Название: Romans, Nouvelles et Histoires Maritimes
Автор: Эжен Сю
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066082697
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Ici le mimosa aux feuilles grêles et dentelées, l'ébénier avec ses élégantes girandoles jaunes, les sabris aux gousses rouges appuyés sur des abricotiers sauvages; là des saules courbés par le courant qui entraînait leur longue chevelure lisse et argentée, tandis que des lianes flexibles les entouraient d'un réseau de fleurs pourpres.
Quelquefois un large et brusque rayon de soleil, perçant ce sombre feuillage, l'illuminait en partie, de sorte qu'on pouvait voir la tête et le col orangé d'un didrick briller vivement éclairés, pendant qu'une ombre capricieuse, venant durement trancher ce coloris éclatant, voilait d'une terne demi-teinte le reste de son corps et les longues plumes blanches de sa queue.
Ainsi, lorsqu'un rapide jet de lumière, pénétrant par une étroite entrée, traverse une salle obscure, on voit aussitôt tourbillonner au milieu de l'axe de ce rayon une foule d'atomes scintillants.
Ainsi tout ce qui, dans le bois, se trouvait inondé de cette nappe de clarté resplendissante, étincelait de mille feux; c'étaient des perroquets rouges agitant leurs ailes d'un noir velouté, des flamands roses, des colibris nuancés d'or et d'azur, et des cardinaux incarnats avec leur aigrette ondoyante et soyeuse.
Et puis le beau rayon s'arrêtait à la surface du fleuve, s'y réfléchissait, jouait un instant, sur des nénufars blancs, des campanules bleues, asiles parfumés et flottants d'une myriade d'insectes dont les corselets diaprés chatoyaient comme autant de rubis et d'émeraudes. Enfin il s'éteignait comme à regret, le beau rayon, en laissant sur la surface du fleuve une éblouissante auréole qui contrastait avec les ombres vertes et transparentes, projetées par l'épaisseur des arbres de la rive.
Quand le brik eut atteint l'endroit désigné pour son mouillage, un petit canot, monté par trois marins, remonta plus à l'est le courant du fleuve, et arriva bientôt à une partie du rivage qui paraissait mieux frayée.
—Sciez... sciez... mes garçons—s'écria Benoît, en se levant du banc de l'arrière où il était assis, et donnant une légère impulsion à la barre il profita du reste de l'erre de l'embarcation pour accoster.
—Mouille un grappin, Caiot—dit-il ensuite à un jeune quartier-maître—et si je ne suis pas revenu dans une heure, retourne à bord et viens demain matin me prendre ici.
Puis, au moyen d'une planche jetée de la yole au rivage, M. Benoît descendit à terre et se mit à suivre un petit sentier dont il paraissait connaître parfaitement les détours.
—Pourvu—pensait le digne homme en s'éventant avec les vastes bords de son chapeau de paille,—pourvu que ce diable de Van-Hop soit encore à son habitation; il doit pourtant savoir que c'est l'époque à laquelle je ne manque jamais de venir... quinze jours plus tôt ou plus tard...—C'est un drôle de corps que ce père Van-Hop, il vit là au milieu des bois comme s'il était chez lui; il n'a rien changé de ses anciennes habitudes; ça faisait tant, tant rire ce pauvre Simon... ah... enfin il faut se faire une raison....
On entendit aboyer un chien.
—Bon!—dit Benoît—je reconnais la voix du vieux César, l'ancien doit encore être dans sa cassine.
Les aboiements du chien se rapprochèrent, et l'on distingua en outre une voix aigre et perçante, qui disait en grondant:—Ici, César, ici, ne vas-tu pas prendre un homme pour une panthère?
Le sentier que suivait le capitaine de la Catherine faisait en cet endroit un coude assez brusque, aussi se trouva-t-il tout-à-coup devant une maison bâtie en pierre rougeâtre et recouverte d'un toit de plomb; de fortes grilles de fer protégeaient les fenêtres, et une large palissade semblait défendre l'entrée de cette demeure.
—Eh bien, bonjour, bonjour, père Van-Hop—criait Benoît, en tendant amicalement la main au propriétaire de cet édifice; mais celui-ci ne bougea, et se recula au contraire d'un air maussade comme pour barrer sa porte.
Figurez-vous un petit homme sec, grêle, qui ressemblait à une fouine, mais propre, mais soigné, mais tiré, comme on dit, à quatre épingles; quand il ôta son chapeau de feutre, luisant de vétusté, on vit une petite perruque blonde minutieusement peignée: il portait une sorte de houppelande grise, à collet, un gilet chocolat à boutons de métal, et une culotte de velours foncé, enfin des bottes à revers, un peu poudreuses, du linge fort blanc, et de volumineux cachets en graines d'Amérique complétaient sa parure.
Il restait là sur le seuil de sa porte, calme et sans crainte, je vous le jure; seulement il tenait par contenance un excellent fusil à deux coups, avec lequel il badinait, tout en armant et faisant craquer la batterie.
Puis il siffla son chien qui s'était mis en arrêt sur maître Benoît.
—Comment—dit ce dernier—comment, père Van-Hop, vous ne me reconnaissez pas? mais c'est moi... c'est Benoît... votre ami Benoît... eh bigre... mettez donc vos lunettes....
Ce que fit prudemment le vieillard; après quoi il s'écria avec un accent hollandais fortement prononcé....
—Eh! c'est vous, compère Benoît... mais vous arrivez bientôt... ce n'est pas un reproche au moins, au contraire, je suis enchanté de vous rendre mes devoirs... mais par quel hasard....
—Un hasard... un hasard de nord-ouest, qui m'a démâté de mon grand mât, et m'a poussé chez vous comme si le diable eût soufflé dans ma voilure....
—Désolé, mon cher capitaine, désolé; mais ne restez pas à vous rôtir au soleil, entrez donc, entrez donc, vous prendrez quelque chose, un pied d'éléphant... une tranche de bosse de bison... ou un filet de girafe.... Holà... holà... Cham, Stropp, allons donc, paresseux, servez-nous.
Et à ces cris deux mulâtres qui dormaient sur une natte se levèrent lentement pour obéir à leur maître.
Après quelques façons cérémonieuses, telles que—après vous...—non, je suis chez moi...—je n'en ferai rien, etc., etc.—Van-Hop et Benoît entrèrent dans une maison parfaitement propre et tenue à l'européenne.
Les deux vieux amis s'étant placés devant une table de bois rouge soigneusement cirée et honnêtement garnie, la conversation s'engagea.
—Vous dites donc, capitaine Benoît, que votre grand mât?...
—Absent, père Van-Hop, absent; mais ce que je regrette plus que toute ma mâture, c'est ce pauvre Simon, vous savez....
—Eh bien... ce que vous appelez ce pauvre Simon est....
—Mort à la mer... mort comme un brave marin, en sauvant le brick.... Ah!....
Ici, le père Van-Hop articula une espèce d'exclamation sourde et caverneuse qu'on pourrait, je crois, formuler ainsi—Peuh—mais qui exprimait la plus entière indifférence; c'était son habitude quand il avait entendu faire une question ou narrer un fait qui ne méritait, à son avis, ni intérêt ni réponse....
—Peuh—fit donc Van-Hop—faute d'un homme le navire ne reste pas en panne... mais faute d'un grand mât, c'est différent.... Aussi ne pouvant remplacer votre Simon, je pourrais toujours, je le crois du СКАЧАТЬ