P'tit-bonhomme. Jules Verne
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Название: P'tit-bonhomme

Автор: Jules Verne

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066074326

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СКАЧАТЬ respectable, même lorsqu'il ne dédaigne pas d'accepter quelque broc de bière sur le comptoir d'un débit. La pureté de ses mœurs n'a jamais subi la moindre atteinte. Et, d'ailleurs, comment son influence ne serait-elle pas dominante en ces contrées si pénétrées de catholicisme, où, ainsi que le dit Mlle Anne de Bovet dans son remarquable voyage intitulé Trois Mois en Irlande, «la menace d'être exclu de la Sainte-Table ferait passer le paysan par le trou d'une aiguille».

      Il y avait donc un public autour de la charrette, un public un peu plus productif—si l'on veut nous permettre ce mot—que n'aurait pu l'espérer Thornpipe. Vraisemblablement son exhibition avait quelques chances de succès, Westport n'ayant en aucun temps été honoré d'un spectacle de ce genre.

      Aussi le montreur de cabotins fit-il retentir une dernière fois son cri de «great attraction»:

      «Marionnettes royales... marionnettes!»

       MARIONNETTES ROYALES!

       Table des matières

      La charrette de Thornpipe est établie d'une façon très rudimentaire: un brancard auquel le farouche épagneul est attelé; une caisse quadrangulaire, placée sur deux roues—ce qui rendait le tirage plus facile au long des chemins cahoteux du comté; deux poignées en arrière permettant de la pousser comme les baladeuses des marchands ambulants; au-dessus de la caisse, un tendelet de toile, disposé sur quatre tiges de fer, et qui l'abrite sinon contre le soleil peu ardent d'ordinaire, du moins contre les pluies interminables de la haute Irlande. Cela ressemble à l'un de ces appareils roulants qui portent des orgues de Barbarie à travers les villes et les campagnes, et dont les stridentes flûtes se mêlent à l'éclat des trompettes; mais ce n'est point un orgue que Thornpipe promène d'une bourgade à l'autre, ou plutôt, en cette machine plus compliquée, l'orgue est réduit à l'état de simple serinette, ainsi qu'on en pourra juger tout à l'heure.

      Le dessus de la caisse est fermé d'un couvercle qui l'emboîte sur un quart de sa hauteur. Ce couvercle une fois relevé et rabattu latéralement, voici ce que les spectateurs aperçoivent, non sans quelque admiration, à la surface de la tablette.

      Toutefois, afin d'éviter des redites, nous conseillons d'écouter Thornpipe, débitant son boniment habituel. A n'en pas douter, le forain en eût remontré, avec son intarissable faconde, au célèbre Brioché, le créateur du premier théâtre des marionnettes sur les champs de foire de la France.

      «Ladies et gentlemen...»

      C'est le début invariablement destiné à provoquer les sympathies des spectateurs, même quand il s'adresse aux plus piteux déguenillés d'un village.

      «Ladies et gentlemen, ceci vous représente la grande salle des fêtes dans le château royal d'Osborne, île de Wight.»

      En effet, la tablette figure un salon en miniature, contenu entre quatre planchettes posées de champ, et sur lesquelles sont peintes des portes et des fenêtres drapées; çà et là des meubles en carton du plus haut goût, épinglés sur un tapis colorié, des tables, des fauteuils, des chaises, placés de manière à ne point gêner la circulation des personnages, princes, princesses, ducs, marquis, comtes, baronnets, qui se pavanent avec leurs nobles épouses au milieu de cette réception officielle.

      «Au fond, continue Thornpipe, vous remarquerez le trône de la reine Victoria, surmonté de son baldaquin de velours cramoisi à crépines d'or, modèle exact de celui sur lequel Sa Gracieuse Majesté prend place pendant les cérémonies de la cour.»

      Le trône en question mesure de trois à quatre pouces en hauteur, et bien que le velours soit en papier pelucheux, et les crépines faites d'une simple virgule couleur jaune, cela ne laisse pas de donner illusion aux braves gens qui n'ont jamais vu ce meuble essentiellement monarchique.

