Résurrection (Roman). León Tolstoi
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Читать онлайн книгу Résurrection (Roman) - León Tolstoi страница 4

Название: Résurrection (Roman)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Философия

Серия:

isbn: 4064066373573

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СКАЧАТЬ de la sixième classe, aux moustaches naissantes, négligea ses études pour faire la cour à la jolie bonne. La mère rejeta toute la faute sur celle-ci, et la renvoya.

      Aucune place nouvelle ne s’offrait; et un jour, étant venue au bureau de placement, Katucha y rencontra une dame dont les mains nues étaient chargées de bagues et de bracelets. Cette dame, dès qu’elle sut la situation de la jeune femme, lui donna son adresse et l’invita à venir la voir. Et la Maslova y alla. La dame lui fit un accueil des plus aimables, la régala de gâteaux et de vin sucré, la retint jusqu’au soir. Le soir, Katucha vit entrer dans la chambre un homme de haute taille, avec de longs cheveux gris et une barbe grise, qui, aussitôt, s’assit près d’elle et, les yeux luisants et le sourire aux lèvres, se mit à l’examiner et à plaisanter avec elle. La dame le prit à part un moment, dans la chambre voisine. Katucha put entendre les mots: «Toute fraîche, venant droit de la campagne.» Puis ce fut elle-même que la dame appela: elle lui dit que le vieux monsieur était un écrivain, qu’il avait beaucoup d’argent, et qu’il lui donnerait tout ce qu’elle voudrait si seulement elle savait lui plaire. Effectivement elle lui plut, et l’écrivain lui donna vingt-cinq roubles, en lui promettant de la revoir souvent. Cet argent fut d’ailleurs vite dépensé: Katucha en remit une partie à sa cousine en paiement de sa pension; avec le reste, elle s’acheta une robe, un chapeau, et des rubans. Quelques jours après, l’écrivain lui fixa de nouveau un rendez-vous; elle y vint; il lui donna de nouveau vingt-cinq roubles, et l’engagea à s’installer en chambre garnie.

      Dans la chambre que l’écrivain avait louée pour elle, la Maslova fit connaissance avec un commis de boutique, un joyeux garçon, qui demeurait dans la même cour. Elle s’éprit de lui, avoua la chose à l’écrivain, qui, aussitôt, la quitta; et le commis, après lui avoir promis de l’épouser, ne tarda pas à la quitter à son tour. La jeune femme aurait volontiers continué à vivre seule en garni, mais cela lui fut défendu: on lui apprit qu’elle pouvait bien, en vérité, vivre de cette façon, mais seulement à la condition de prendre, au bureau de police, une carte rouge, et de se soumettre à l’examen médical.

      Alors Katucha revint chez sa cousine. Celle-ci, la voyant vêtue d’une robe à la mode, avec un beau chapeau et un manteau de fourrure, l’accueillit avec respect, et n’osa plus lui proposer d’entrer dans son atelier; elle la jugeait désormais promue à une classe supérieure de la société. Pour la Maslova elle-même, d’ailleurs, il ne pouvait plus être question d’entrer dans un atelier de blanchisseuse. C’est tout au plus si elle se résignait à séjourner provisoirement dans la chambre de sa cousine: elle considérait avec une pitié mêlée de mépris la vie de travaux forcés que menaient, dans l’atelier, les blanchisseuses, s’épuisant à frotter et à repasser, par trente degrés de chaleur, avec la fenêtre ouverte hiver comme été. Et c’est à cette époque que, tandis que la Maslova se trouvait dans un dénuement extrême, ne parvenant pas à rencontrer un seul protecteur, elle fut rejointe par une entremetteuse qui racolait des filles pour les maisons de tolérance.

      La Maslova avait pris depuis longtemps déjà l’habitude de fumer; et, dans les derniers temps de ses rapports avec le commis, elle s’était de plus en plus entraînée à boire. Le vin l’attirait non seulement parce qu’il lui paraissait agréable au goût, mais surtout parce qu’il lui procurait une distraction, et faisait taire en elle la voix de sa conscience; car, à jeun, elle s’ennuyait, et souvent avait honte. Aussi l’entremetteuse eut-elle soin de l’inviter à un repas; puis, l’ayant grisée, elle lui proposa de la faire entrer dans une belle maison, la meilleure de la ville, étalant devant elle toutes les commodités et tous les privilèges de la vie qu’elle y mènerait. La Maslova avait à choisir: d’une part, un emploi humiliant de servante, dans lequel, suivant toute probabilité, elle aurait à subir les instances des hommes, et devrait se livrer à une prostitution secrète et précaire; d’autre part, une position assurée et tranquille, une prostitution avouée, protégée par la loi, grassement rétribuée.

