Les Oeuvres Complètes de Proust, Marcel. Marcel Proust
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Les Oeuvres Complètes de Proust, Marcel - Marcel Proust страница 12

Название: Les Oeuvres Complètes de Proust, Marcel

Автор: Marcel Proust

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066373511

isbn:

СКАЧАТЬ pas lui qui vous parierait tendrement… Honorons-le: Quel ami véritable!…»

      X

      Un milieu élégant est celui où l’opinion de chacun est faite de l’opinion des autres. Estelle faite du contrepied de l’opinion des autres? C’est un milieu littéraire.

      L’exigence du libertin qui veut une virginité est encore une forme de l’éternel hommage que rend l’amour à l’innocence.

      En quittant les **, vous allez voir les ***, et la bêtise, la méchanceté, la misérable situation des ** est mise à nu. Pénétré d’admiration pour la clairvoyance des ***, vous rougissez d’avoir d’abord eu quelque considération pour les **. Mais quand-vous retournez chez eux, ils percent de part en part les *** et à peu près avec les mêmes procédés. Aller de l’un chez l’autre, c’est visiter les deux camps ennemis. Seulement comme l’un n’entend jamais la fusillade de l’autre, il se croit le seul armé. Quand un c’est aperçu que l’armement est le même et que les forces ou plutôt les faiblesses sont à peu près pareilles, on cesse alors d’admirer celui qui tire et de mépriser celui qui est visé. C’est le commencement de la sagesse. La sagesse, même serait de rompre avec tous les deux.

      XI – Scénario

      Honoré est assis dans sa chambre. Il se lève et se regarde dans la glace:

      SA CRAVATE – Voici bien des fois que tu charges de langueur et que tu amollis rêveusement mon noeud expressif et un peu défait. Tu es donc amoureux, cher ami; mais pourquoi es-tu triste?…

      SA PLUME – Oui, pourquoi es-tu triste? Depuis une semaine tu me surmènes mon maître, et pourtant j’ai bien changé de genre de vie! Moi qui semblais promise à des tâches plus glorieuses, je crois que je n’écrirai plus que des billets doux, si j’en juge par ce papier à lettres que tu viens de me faire faire. Mais ces billets doux seront tristes, comme me le présagent les désespoirs nerveux dans lesquels tu me saisis et me reposes tout à coup. Tu es amoureux, mon ami, mais pourquoi es-tu triste?

      DES ROSES, DES ORCHIDÉES, DES HORTENSIAS, DES CHEVEUX DE VÉNUS, DES ANCOLIES, qui remplissent la chambre. – Tu nous as toujours aimées, mais jamais tu ne nous appelas autant à la fois à te charmer par nos poses fières et mièvres, notre geste éloquent et la voix touchante de nos parfums. Certes, nous te présentons les grâces fraîches de la bien-aimée. Tu es amoureux, mais pourquoi es-tu triste?…

      DES LIVRES. – Nous fûmes toujours tes prudents conseillers, toujours interrogés, toujours inécoutés.

      Mais si nous ne t’avons pas fait agir, nous t’avons fait comprendre, tu as couru tout de même à la défaite; mais au moins tu ne t’es pas battu dans l’ombre et comme dans un cauchemar: ne nous relègue pas à l’écart comme de vieux précepteurs dont on ne veut plus. Tu nous as tenus dans tes mains enfantines. Tes yeux encore purs s’étonnèrent en nous contemplant. Si tu ne nous aimes pas pour nous-mêmes, aimenous pour tout ce que nous te rappelons de toi, de tout ce que tu as été, de tout ce que tu aurais pu être, et avoir pu l’être n’est-ce pas un peu, tandis que tu y songeais, l’avoir été?

      Viens écouter notre voix familière et sermonneuse; nous ne te dirons pas pourquoi tu es amoureux, mais nous te dirons pourquoi tu es triste, et si notre enfant se désespère et pleure, nous lui raconterons des histoires, nous le bercerons comme autrefois quand la voix de sa mère prêtait à nos paroles sa douce autorité, devant le feu qui flambait de toutes ses étincelles, de tous tes espoirs et de tous tes rêves.

