Название: Récits de Sébastopol: La guerre de Crimée (Écrits autobiographique de Tolstoï): Récits du Caucase
Автор: León Tolstoi
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066446710
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Le jour baisse, le soleil qui va disparaître à l’horizon perce les nuages gris qui l’entourent et illumine de ses rayons empourprés la mer aux reflets verdâtres, doucement ondulée, couverte de navires et de bateaux, les maisons blanches de la ville et la population qui s’y meut. Sur le boulevard, la musique d’un régiment joue une vieille valse dont l’eau porte au loin les sons, auxquels la canonnade des bastions forme un accompagnement étrange et saisissant.
1. Boisson populaire.
2. Tireurs.
Sébastopol en mai
Contenu
Six mois se sont écoulés depuis que la première bombe lancée des bastions de Sébastopol a labouré la terre en la rejetant sur les travaux de l’ennemi ; depuis lors, des milliers de bombes, de boulets et de balles n’ont cessé de voler des bastions dans les tranchées, des tranchées sur les bastions, et l’ange de la mort n’a pas cessé de planer au-dessus d’eux.
L’amour-propre de milliers d’êtres a été froissé chez les uns, satisfait chez les autres, ou apaisé dans les étreintes de la mort ! Que de cercueils roses sous des draps de toile !.. Et toujours le même grondement sous les bastions ; de leur camp, les Français, poussés par un sentiment involontaire d’anxiété et de terreur, examinent par une soirée limpide le sol jaunâtre et défoncé des bastions de Sébastopol, sur lesquels vont et viennent les noires silhouettes de nos matelots ; ils comptent les embrasures d’où sortent les canons de fonte à la mine farouche ; dans la guérite du télégraphe, un sous-officier observe à l’aide d’une lunette d’approche les figures des soldats ennemis, leurs batteries, leurs tentes, les mouvements de leurs colonnes sur le Mamelon-Vert et les fumées qui montent des tranchées : c’est avec la même ardeur que converge des différentes parties du monde vers cet endroit fatal une foule composée de races hétérogènes et mue par les désirs les plus dissemblables. La poudre et le sang ne parviennent pas à résoudre la question que les diplomates n’ont pas su trancher.
I
Dans Sébastopol assiégé, la musique d’un régiment jouait sur le boulevard ; une foule endimanchée de militaires et de femmes se promenait dans les allées. Le clair soleil de printemps s’était levé le matin sur les travaux des Anglais ; il avait passé sur les bastions, sur la ville et sur la caserne Nicolas, répandant sur tous sa lumière égale et joyeuse ; maintenant il descendait dans les lointains bleus de la mer, qui ondulait mollement, étincelante de reflets d’argent.
Un officier d’infanterie de haute taille, légèrement voûté, occupé à mettre des gants d’une blancheur douteuse, mais encore présentables, sortit d’une des petites maisons de matelots construites du côté gauche de la rue de la Marine ; il s’achemina vers le boulevard en regardant la pointe de ses bottes d’un œil distrait. L’expression de son visage, franchement laid, ne dénotait point une haute capacité intellectuelle ; mais la bonhomie, le bon sens, l’honnêteté et l’amour de l’ordre s’y lisaient ouvertement. Il était mal bâti et semblait éprouver quelque confusion de la gaucherie de ses mouvements. Coiffé d’une casquette usée, il portait un léger manteau d’une couleur bizarre tirant sur le lilas, sous lequel on apercevait la chaîne d’or de sa montre, un pantalon à sous-pieds, des bottes propres et luisantes. Si les traits de sa figure n’eussent témoigné son origine purement russe, on aurait pu le prendre pour un Allemand, pour un aide de camp ou un vaguemestre de régiment, — les éperons lui manquaient, il est vrai, — ou bien encore pour un de ces officiers de cavalerie qui avaient permuté afin de faire campagne. C’en СКАЧАТЬ