P'tit-bonhomme. Jules Verne
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Название: P'tit-bonhomme

Автор: Jules Verne

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066074326

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СКАЧАТЬ crois que ce sera la scarlatine.»

      Et, à mesure que ces réponses lui étaient faites, M. O'Bodkins les inscrivait sur un registre admirablement tenu, au compte ouvert à chacun des numéros 23, 17, 9 et 13. Il y avait une colonne affectée au nom de la maladie, à l'heure de la visite du médecin, à la nature des remèdes ordonnés, aux conditions dans lesquelles ils devaient être administrés, lorsque les malades auraient été transportés à l'hospice. Les noms étaient en écriture gothique, les numéros en chiffres arabes, les médicaments en ronde, les prescriptions en anglaise courante,—le tout entremêlé d'accolades finement tracées à l'encre bleue, et de barres doubles à l'encre rouge. Un modèle de calligraphie doublé d'un chef-d'œuvre de comptabilité.

      «Il y a quelques-uns de ces enfants qui sont assez gravement atteints, ajouta le docteur. Recommandez qu'ils ne prennent pas froid pendant le transport...

      LES FEMMES S'APITOYAIENT SUR SON SORT. (Page 27.)

      —Oui... oui!.. on le recommandera! répondit négligemment M. O'Bodkins. Lorsqu'ils ne sont plus ici, cela ne me regarde en aucune façon, et pourvu que mes livres soient à jour...

      —Et puis, si la maladie les emporte, repartit le docteur en prenant sa canne et son chapeau, la perte ne sera pas grande, je suppose...

      —D'accord, répliqua O'Bodkins. Je les inscrirai à la colonne des décès, et leur compte sera balancé. Or, quand un compte est balancé, il me semble que personne n'a lieu de se plaindre.»

      Et le docteur s'en alla, après avoir serré la main de son interlocuteur.

      M. O'Bodkins était le directeur de la «ragged-school» de Galway, petite ville située sur la baie et dans le comté du même nom, au sud-ouest de la province du Connaught. Cette province est la seule où les catholiques puissent posséder des propriétés foncières, et c'est là, comme dans le Munster, que le gouvernement anglais prend à tâche de refouler l'Irlande non protestante.

      On connaît le type d'original auquel se rapporte ce M. O'Bodkins, et il ne mérite pas d'être classé parmi les plus bienveillants de la race humaine. Un homme gros et court, un de ces célibataires qui n'ont pas eu de jeunesse et qui n'auront point de vieillesse, ayant toujours été ce qu'ils sont, ornés de cheveux qui ne tombent ni ne blanchissent, venus au monde avec des lunettes d'or et qu'on fera bien de leur laisser dans la tombe, n'ayant eu ni un ennui d'existence ni un souci de famille, possédant juste ce qu'il faut de cœur pour vivre, et qu'un sentiment d'amour, d'amitié, de pitié, de sympathie, n'a jamais su émouvoir. Il est de ces êtres ni bons ni méchants, qui passent sur terre sans faire le bien, mais sans faire le mal, et qui ne sont jamais malheureux—pas même du malheur des autres.

      Tel était O'Bodkins, et, nous en conviendrons volontiers, il était précisément né pour être directeur d'une ragged-school.

      Ragged-school, c'est l'école des déguenillés, et l'on a vu de quelle admirable exactitude, de quelle entente du doit et avoir témoignent les livres de M. O'Bodkins. Il avait pour aides, d'abord une vieille fumeuse, la mère Kriss, sa pipe toujours à la bouche, puis un ancien pensionnaire de seize ans, nommé Grip. Celui-ci, un pauvre diable, les yeux bons, la physionomie empreinte d'une jovialité naturelle, le nez un peu relevé, ce qui est un signe caractéristique chez l'Irlandais, valait infiniment mieux que les trois quarts des misérables recueillis dans cette espèce de lazaret scolaire.

