Название: Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке
Автор: Пьер Шодерло де Лакло
Издательство: КАРО
Жанр: Иностранные языки
Серия: Littérature classique (Каро)
isbn: 978-5-9925-1551-0
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Cependant, au milieu des bénédictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au héros d’un drame, dans la scène du dénouement. Vous remarquerez que, dans cette foule, était surtout le fidèle espion. Mon but était rempli : je me dégageai d’eux tous, et regagnai le château. Tout calculé, je me félicite de mon invention. Cette femme vaut bien dix louis et l’ayant payée d’avance, j’aurai le droit d’en disposer à ma fantaisie, sans avoir de reproches à me faire.
J’oubliais de vous dire que pour mettre tout à profit, j’ai demandé à ces bonnes gens de prier Dieu pour le succès de mes projets. Vous allez voir si déjà leurs prières n’ont pas été en partie exaucées. Mais on m’avertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette lettre partît, si je ne la fermais qu’en me retirant. Ainsi, le reste à l’ordinaire prochain. J’en suis fâché ; car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir.
De…, 20 août 17**.
Lettre XXII. La Présidente de Tourvel à Madame de Volanges
Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaître un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous l’a représenté. Il est si pénible de penser désavantageusement de qui que se soit, si fâcheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualités nécessaires pour faire aimer la vertu ! Enfin vous aimez tant à user d’indulgence, que c’est vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement rigoureux. M. de Valmont me paraît fondé à espérer cette faveur, je dirais presque cette justice de votre part ; et voici sur quoi je le pense.
Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme l’idée vous en était venue ; idée que je m’accuse d’avoir saisie peut-être avec trop de vivacité. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve d’être injustes, un de mes gens devait aller du même côté que lui[12] ; et c’est par là que ma curiosité répréhensible, mais heureuse, a été satisfaite. Il nous a rapporté que M. de Valmont, ayant trouvé au village de… une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute d’avoir pu payer les impositions, s’était empressé non seulement d’acquitter sur-le-champ la dette de ces pauvres gens, mais même leur avait donné une somme d’argent assez considérable. Mon domestique a été témoin de cette vertueuse action ; et il m’a rapporté de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit qu’un domestique, qu’ils ont désigné, et que le mien croit être celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce n’est même plus seulement une compassion passagère, et que l’occasion détermine : c’est le projet formé de faire du bien ; c’est la sollicitude de la bienfaisance ; c’est la plus belle vertu des plus belles âmes ; mais, soit hasard ou projet, c’est toujours une action honnête et louable, et dont le seul récit m’a attendrie jusqu’aux larmes. J’ajouterai de plus, et toujours par justice, que lorsque je lui ai parlé de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencé par s’en défendre, et a eu l’air d’y mettre si peu de valeur, lorsqu’il en est convenu, que sa modestie en doublait le mérite.
A présent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour, s’il n’est que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnêtes ? Quoi ! les méchants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacré de la bienfaisance ? Dieu permettrait-il qu’une famille vertueuse reçut, de la main d’un scélérat, des secours dont elle rendrait grâce à sa divine Providence ? et pourrait-il se plaire à entendre des bouches pures répandre leurs bénédictions sur un réprouvé ? Non. J’aime mieux croire que des erreurs, pour être longues, ne sont pas éternelles ; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit l’ennemi de la vertu. M. de Valmont n’est peut-être qu’un exemple de plus du danger des liaisons. Je m’arrête à cette idée qui me plaît. Si, d’une part, elle peut servir à le justifier dans votre esprit, de l’autre, elle me rend de plus en plus précieuse l’amitié tendre qui m’unit à vous pour la vie.
J’ai l’honneur d’être, Madame, etc.
P. S. Mme de Rosemonde et moi nous allons, dans l’instant, voir aussi l’honnête et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs à ceux de M. de Valmont. Nous le mènerons avec nous. Nous donnerons au moins à ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur ; c’est, je crois, tout ce qu’il nous a laissé à faire.
De…, ce 20 août 17**.
Lettre XXIII. Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil
Nous en sommes restés à mon retour au château : je reprends mon récit.
Je n’eus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, où ma belle faisait de la tapisserie, tandis que le curé du lieu lisait la gazette à ma vieille tante. J’allai m’asseoir auprès du métier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientôt deviner que le domestique avait déjà rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable curieuse ne put garder plus longtemps le secret qu’elle m’avait dérobé ; et, sans crainte d’interrompre un vénérable pasteur dont le débit ressemblait pourtant à celui d’un prône : « J’ai bien aussi ma nouvelle à débiter, » dit-elle ; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur à l’intelligence de son historien. Vous jugez comme je déployai toute ma modestie : mais qui pourrait arrêter une femme qui fait, sans s’en douter, l’éloge de ce qu’elle aime ? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eût dit qu’elle prêchait le panégyrique d’un saint. Pendant ce temps, j’observais, non sans espoir, tout ce que promettaient à l’amour son regard animé, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altération déjà sensible, trahissait l’émotion de son cœur. A peine elle finissait de parler : « Venez, mon neveu, me dit Mme de Rosemonde ; venez que je vous embrasse. » Je sentis aussitôt que la jolie rêcheuse ne pourrait se défendre d’être embrassée à son tour. Cependant elle voulut fuir ; mais elle fut bientôt dans mes bras ; et, loin d’avoir la force de résister, à peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus j’observe cette femme, et plus elle me paraît désirable. Elle s’empressa de retourner à son métier, et eut l’air, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie ; mais moi, je m’aperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage.
Après le dîner, les dames voulurent aller voir les infortunés que j’avais si pieusement secourus et je les accompagnai. Je vous sauve l’ennui de cette seconde scène de reconnaissance et d’éloges. Mon cœur, pressé d’un souvenir délicieux, hâte le moment du retour au château. Pendant la route, ma belle Présidente, plus rêveuse qu’à l’ordinaire, ne disait pas un mot. Tout occupé de trouver les moyens de profiter de l’effet qu’avait produit l’événement du jour, je gardais le même silence. Mme de Rosemonde parlait seule, et n’obtenait de nous que des réponses courtes et rares. Nous dûmes l’ennuyer : j’en avais le projet et il réussit. Aussi, en descendant de voiture, elle passa dans son appartement, et nous laissa tête à tête, ma belle et moi, dans un salon mal éclairé ; obscurité douce, qui enhardit l’amour timide.
Je n’eus pas la peine de diriger la conversation où je voulais la conduire. La ferveur de l’aimable prêcheuse me servit mieux que n’aurait pu faire mon adresse. « Quand on est si digne de faire le bien, me dit-elle, en arrêtant sur moi son doux regard, comment passe-t-on sa vie à mal faire ? – Je ne mérite, СКАЧАТЬ
12
Madame de Tourvel n’ose donc pas dire que c’est par son ordre.