Название: Pièces choisies
Автор: Valentin Krasnogorov
Издательство: ЛитРес: Самиздат
Жанр: Драматургия
isbn:
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Pause. LE DOCTEUR sort.
Le pot aux roses est découvert. La banque exige le remboursement.
JEANNE. (Elle est abasourdie.) Déjà ?
IRÈNE. Ça devait arriver un jour ou l’autre.
JEANNE. Oui, mais c’est quand même tellement inattendu. Et tellement terrible. (Se ressaisissant.). Il nous faut, sans perdre de temps, mener jusqu’au bout notre manigance contre le docteur.
IRÈNE. Je ne veux pas.
JEANNE. Pourquoi ?
IRÈNE. Réfléchis toi-même aux rôles peu envieux que nous jouons. Pourras-tu, après cela, te respecter ?
JEANNE. Mieux vaut ne pas se respecter à l’air libre, que se respecter dans sa geôle.
IRÈNE. Ce que nous faisons n’est pas bien.
JEANNE. Nous ne faisons que nous battre pour nous.
IRÈNE. Tout en brisant le docteur.
JEANNE. Je ne comprends pas, tu t’es amourachée de lui, ou quoi ?
IRÈNE. Et si c’est le cas, tu dis quoi ?
JEANNE. Je dis qu’il y a un âge où les femmes ne tombent plus amoureuses.
IRÈNE. Cet âge-là n’existe pas pour les femmes.
JEANNE. Reste raisonnable. De toute façon, il n’y a pas d’autre issue.
IRÈNE. Il y a une issue : tout avouer.
JEANNE. Et mettre en l’air toute notre vie.
IRÈNE. Ne t’inquiète pas, je prends tout sur moi.
JEANNE. Tu crois que c’est de l’héroïsme, mais c’est une connerie.
IRÈNE. C’est un calcul. (Avec douceur.) Réfléchis toi-même. Si nous menons à bien notre plan, alors, le plus probable, c’est que nous serons pris tous les quatre : nous trois, pour escroquerie et le docteur pour une fausse carte médicale. Mais en cas d’aveu, je suis seule à faire de la prison et vous restez en liberté. De plus, vous avez des enfants, alors que moi je suis seule. Et je ne parle pas de la conscience nette.
JEANNE. (Après avoir longuement pesé le pour et le contre.) Tu as sûrement raison. (Elle pleure.) Mais quelle ordure je suis : c’est ensemble que nous avons fait des conneries et c’est toi seule qui devras payer. Pardonne-moi. (Elle enlace Irène.)
Les deux femmes sanglotent sur l’épaule l’une de l’autre.
IRÈNE. Alors ? On fait venir le docteur ?
JEANNE. Fais-le venir, si tu veux.
IRÈNE. (Elle s’approche de la porte et fait venir le docteur.) Vous pouvez entrer.
LE DOCTEUR revient dans son cabinet. Les deux femmes essuient leurs larmes.
Eh bien, vous ne comprenez toujours rien ?
LE DOCTEUR. Absolument rien.
IRÈNE. Nous allons tout vous expliquer. Le fait est que… (À Jeanne.) Je préfère que tu racontes.
JEANNE. Bien. (Au docteur.) D’abord, buvez vos gouttes. Et asseyez-vous.
LE DOCTEUR s’exécute docilement.
Commençons à faire les présentations. Moi je suis la femme de Michel, il est mon mari. Marina est sa sœur et il est son frère. Vous saisissez ?
LE DOCTEUR. (Tout déconcerté.) « Il est mon mari, Marina est sa sœur… » (Radieux.) Mais c’est merveilleux ! Voilà qui change complètement la donne ! Nous allons le guérir, et alors…
JEANNE. Patientez. Il n’a absolument pas besoin de soins car plus sain que lui tu meurs.
LE DOCTEUR. Attendez, et son amnésie…
JEANNE. C’était de la simulation. Il a une excellente mémoire. Ce n’est pas pour rien qu’il a la réputation de meilleur joueur de cartes de notre ville.
LE DOCTEUR. Alors pourquoi avez-vous…
JEANNE. (Sur le ton d’un avocat.) Docteur, si vous ne cessez pas de poser des questions, nous ne terminerons jamais.
LE DOCTEUR. Pardon.
JEANNE. À présent, écoutez. Il y a deux ans, Michel perd, au casino, une grosse somme. Il supplie Irène de lui donner cette somme et lui promet de la lui rendre rapidement. Sinon, dit-il, on peut l’abattre. Irène lui fait un transfert d’argent par la banque et moi, malheureusement, je n’ai pas tenté de l’en dissuader. Je craignais pour mon mari et les enfants.
LE DOCTEUR. Et ensuite ?
JEANNE. Michel, au lieu de rendre cet argent, le perd, là aussi, au jeu. La dette double. Il court à nouveau voir ma sœur et la supplie de le sauver. Irène aime mon frère à perdre la mémoire et cède. Et de cette façon, nous nous enfonçons tous petit à petit dans un trou dont il n’est plus possible de sortir. Vous n’imaginez pas comme c’est dur : savoir que votre mari joue, qu’il est sur la pente descendante et qu’il entraîne avec lui toute la famille… L’aimer, vouloir le sauver et ne pas être en état de rien changer…
LE DOCTEUR. Bon… Et qu’ai-je à voir avec tout ça ?
JEANNE. (Embarrassée.) Pour être honnête, cette partie de l’histoire n’est pas très agréable à raconter, mais on ne change pas les mots de la chanson. Il y avait un recours, vous, et ça, c’est ma contribution.
LE DOCTEUR. Et en quoi a-t-elle consisté ?
JEANNE. Nous comprenions que l’on ne tarderait pas à être démasqués. J’ai échafaudé un plan : faire en sorte, au plus vite, que Michel soit reconnu irresponsable. Alors, il pourrait éviter le jugement et la condamnation. Mais pour ça, il fallait les conclusions d’un médecin reconnu et honnête. Dans votre genre.
LE DOCTEUR. Ah ! c’est donc ça…
JEANNE. Nous comprenions qu’obtenir de vous par la voie normale une carte médicale était impossible.
LE DOCTEUR. C’est juste.
JEANNE. C’est pourquoi j’ai imaginé de faire donner la grosse artillerie pour vous mettre dans un état de profond désarroi et obtenir de cette manière ce qu’il nous fallait. Nous avons étudié dans le guide médical les symptômes de la maladie et tous les trois nous avons monté cette comédie. (L’air repenti.) Je reconnais que c’était stupide, malhonnête et cruel. Nous regrettons beaucoup.
IRÈNE, durant tout ce temps reste assise, tête baissée.
LE DOCTEUR. Quoi d’autre ?
JEANNE. Rien. C’est tout.
LE DOCTEUR. Irène, est-ce cela que vous vouliez m’avouer ?
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