      Ces déguenillés sont des enfants orphelins ou abandonnés de leurs parents que la plupart n'ont jamais connus, nés du ruisseau et de la borne, des polissons ramassés à même les rues et sur les routes, et qui y retourneront, lorsqu'ils auront l'âge de travailler. Quel rebut de la société! Quelle dégradation morale! Quelle agglomération de larves humaines, destinées à faire des monstres! Et, en effet, de ces graines jetées au hasard entre les pavés, que pourrait-il sortir?

      On en comptait une trentaine dans l'école de Galway, depuis trois ans jusqu'à douze, vêtus de loques, incessamment affamés, ne se nourrissant que des restes de la charité publique. Plusieurs étaient malades, ainsi que nous venons de le voir, et, de fait, ces enfants fournissent à la mortalité une part importante,—ce qui n'est pas une grande perte, à en croire le docteur.

      Et il a raison, si aucun soin, si aucune moralisation n'est capable de les empêcher de devenir des êtres malfaisants. Cependant il y a une âme sous ces tristes enveloppes, et avec une meilleure direction, un dévouement de missionnaire, on arriverait peut-être à la faire s'épanouir vers le bien. Dans tous les cas, il faudrait, pour élever ces malheureux, d'autres éducateurs que l'un de ces mannequins dont M. O'Bodkins nous offre le déplorable type, et qu'il n'est point rare de rencontrer, même ailleurs que dans les comtés besoigneux de l'Irlande.

      Certes, c'était un bon sentiment qui avait conduit le curé de la paroisse à enlever ce malheureux être au montreur de marionnettes. Après avoir vainement fait des recherches à son sujet, il avait fallu renoncer à découvrir son origine. P'tit-Bonhomme ne se souvenait que de ceci: c'est qu'il avait vécu chez une méchante femme en même temps qu'une autre fillette qui l'embrassait parfois, et aussi une petite qui était morte... Où cela s'était-il passé?... Il ne savait pas. Qu'il fût un enfant abandonné ou qu'il eût été volé à sa famille, personne n'aurait pu le dire.

      Depuis qu'il avait été recueilli à Westport, on avait pris soin de lui tantôt dans une maison, tantôt dans une autre. Les femmes s'apitoyaient sur son sort. On lui avait conservé le nom de P'tit-Bonhomme. Des familles le gardèrent huit jours, quinze jours. Ce fut ainsi pendant trois mois. Mais la paroisse n'était pas riche. Bien des malheureux vivaient à sa charge. Si elle eût possédé une maison de charité pour les enfants, notre petit garçon y aurait eu sa place. Or, il n'en existait pas. Aussi avait-il dû être envoyé à la ragged-school de Galway, et voilà neuf mois qu'il végétait au milieu de ce ramassis de mauvais garnements. Quand en sortirait-il, et, lorsqu'il en sortirait, que deviendrait-il? Il est de ces déshérités pour lesquels, dès le bas âge, l'existence, avec ses exigences quotidiennes, est une question de vie ou de mort,—question qui ne reste que trop souvent sans réponse!

      Ainsi P'tit-Bonhomme était depuis neuf mois confié aux soins de la vieille Kriss à demi abrutie, de ce pauvre Grip résigné à son sort, et de M. O'Bodkins, cette machine à balancer des recettes et des dépenses. Cependant sa bonne constitution lui avait permis de résister à tant de causes de destruction. Il ne figurait pas encore sur le grand livre du directeur, à la colonne des rougeoles, des scarlatines et autres maladies de l'enfance, sans quoi son compte eût été déjà réglé... au fond de la fosse commune que Galway réserve à ses déguenillés.

      Mais, pour ce qui est de la santé, si P'tit-Bonhomme supportait impunément de telles épreuves, que ne pouvait-on craindre au point de vue de son développement intellectuel et moral? Comment résisterait-il au contact de ces «rogues», comme disent les Anglais, au milieu de ces gnomes vicieux de corps et d'esprit, les uns nés on ne sait où ni de qui, les autres, pour la СКАЧАТЬ