La Guerre et la Paix (Texte intégral). León Tolstoi
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Название: La Guerre et la Paix (Texte intégral)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066445522

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СКАЧАТЬ je n’y entends rien!

      – Ah! Ma chère âme, que Dieu te préserve de jamais savoir par expérience ce que c’est que de rester veuve, sans appui, avec un fils qu’on aime à la folie! On se soumet à tout pour lui! Mon procès a été une dure école! Lorsque j’avais besoin de voir un de ces gros bonnets, j’écrivais ceci: «La princesse une telle désire voir un tel,» et j’allais moi-même en voiture de louage une fois, deux fois, quatre fois, jusqu’à ce que j’eusse obtenu ce qu’il me fallait, et ce que l’on pensait de moi m’était complètement indifférent.

      – À qui donc t’es-tu adressée pour Boris? Car enfin le voilà officier dans la garde, tandis que Nicolas n’est que «junker». Personne ne s’est remué pour lui. À qui donc t’es-tu adressée?

      – Au prince Basile, et il a été très aimable. Il a tout de suite promis d’en parler à l’Empereur, ajouta vivement la princesse, oubliant les récentes humiliations qu’elle avait dû subir.

      – A-t-il beaucoup vieilli, le prince Basile? Je ne l’ai pas rencontré depuis l’époque de nos comédies chez les Roumianzow; il m’aura oubliée, et pourtant à cette époque-là il me faisait la cour!

      – Il est toujours le même, aimable et galant; les grandeurs ne lui ont pas tourné la tête! «Je regrette, chère princesse, m’a-t-il dit, de ne pas avoir à me donner plus de peine; vous n’avez qu’à ordonner.» C’est vraiment un brave homme et un bon parent. Tu sais, Nathalie, l’amour que je porte à mon fils; il n’y a rien que je ne sois prête à faire pour son bonheur. Mais ma position est si difficile, si pénible, et elle a encore empiré, dit-elle tristement à voix basse. Mon malheureux procès n’avance guère et me ruine. Je n’ai pas dix kopeks dans ma poche, le croirais-tu? Et je ne sais comment équiper Boris.»

      Et, tirant son mouchoir, elle se mit à pleurer:

      «J’ai besoin de cinq cents roubles, et je n’ai qu’un seul billet de vingt-cinq roubles. Ma situation est épouvantable: je n’ai plus d’espoir que dans le comte Besoukhow. S’il ne consent pas à venir en aide à son filleul Boris et à lui faire une pension, toutes mes peines sont perdues.»

      Les yeux de la comtesse étaient devenus humides, et elle paraissait absorbée dans ses réflexions.

      «Il m’arrive souvent de penser à l’existence solitaire du comte Besoukhow, reprit la princesse, à sa fortune colossale, et de me demander – c’est peut-être un péché – pourquoi vit-il? La vie lui est à charge, tandis que Boris est jeune…

      – Il lui laissera assurément quelque chose, dit la comtesse.

      – J’en doute, chère amie; ces grands seigneurs millionnaires sont si égoïstes! Je vais pourtant y aller avec Boris, afin d’expliquer au comte ce dont il s’agit. Il est maintenant deux heures, dit-elle en se levant, et vous dînez à quatre… j’aurai le temps.»

      La princesse envoya chercher son fils:

      «Au revoir, mon amie, dit-elle à la comtesse, qui la reconduisit jusqu’à l’antichambre; souhaite-moi bonne chance.

      – Vous allez voir le comte Cyrille Vladimirovitch, ma chère, lui cria le comte en sortant de la grande salle? S’il se sent mieux, vous inviterez Pierre à dîner; il venait chez nous autrefois et dansait avec les enfants. Faites-le-lui promettre, je vous en prie. Nous verrons si Tarass se distinguera; il assure que le comte Orlow n’a jamais donné un dîner pareil à celui qu’il nous prépare.»

      XV

      «Mon cher Boris, dit la princesse à son fils, pendant que la voiture mise à sa disposition par la comtesse Rostow quittait la rue jonchée de paille et entrait dans la grande cour de l’hôtel Besoukhow, mon cher Boris, répéta-t-elle en dégageant sa main de dessous son vieux manteau et en la posant sur celle de son fils avec un mouvement à la fois caressant et timide, sois aimable, sois prudent. Il est ton parrain, et ton avenir dépend de lui, ne l’oublie pas. Sois gentil, comme tu sais l’être quand tu veux.

      – J’aurais voulu, je l’avoue, être sûr de retirer de tout cela autre chose qu’une humiliation, répondit-il froidement; mais vous avez ma promesse, et je ferai cela pour vous.»

      Après avoir refusé de se faire annoncer, la mère et le fils entrèrent dans le vestibule vitré, orné de deux rangées de statues dans des niches. Le suisse les examina des pieds à la tête, ses yeux s’arrêtèrent sur le manteau râpé de la mère; alors il leur demanda s’ils étaient venus pour les jeunes princesses ou pour le comte. En apprenant que c’était pour ce dernier, il s’empressa de leur déclarer, en dépit des voitures qui stationnaient devant la porte et dont la présence lui donnait un démenti, que Son Excellence ne recevait personne, vu l’extrême gravité de son état.

      «Dans ce cas, partons, dit Boris en français.

      – Mon ami,» reprit sa mère d’un ton suppliant, en lui touchant le bras, comme si cet attouchement avait le don de le calmer ou de l’exciter à volonté.

      Boris se tut; sa mère en profita pour s’adresser au suisse d’un ton larmoyant: «Je sais que le comte est très mal, c’est pour cela que je suis venue; je suis sa parente, je ne le dérangerai pas… je veux seulement voir le prince Basile; je sais qu’il est ici; va, je te prie, nous annoncer.»

      Le suisse tira avec humeur le cordon de la sonnette.

      «La princesse Droubetzkoï se fait annoncer chez le prince Basile,» cria-t-il à un valet de chambre qui avançait sa tête sous la voûte de l’escalier.

      La princesse arrangea les plis de sa robe de taffetas teint, en se regardant dans une grande glace de Venise encadrée dans le mur, et posa hardiment sa chaussure usée sur les marches tendues d’un riche tapis.

      «Vous me l’avez promis, mon cher,» répéta-t-elle à son fils, en l’effleurant de la main pour l’encourager.

      Boris la suivit tranquillement, les yeux baissés, et tous deux entrèrent dans la salle que l’on devait traverser pour arriver chez le prince Basile.

      Au moment où ils allaient demander leur chemin à un vieux valet de chambre qui s’était levé à leur approche, une des nombreuses portes qui donnaient dans cette pièce s’ouvrit et laissa passer le prince Basile en douillette de velours fourrée et ornée d’une seule décoration, ce qui était ordinairement chez lui l’indice d’une toilette négligée. Le prince reconduisait un beau garçon à cheveux noirs. C’était le docteur Lorrain.

      «Est-ce bien certain?

      – Errare humanum est, mon prince, répondit le docteur en grasseyant et en prononçant le latin à la française.

      – C’est bien, c’est bien,» dit le prince Basile, qui, ayant remarqué la princesse Droubetzkoï et son fils, congédia le médecin en le saluant de la tête.

      Alors il s’approcha d’eux en silence et les interrogea du regard. Boris vit l’expression d’une profonde douleur passer aussitôt dans les yeux de sa mère, et il en sourit à la dérobée.

      «Nous nous retrouvons dans de СКАЧАТЬ