      «Sur le trône, reprit Thornpipe, contemplez la Reine,—ressemblance garantie,—revêtue de ses habits de gala, le manteau royal attaché aux épaules, la couronne en tête et le sceptre à la main.»

      Nous qui n'avons jamais eu l'honneur d'entrevoir la souveraine du Royaume-Uni, Impératrice des Indes, dans ses salons d'apparat, nous ne saurions dire si la figurine représente Sa Majesté avec une fidélité scrupuleuse. Toutefois, en admettant qu'elle ceigne la couronne pendant ces grandes solennités, il est douteux que sa main brandisse un sceptre qui ressemble au trident de Neptune. Le plus simple, d'ailleurs, est d'en croire Thornpipe sur parole, et c'est ce que fit sagement l'assistance.

      «A la droite de la Reine, déclara Thornpipe, j'appelle l'attention des spectateurs sur Leurs Altesses Royales, le prince et la princesse de Galles, tels que vous avez pu les voir, lors de leur dernier voyage en Irlande.»

      Il n'y a pas à s'y tromper, voilà le prince de Galles en costume de feld-maréchal de l'armée britannique, et la fille du roi de Danemark, drapée d'une splendide robe de dentelle découpée dans un morceau de ce papier d'argent qui recouvre les boîtes de pralines.

      De l'autre côté, c'est le duc d'Edimbourg, c'est le duc de Connaught, c'est le duc de Fife, c'est le prince de Battemberg, ce sont les princesses leurs femmes, enfin la famille royale au complet, arrangée de manière à décrire un demi-cercle devant le trône. Il est certain que ces poupées,—ressemblance garantie toujours,—avec leurs habits de cérémonie, leurs figures enluminées, leurs attitudes prises sur le vif, donnent une idée très exacte de la cour d'Angleterre.

      Puis, voici les grands officiers de la couronne, entre autres, le grand amiral sir Georges Hamilton. Thornpipe prend soin de les désigner du bout de sa baguette à l'admiration du public, en ajoutant que chacun d'eux occupe la place due à son rang, suivant l'étiquette cérémoniale.

      Là, respectueusement immobile devant le trône, se tient un monsieur de haute taille, d'une distinction très anglo-saxonne, et qui ne peut être qu'un des ministres de la Reine.

      C'en est un, en effet, c'est le chef du cabinet de Saint-James, très reconnaissable à son dos qui est légèrement courbé sous le poids des affaires.

      Puis, Thornpipe d'ajouter:

      «Et près du premier ministre, à droite, le vénérable monsieur Gladstone.»

      Et, ma foi, il eût été difficile de ne pas reconnaître l'illustre «old man», ce beau vieillard, toujours droit, lui, toujours prêt à défendre les idées libérales contre les idées autoritaires. Peut-être y a-t-il lieu de s'étonner qu'il regarde le premier ministre d'un air sympathique; mais, entre marionnettes,—même entre marionnettes politiques,—on se passe bien des choses, et ce qui répugnerait à des êtres de chair et d'os, des cabotins en carton et en bois n'en ont point vergogne.

      D'ailleurs, voici un autre rapprochement inattendu, engendré par un extraordinaire anachronisme, car Thornpipe s'écrie en gonflant sa voix:

      «Je vous présente, ladies et gentlemen, votre célèbre patriote O'Connell, dont le nom trouvera toujours un écho dans le cœur des Irlandais!»

      Oui! O'Connell était là, à la cour d'Angleterre, en 1875, bien qu'il fût mort depuis vingt-cinq ans. Et, si on en eût fait l'observation à Thornpipe, le forain aurait répondu à cela que, pour un fils de l'Irlande, le grand agitateur est toujours vivant. A ce compte-là, il aurait tout aussi bien pu exhiber M. Parnell, bien que cet homme politique ne fût guère connu à cette époque.

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