      HONORÉ. – je suis amoureux d’elle et je crois que je serai aimé. Mais mon coeur me dit que moi qui fus si changeant, je serai toujours amoureux d’elle, et ma bonne fée sait que je n’en serai aimé qu’un mois. Voilà pourquoi, avant d’entrer dans le paradis de ces joies brèves, je m’arrête sur le seuil pour essuyer mes yeux.

      SA BONNE FÉE. – Cher ami, je viens du Ciel t’apporter ta grâce, et ton bonheur dépendra de toi. Si, pendant un mois, au risque de gâter par tant d’artifices les joies que tu te promettais des débuts de cet amour, tu dédaignes celle que tu aimes, si tu sais pratiquer la coquetterie et affecter l’indifférence, ne pas venir au rendez-vous que vous prendrez et détourner tes lèvres de sa poitrine qu’elle te tendra comme une gerbe de roses, votre amour fidèle et partagé s’édifiera pour l’éternité sur l’incorruptible base de ta patience.

      HONORÉ, sautant de joie. – Ma bonne fée, je t’adore et je t’obéirai.

      LA PETITE PENDULE DE SAXE. – Ton amie est inexacte, mon aiguille a déjà dépassé la minute où tu la rêvais depuis si longtemps et où la bien-aimée devait venir. Je crains bien de rythmer encore longtemps de mon tic-tac monotone ta mélancolique et voluptueuse attente; tout en sachant le temps, je ne comprends rien à la vie, les heures tristes prennent la place des minutes joyeuses, se confondent en moi comme des abeilles dans une ruche…

      La sonnette retentit; un domestique va ouvrir la porte.

      LA BONNE FÉE. – Songe à m’obéir et que L’éternité de ton amour en dépend.

      La pendule bat fiévreusement, les parfums des roses s’inquiètent et les orchidées tourmentées se penchent anxieusement vers Honoré; une a l’air méchant. Sa plume inerte le considère avec la tristesse de ne pouvoir bouger. Les livres n’interrompent point leur grave murmure. Tout lui dit: Obéis à la fée et songe que l’éternité de ton amour en dépend…

      HONORÉ, sans hésiter. – Mais j’obéirai. Comment pouvez-vous douter de moi?

      La bien-aimée entre; les roses, les orchidées, les cheveux de Vénus, la plume et le papier, la pendule de Saxe, Honoré haletant vibrent comme une harmonie d’elle, Honoré se précipite sur sa biche en s’écriant: «Je t’aime!…»

      ÉPILOGUE. – Ce fut comme s’il avait soufflé sur la flamme du désir de la bien-aimée. Feignant d’être choquée de l’inconvenance de ce procédé, elle s’enfuit et il ne la revit jamais que le torturant d’un regard indifférent et sévère…

      XII – Éventail

      Madame, j’ai peint pour vous cet éventail.

      Puisse-t-il selon votre désir évoquer dans votre retraite les formes vaines et charmantes qui peuplèrent votre salon, si riche alors de vie gracieuse, à jamais fermé maintenant.

      Les lustres, dont toutes les branches portent de grandes fleurs pâles, éclairent des objets d’art de tous les temps et de tous les pays. Je pensais à l’esprit de notre temps en promenant avec mon pinceau les regards curieux de ses lustres sur la diversité de vos bibelots.

      Comme eux, il a contemplé les exemplaires de la pensée ou de la vie des siècles à travers le monde. Il a démesurément étendu le cercle de ses excursions. Par plaisir, par ennui, il les a variées comme les promenades, et maintenant, découragé de trouver, non pas même le but, mais le bon chemin, sentant ses forces défaillir, et que son courage l’abandonne, il se couche la face contre terre pour ne plus rien voir, comme une brute. Je les ai pourtant peints avec tendresse, les rayons de vos lustres; ils ont caressé avec une amoureuse mélancolie tant de choses et tant d’êtres, et maintenant ils se sont éteints à jamais.

      Malgré les petites dimensions du cadre, vous reconnaîtrez peut-être les personnes du premier plan, et que le peintre impartial a mis en même valeur, comme votre sympathie égale, les grands seigneurs, les femmes belles et les hommes de talent. Conciliation téméraire aux yeux du monde, insuffisante au СКАЧАТЬ