Chacune son Rêve. Daniel Lesueur
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Название: Chacune son Rêve

Автор: Daniel Lesueur

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066079901

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СКАЧАТЬ pouvait lui sourire avec tant de calme! Héroïque petite martyre!...

      Le malheureux rencontra des notes telles que celles-ci:

      15 novembre.—Ai-je rêvé?... Mon sang se glace, lorsque j'essaie de ressusciter cette rapide impression d'hier soir. Et pourtant je doute... Non, ceci ne m'est pas arrivé. Une préoccupation trop vive, la surexcitation d'un spectacle émotionnant, où je trouvais des analogies avec la naissance de Serge, m'ont troublée, hallucinée...

       Du moins, je vais consigner ici ce que j'ai cru entendre.

      Nous sortions des fauteuils d'orchestre, Raymond et moi, et nous nous trouvions dans le couloir du rez-de-chaussée, au Vaudeville. Mon mari se sépara de moi un instant pour prendre notre vestiaire. Afin de ne pas être trop bousculée par la foule, qui s'écoulait, je me rangeai contre la paroi, du côté du théâtre. La porte d'une loge, restée entr'ouverte, céda un peu derrière moi. Je m'y enfonçai à demi. Tout à coup, un chuchotement rapide, mais très distinct, entra nettement dans mon oreille:

       —«Il faudra choisir entre votre mari et votre filleul. C'était trop de garder l'enfant. Du moins, vous deviez rester seule avec le secret.»

       Si je ne me retournai pas tout de suite, c'est que le sens des paroles ne pénétra pas instantanément jusqu'à mon cerveau. Il me fallut tout entendre pour que mon saisissement devînt de la compréhension. Quand je cherchai du regard autour de moi, il était trop tard. Aucune des personnes entre lesquelles j'étais pressée du côté du couloir ne pouvait avoir prononcé de telles phrases. L'intérieur de la loge, vers lequel je me penchai, me sembla vide. Cependant quelqu'un pouvait encore y être caché, dans le noir. Car l'orchestre, au delà, venait de s'éteindre.

       Mon cœur se mit à battre affreusement. Cette voix, avec ses inflexions, son accent, restait en moi. Elle s'élevait, grossissait, réveillait d'étranges échos. Et soudain, je la reconnus!... C'était la voix de la religieuse... de cette religieuse que je soupçonnai d'être un homme déguisé, et qui me tint si rudement les bras dans la voiture, durant la nuit du mystère.

      20 novembre.—Qu'a-t-on voulu dire?... Que, mariée, je ne suis plus maîtresse du secret, que je le livrerai à l'autre moi-même... celui à qui je voudrai dire tout?...

       Comment l'a-t-on su? C'est vrai... Oui, je me proposais de tout apprendre à Raymond. N'était-ce pas mon devoir? Mais quel est-il, mon devoir?... Je ne sais plus maintenant. J'ai peur. La voix de cette sinistre religieuse... Cette voix qui se faisait molle, étouffée, dans la voiture... et qui est entrée ainsi en moi, l'autre soir, avec un son faux et ouaté... Ce fut comme un souffle... terrifiant!...

      22 novembre.—«Choisir... entre mon mari et mon filleul...» Qu'est-ce que cela peut signifier?...

      23 novembre.—ILS m'ont épiée, suivie?... Je suis liée à ces malfaiteurs!... Je me croyais oubliée d'eux, avec l'enfant. Quelle folie!... Ces gens qui ont eu la résolution, l'audace, l'habileté, de faire ce qu'ils ont fait... qui ont tout préparé, prévu,—sans une erreur,—naturellement ils devaient veiller sur leur œuvre, ne point la laisser au hasard, entre les mains d'une jeune fille.

       Quels intérêts puissants doivent être en jeu!...

       Ai-je commis un crime en épousant Raymond sans le prévenir? Puissé-je l'expier seule, et qu'il n'en souffre pas, mon Dieu!...

      8 décembre.—Une lettre anonyme, à présent, et qui m'est parvenue de quelle façon!

       Je prenais le train pour aller voir Serge, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse... Seule dans mon compartiment, déjà en route, je dépliai un journal pour lire... Un papier tomba de ce journal...

       C'est affolant!

       Je l'avais emporté de la maison... pris à Raymond, tout ouvert, et replié par moi-même, ce journal. Mais, un instant, je le laissai sur la banquette du fiacre, lorsque je m'arrêtai pour acheter des jouets à Serge, en allant à la gare. Est-ce là qu'on a glissé le papier?

       La voici, cette lettre anonyme.

      Ici, intercalé dans le manuscrit de Francine, un carré de papier écolier, sur lequel, en lettres d'imprimerie, se lisait:

       «L'avertissement du Vaudeville ne vous a pas suffi.

       «Précisons.

       «Voici trois ans qu'on patiente, qu'on vous épargne, vous et l'enfant, malgré votre imprudence, le manque audacieux à votre parole donnée. Car vous aviez juré de confier le marmot à l'Assistance. Maintenant vous avez mis un amoureux dans l'affaire. Ça dépasse les bornes.

       «Choisissez donc: ou vous quitterez la France avec votre cher époux, sans plus vous soucier du petit; ou l'on trouvera un moyen de vous soustraire le moutard,—de le soustraire peut-être un peu radicalement, faites-y attention!

       «Deux conseils, en attendant mieux: Si vous n'avez rien dit à votre mari, persistez dans ce silence. Cela vaudra mieux pour sa santé. Puis cessez de vous occuper de l'enfant. N'allez plus chez sa nourrice. Vous risqueriez gros à négliger le présent avis.»

       Et c'était signé, dans les mêmes caractères impersonnels:

       «Le chauffeur de l'auto qui vous a promenée dans la forêt de Carnelle.»

      Aucun commentaire immédiat de Francine Delchaume ne suivait ces lignes. Elle resta jusqu'au vingt-cinq décembre sans rien ajouter.

      Puis une nouvelle note:

      Jour de Noël.—Nous voici à Claire-Source, Raymond et moi. Notre première fête de Noël!... L'hiver est brillant de neige et de soleil rose, dans cette admirable campagne.

       Hélas!...

       Tout à l'heure, tandis que nous marchions par le chemin, serrés l'un contre l'autre, le bien-aimé m'a dit:

       —«Tu as froid?

       —Non, mon amour.

       —Tu viens de frissonner... de trembler...

       —Peut-être un coup de vent plus vif...»

      Le vent... je ne le sentais guère avec ce cher bras autour de moi. Mais je venais de reconnaître la grille, le mur bas, devant lesquels, une nuit de novembre, j'ai promis à Serge, en sanglotant de pitié, de sollicitude, que je serais une mère pour lui.

       «L'innocent!... Je lui ai voué une tendresse presque maternelle. C'est un adorable petit être. Et je me serais attachée à lui, même eût-il été moins attendrissant, moins captivant. Je mourrais plutôt que de trahir son petit cœur tendre, confiant, qui m'aime. Et je mourrais aussi plutôt que d'exposer Raymond à quelque péril.

       Mais, s'agit-il seulement de ma mort?... Ah! si je ne craignais СКАЧАТЬ