La Guerre et la Paix (Texte intégral). León Tolstoi
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Название: La Guerre et la Paix (Texte intégral)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066445522

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СКАЧАТЬ à ce dernier son salut, il répondit à la princesse par un mouvement de tête et de lèvres qui indiquait que la situation du malade était désespérée.

      «C’est donc vrai! S’écria-t-elle. Ah! C’est épouvantable, c’est terrible à penser… C’est mon fils, ajouta-t-elle; il tenait à vous remercier en personne.» Nouveau salut de Boris. «Soyez persuadé, mon prince, que jamais le cœur d’une mère n’oubliera ce que vous avez fait pour son fils.

      – Je suis heureux, chère Anna Mikhaïlovna, d’avoir pu vous être agréable,» dit le prince en chiffonnant son jabot.

      Et sa voix et son geste prirent des airs de protection tout autres qu’à Pétersbourg à la soirée de MlleSchérer.

      «Faites votre possible pour servir avec zèle et vous rendre digne de… Je suis charmé, charmé de… Êtes-vous en congé?»

      Tout cela avait été débité avec la plus parfaite indifférence.

      «J’attends l’ordre du jour, Excellence, pour me rendre à ma nouvelle destination,» répondit Boris sans se montrer blessé de ce ton sec et sans témoigner le désir de continuer la conversation.

      Frappé de son air tranquille et discret, le prince le regarda avec attention:

      «Demeurez-vous avec votre mère?

      – Je demeure chez la comtesse Rostow, Excellence.

      – Chez Élie Rostow, marié à Nathalie Schinchine, dit Anna Mikhaïlovna.

      – Je sais, je sais, reprit le prince de sa voix monotone. Je n’ai jamais pu comprendre Nathalie! S’être décidée à épouser cet ours mal léché… Un personnage stupide, ridicule et, qui plus est, joueur, à ce qu’on dit.

      – Oui, mais un très brave homme, mon prince, reprit la princesse en souriant, de manière à faire croire qu’elle partageait son opinion, tout en défendant le pauvre comte.

      – Que disent les médecins? Demanda-t-elle de nouveau en redonnant à sa figure fatiguée l’expression d’un profond chagrin.

      – Il y a peu d’espoir.

      – J’aurais tant désiré pouvoir encore une fois remercier mon oncle de toutes ses bontés pour moi et pour Boris. C’est son filleul!» ajouta-t-elle avec importance, comme si cette nouvelle devait produire une impression favorable sur le prince Basile.

      Ce dernier se tut et fronça le sourcil.

      Comprenant aussitôt qu’il craignait de trouver en elle un compétiteur dangereux à la succession du comte Besoukhow, elle s’empressa de le rassurer:

      «Si ce n’était ma sincère affection et mon dévouement à mon oncle…»

      Ces deux mots «mon oncle» glissaient de ses lèvres avec un mélange d’assurance et de laisser-aller.

      «Je connais son caractère franc et noble!… mais ici il n’a que ses nièces auprès de lui; elles sont jeunes…»

      Et elle continua à demi-voix en baissant la tête:

      «A-t-il rempli ses derniers devoirs? Ses instants sont précieux! Il ne saurait être plus mal, il serait donc indispensable de le préparer. Nous autres femmes, prince, ajouta-t-elle en souriant avec douceur, nous savons toujours faire accepter ces choses-là. Il faut absolument que je le voie, malgré tout ce qu’une telle entrevue peut avoir de pénible pour moi; mais je suis si habituée à souffrir!»

      Le prince avait compris, comme l’autre fois à la soirée de MlleSchérer, qu’il serait impossible de se débarrasser d’Anna Mikhaïlovna.

      «Je craindrais que cette entrevue ne lui fît du mal, chère princesse! Attendons jusqu’au soir: les médecins comptent sur une crise!

      – Attendre, mon prince, mais ce sont ses derniers instants, pensez qu’il y va du salut de son âme! Ah! Ils sont terribles les devoirs d’un chrétien!»

      La porte qui communiquait avec les chambres intérieures s’ouvrit à ce moment, et une des princesses en sortit; sa figure était froide et revêche, et sa taille, d’une longueur démesurée, jurait par sa disproportion avec l’ensemble de sa personne.

      «Eh bien, comment est-il? Demanda le prince Basile.

      – Toujours de même, et cela ne peut être autrement avec ce bruit, répondit la demoiselle, en toisant Anna Mikhaïlovna comme une étrangère.

      – Ah! Chère, je ne vous reconnaissais pas, s’écria celle-ci avec joie en s’approchant d’elle. Je viens d’arriver, et je suis accourue pour vous aider à soigner mon oncle! Combien vous avez dû souffrir!» ajouta-t-elle en levant les yeux au ciel.

      La jeune princesse tourna sur ses talons et sortit sans dire un mot.

      Anna Mikhaïlovna ôta ses gants, et, s’établissant dans un fauteuil comme dans un retranchement conquis, elle engagea le prince à s’asseoir à ses côtés.

      «Boris, je vais aller chez le comte, chez mon oncle; toi, mon ami, en attendant, va chez Pierre, et fais-lui part de l’invitation des Rostow. Ils l’invitent à dîner, tu sais?… Mais il n’ira pas, je crois, dit-elle en se tournant vers le prince Basile.

      – Pourquoi pas? Reprit celui-ci avec une mauvaise humeur bien visible; je serai très content que vous me débarrassiez de ce jeune homme. Il s’est installé ici, et le comte n’a pas demandé une seule fois à le voir.»

      Il haussa les épaules et sonna. Un valet de chambre parut et fut chargé de conduire Boris chez Pierre Kirilovitch en prenant par un autre escalier.

      XVI

      C’était la vérité. Pierre n’avait pas eu le loisir de se choisir encore une carrière, par suite de son renvoi de Pétersbourg à Moscou pour ses folies tapageuses. L’histoire racontée chez les Rostow était authentique. Il avait, de concert avec ses camarades, attaché l’officier de police sur le dos de l’ourson!

      De retour depuis peu de jours, il s’était arrêté chez son père, comme d’habitude. Il supposait avec raison que son aventure devait être connue et que l’entourage féminin du comte, toujours hostile à son égard, ne manquerait pas de le monter contre lui. Malgré tout, il se rendit le jour même de son arrivée dans l’appartement de son père et s’arrêta, chemin faisant, dans le salon où se tenaient habituellement les princesses, pour leur dire bonjour. Deux d’entre elles faisaient de la tapisserie à un grand métier, tandis que la troisième, l’aînée, leur faisait une lecture à haute voix.

      Son maintien était sévère, sa personne soignée, mais la longueur de son buste sautait aux yeux: c’était celle qui avait feint d’ignorer la présence d’Anna Mikhaïlovna. Les cadettes, toutes deux fort jolies, ne se distinguaient l’une de l’autre que par un grain de beauté, qui était placé chez l’une juste au-dessus de la lèvre et qui la rendait fort séduisante. Pierre fut reçu comme un pestiféré. СКАЧАТЬ