Récits de Sébastopol: La guerre de Crimée (Écrits autobiographique de Tolstoï): Récits du Caucase. León Tolstoi
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Читать онлайн книгу Récits de Sébastopol: La guerre de Crimée (Écrits autobiographique de Tolstoï): Récits du Caucase - León Tolstoi страница 5

СКАЧАТЬ faire tout. Vous devinez que le sentiment qui les fait agir n’est pas celui que vous avez éprouvé, mesquin, vaniteux, mais un autre, plus puissant, qui en a fait des hommes vivant tranquillement dans la boue, travaillant et veillant sous les boulets avec cent chances pour une d’être tués contrairement au lot commun de leurs semblables. Ce n’est pas pour une croix, pour un grade ; ce n’est pas forcé par des menaces qu’on se soumet à des conditions d’existence aussi épouvantables : il faut qu’il y ait un autre mobile plus élevé. Ce mobile gît dans un sentiment qui se manifeste rarement, qui se cache avec pudeur, mais qui est profondément enraciné dans le cœur de tout Russe : l’amour de la patrie. C’est à présent seulement que les récits qui circulaient pendant la première période du siège de Sébastopol, alors qu’il n’y avait ni fortifications, ni troupes, ni possibilité matérielle de s’y maintenir et que pourtant personne n’admettait la pensée de la reddition, c’est à présent seulement que les paroles de Komiloff, de ce héros digne de la Grèce antique, disant à ses troupes : « Enfants, nous mourrons, mais nous ne rendrons pas Sébastopol », et la réponse de nos braves soldats incapables de faire des phrases : « Nous mourrons, hourra ! » c’est à présent seulement que ces récits ont cessé d’être, pour vous de belles légendes historiques, qu’ils sont devenus une vérité, un fait. Vous vous représenterez aisément, sous les traits de ceux que vous venez de voir, les héros de cette période d’épreuves qui n’ont pas perdu courage et qui se préparaient avec jouissance à mourir, non pour la défense de la ville, mais pour celle de la patrie ! La Russie conservera longtemps les traces sublimes de l’épopée de Sébastopol, dont le peuple russe a été le héros !…

      Le jour baisse, le soleil qui va disparaître à l’horizon perce les nuages gris qui l’entourent et illumine de ses rayons empourprés la mer aux reflets verdâtres, doucement ondulée, couverte de navires et de bateaux, les maisons blanches de la ville et la population qui s’y meut. Sur le boulevard, la musique d’un régiment joue une vieille valse dont l’eau porte au loin les sons, auxquels la canonnade des bastions forme un accompagnement étrange et saisissant.

      1. Boisson populaire.

      2. Tireurs.

       Sébastopol en mai

      Table des matières

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XV

      Six mois se sont écoulés depuis que la première bombe lancée des bastions de Sébastopol a labouré la terre en la rejetant sur les travaux de l’ennemi ; depuis lors, des milliers de bombes, de boulets et de balles n’ont cessé de voler des bastions dans les tranchées, des tranchées sur les bastions, et l’ange de la mort n’a pas cessé de planer au-dessus d’eux.

      L’amour-propre de milliers d’êtres a été froissé chez les uns, satisfait chez les autres, ou apaisé dans les étreintes de la mort ! Que de cercueils roses sous des draps de toile !.. Et toujours le même grondement sous les bastions ; de leur camp, les Français, poussés par un sentiment involontaire d’anxiété et de terreur, examinent par une soirée limpide le sol jaunâtre et défoncé des bastions de Sébastopol, sur lesquels vont et viennent les noires silhouettes de nos matelots ; ils comptent les embrasures d’où sortent les canons de fonte à la mine farouche ; dans la guérite du télégraphe, un sous-officier observe à l’aide d’une lunette d’approche les figures des soldats ennemis, leurs batteries, leurs tentes, les mouvements de leurs colonnes sur le Mamelon-Vert et les fumées qui montent des tranchées : c’est avec la même ardeur que converge des différentes parties du monde vers cet endroit fatal une foule composée de races hétérogènes et mue par les désirs les plus dissemblables. La poudre et le sang ne parviennent pas à résoudre la question que les diplomates n’ont pas su trancher.

      Table des matières

      Dans Sébastopol assiégé, la musique d’un régiment jouait sur le boulevard ; une foule endimanchée de militaires et de femmes se promenait dans les allées. Le clair soleil de printemps s’était levé le matin sur les travaux des Anglais ; il avait passé sur les bastions, sur la ville et sur la caserne Nicolas, répandant sur tous sa lumière égale et joyeuse ; maintenant il descendait dans les lointains bleus de la mer, qui ondulait mollement, étincelante de reflets d’argent.

      Un officier d’infanterie de haute taille, légèrement voûté, occupé à mettre des gants d’une blancheur douteuse, mais encore présentables, sortit d’une des petites maisons de matelots construites du côté gauche de la rue de la Marine ; il s’achemina vers le boulevard en regardant la pointe de ses bottes d’un œil distrait. L’expression de son visage, franchement laid, ne dénotait point une haute capacité intellectuelle ; mais la bonhomie, le bon sens, l’honnêteté et l’amour de l’ordre s’y lisaient ouvertement. Il était mal bâti et semblait éprouver quelque confusion de la gaucherie de ses mouvements. Coiffé d’une casquette usée, il portait un léger manteau d’une couleur bizarre tirant sur le lilas, sous lequel on apercevait la chaîne d’or de sa montre, un pantalon à sous-pieds, des bottes propres et luisantes. Si les traits de sa figure n’eussent témoigné son origine purement russe, on aurait pu le prendre pour un Allemand, pour un aide de camp ou un vaguemestre de régiment, — les éperons lui manquaient, il est vrai, — ou bien encore pour un de ces officiers de cavalerie qui avaient permuté afin de faire campagne. C’en СКАЧАТЬ