      Elle choisit naturellement le second parti. Elle avait, en outre, l’impression de se venger ainsi du prince qui l’avait séduite, et du commis, et de tous les hommes dont elle avait eu à se plaindre. Mais ce qui la tenta surtout, et qui fut la cause principale de sa détermination, c’est que l’entremetteuse lui dit qu’elle pourrait se commander toutes les robes qu’elle voudrait, en velours, en faille, en soie, et des robes de bal découvrant les épaules et les bras. Lorsque la Maslova se vit, en imagination, vêtue d’une robe de soie jaune clair, décolletée, avec des revers de velours noir, elle n’y tint plus et signa l’engagement: sur quoi l’entremetteuse fit aussitôt venir un fiacre, et la conduisit dans une maison connue et estimée de la ville entière, la maison de Caroline Albertovna Rosanov.

      De ce jour commença pour la Maslova cette vie de violation continue des lois divines et humaines que des centaines de milliers de femmes mènent aujourd’hui, non seulement avec l’autorisation, mais sous la protection effective d’un pouvoir légal soucieux du bien-être de ses subordonnés: cette vie dégradante et monstrueuse qui aboutit, neuf fois sur dix, après d’horribles souffrances, à une décrépitude et à une mort prématurées.

      Le matin et durant la plus grande partie de la journée, un lourd sommeil, après les fatigues de la nuit. Entre trois et quatre heures, un réveil las, dans les draps souillés; des gorgées d’eau de seltz, de café, des flâneries à travers la chambre, en chemise, en peignoir, en camisole, des coups d’œil dans la rue par les fenêtres aux persiennes fermées, d’indolentes querelles entre femmes; puis des lavages, des maquillages, l’étouffement du corps dans un corset trop serré, le choix d’une robe, des disputes à ce sujet avec la patronne, des études de poses devant la glace, des applications de fard sur les joues et de khôl sur les cils, des mets gras et sucrés; puis l’endossement d’une robe de soie claire, laissant à nu la moitié du corps; puis la descente dans un salon trop orné, éclairé d’une lumière trop crue, et alors la réception des clients: de la musique, des danses, des gâteaux, du vin, du tabac; et un commerce galant avec des jeunes gens, des hommes mûrs, des adolescents, des vieillards tombant en ruine, avec des célibataires, des hommes mariés, des marchands, des commis, des Arméniens, des Juifs, des Tartares, avec des riches et des pauvres, des bien portants et des malades, avec des ivrognes et des hommes à jeun, avec des brutes et des hommes du monde, avec des militaires, des fonctionnaires, des étudiants, des collégiens, avec des gens de toutes les conditions, de tous les âges, et de tous les caractères. Et des cris et des moqueries, et des rires et de la musique, et du tabac et du vin, et du vin et du tabac, et de la musique depuis le soir jusqu’à l’aube. Et, le matin seulement, la liberté et le lourd sommeil. Et de même tous les jours, d’un bout à l’autre de la semaine. Et à la fin de chaque semaine, la visite légale, au bureau de police: une vraie loterie, où les fonctionnaires et médecins présents au bureau tantôt se montrent sérieux et sévères, tantôt s’amusent joyeusement à humilier ce sens de la pudeur donné par la nature, comme une sauvegarde, non seulement à l’espèce humaine mais aux bêtes elles-mêmes. On passe en revue les femmes, après quoi on leur donne une patente les autorisant à poursuivre la même vie pendant la semaine qui suit. Et de nouveau la même vie, pendant cette semaine. Et cela indéfiniment, en hiver comme en été, les jours de grandes fêtes comme les jours ouvrables.

      La Maslova vécut cette vie durant plus de six ans. Deux fois elle changea de maison, et une fois elle dut faire un séjour à l’hôpital. La septième année, — elle avait alors vingt-six ans, — se produisit l’événement qui lui valut d’être arrêtée, et qui lui valait maintenant d’être menée devant la cour d’assises, après un emprisonnement préventif de plusieurs mois en compagnie de créatures ayant pour métier le vol et l’assassinat.

      CHAPITRE III

      I

      Au moment où la Maslova, assise sur un banc, dans une cellule du Palais de Justice, СКАЧАТЬ