler ni combattre les impressions que j’éprouve. L’étonnement et l’embarras où m’a jetée votre procédé ; je ne sais quelle crainte, inspirée par une situation qui n’eût jamais dû être faite pour moi ; peut-être l’idée révoltante de me voir confondue avec des femmes que vous méprisez, et traitée aussi légèrement qu’elles ; toutes ces causes réunies ont provoqué mes larmes, et on pu me faire dire, avec raison, je crois, que j’étais malheureuse. Cette expression, que vous trouvez si forte, serait sûrement beaucoup trop faible encore, si mes pleurs et mes discours avaient eu un autre motif ; si, au lieu de désapprouver des sentiments qui doivent m’offenser, j’avais pu craindre de les partager.
Non, Monsieur, je n’ai pas cette crainte ; si je l’avais, je fuirais à cent lieues de vous ; j’irais pleurer dans un désert le malheur de vous avoir connu. Peut-être même, malgré la certitude où je suis de ne vous point aimer, de ne vous aimer jamais, peut-être aurais-je mieux fait de suivre les conseils de mes amis ; de ne pas vous laisser approcher de moi.
J’ai cru, et c’est là mon seul tort, j’ai cru que vous respecteriez une femme honnête, qui ne demandait pas mieux que de vous trouver tel et de vous rendre justice ; qui déjà vous défendait, tandis que vous l’outragiez par vos vœux criminels. Vous ne me connaissez pas ; non, Monsieur, vous ne me connaissez pas. Sans cela, vous n’auriez pas cru pouvoir vous faire un droit de vos torts : parce que vous m’avez tenu des discours que je ne devais pas entendre, vous ne vous seriez pas cru autorisé à m’écrire une lettre que je ne devais pas lire : et vous me demandez de guider vos démarches, de dicter vos discours ! Hé bien, Monsieur, le silence et l’oubli, voilà les conseils qu’il me convient de vous donner, comme à vous de suivre : alors, vous aurez, en effet, des droits à mon indulgence : il ne tiendrait qu’à vous d’en obtenir même à ma reconnaissance… Mais non, je ne ferai point une demande à celui qui ne m’a point respectée ; je ne donnerai point une marque de confiance à celui qui a abusé de ma sécurité. Vous me forcez à vous craindre, peut-être à vous haïr : je ne le voulais pas ; je ne voulais voir en vous que le neveu de ma plus respectable amie ; j’opposais la voix de l’amitié à la voix publique qui vous accusait. Vous avez tout détruit ; et, je le prévois, vous ne voudrez rien réparer.
Je m’en tiens, Monsieur, à vous déclarer que vos sentiments m’offensent, que leur aveu m’outrage, et surtout que, loin d’en venir un jour à les partager, vous me forceriez à ne vous revoir jamais, si vous ne vous imposiez sur cet objet un silence qu’il me semble avoir droit d’attendre, et même d’exiger de vous. Je joins à cette lettre celle que vous m’avez écrite, et j’espère que vous voudrez bien de même me remettre celle-ci ; je serais vraiment peinée qu’il restât aucune trace d’un événement qui n’eût jamais dû exister. J’ai l’honneur d’être, etc.
De …, ce 21 août 17**.
Lettre XXVII. Cécile Volanges à la Marquise de Merteuil
Mon Dieu, que vous êtes bonne, Madame ! comme vous avez bien senti qu’il me serait plus facile de vous écrire que de vous parler ! Aussi, c’est que ce que j’ai à vous dire est bien difficile ; mais vous êtes mon amie, n’est-il pas vrai ? Oh ! oui, ma bien bonne amie ! Je vais tâcher de ne pas avoir peur ; et puis, j’ai tant besoin de vous, de vos conseils ! J’ai bien du chagrin ; il me semble que tout le monde devine ce que je pense ; et surtout quand il est là, je rougis dès qu’on me regarde. Hier, quand vous m’avez vue pleurer, c’est que je voulais vous parler, et puis, je ne sais quoi m’en empêchait ; et quand vous m’avez demandé ce que j’avais, mes larmes sont venues malgré moi. Je n’aurais pas pu dire une parole. Sans vous, Maman allait s’en apercevoir, et qu’est-ce que je serais devenue ? Voilà pourtant comme je passe ma vie , surtout depuis quatre jours !
C’est ce jour-là, Madame, oui, je vais vous le dire, c’est ce jour-là que M. le Chevalier Danceny m’a écrit : oh ! je vous assure que quand j’ai trouvé sa lettre, je ne savais pas du tout ce que c’était. Mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n’aie eu bien du plaisir en la lisant. Voyez-vous, j’aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s’il ne me l’eût pas écrite ! Mais je savais bien que je ne devais pas le lui dire, et je peux bien vous assurer même que je lui ai dit que j’en étais fâchée : mais il dit que c’était plus fort que lui, et je le crois bien ; car j’avais СКАЧАТЬ