Название: Le Général Dourakine
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Книги для детей: прочее
isbn: 4064066089306
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Le général regardait ébahi, devinant que ce fourgon contenait, outre sa charge accoutumée, tous les voyageurs de la berline.
Le général: «Sac à papier! voilà un tour de force! C'est plein à ne pas y passer une souris. Ils se sont tous fourrés dans le fourgon des domestiques. Ha, ha, ha! quelle entrée! Les pauvres chevaux crèveront avant d'arriver!... En voilà un qui bute!... La tête de ma nièce qui paraît à une lucarne! Sac à papier! comme elle crie! Furieuse, furieuse!...
Et le général se frottait les mains comme il en avait l'habitude quand il était très satisfait, et il riait aux éclats. Il voulut rester sur le perron pour voir se vider cette arche de Noé. Le fourgon arriva et arrêta devant le perron. Mme Papofski ne voyait pas son oncle; elle poussa à droite, à gauche, tout ce qui lui faisait obstacle, descendit du fourgon avec l'aide de son courrier; à peine fut-elle à terre qu'elle appliqua deux vigoureux soufflets sur les joues rouges et suantes de l'infortuné.
«Sot animal, coquin! je t'apprendrai à me planter là, à courir en avant sans tourner la tête pour me porter secours. Je prierai mon oncle de te faire donner cent coups de bâton.
Le courrier: «Veuillez m'excuser, Maria Pétrovna: j'ai couru en avant d'après votre ordre! Vous m'aviez commandé de courir sans m'arrêter, aussi vite que mon cheval pouvait me porter.»
Madame Papofski: «Tais-toi, insolent, imbécile! Tu vas voir ce que mon oncle va faire. Il te fera mettre en pièces!...
Le général, riant: «Pas du tout; mais pas du tout, ma nièce: je ne ferai ni ne dirai rien, car je vois ce qui en est. Non, je me trompe. Je dis et j'ordonne qu'on emmène le courrier dans la cuisine, qu'on lui donne un bon dîner, du kvas 2 et de la bière.»
Note 2: (retour) Boisson russe qui a quelque ressemblance avec le cidre.
Madame Papofski, embarrassée: «Comment, vous êtes là, mon oncle! Je ne vous voyais pas... Je suis si contente, si heureuse de vous voir, que j'ai perdu la tête; je ne sais ce que je dis, ce que je fais! J'étais si contrariée d'être en retard! J'avais tant envie de vous embrasser! Et Mme Papofski se jeta dans les bras de son oncle, qui reçut le choc assez froidement et qui lui rendit à peine les nombreux baisers qu'elle déposait sur son front, ses joues, ses oreilles, son cou, ce qui lui tombait sous les lèvres.
Madame Papofski: «Approchez, enfants, venez baiser les mains de votre oncle, de votre bon oncle, qui est si bon, si courageux, si aimé de vous tous!»
Et, saisissant ses enfants un à un, elle les poussa vers le général, qu'ils abordaient avec terreur; le dernier petit, qu'on venait d'éveiller et de sortir de la berline, se mit à crier, à se débattre.
«Je ne veux pas, s'écriait-il. Il me battra, il me fouettera; je ne veux pas l'embrasser!»
La mère prit l'enfant, lui pinça le bras et lui dit à l'oreille:
«Si tu n'embrasses pas ton oncle, je te fouette jusqu'au sang!»
Le pauvre petit Yvane retint ses sanglots et tendit au général sa joue baignée de larmes. Son grand-oncle le prit dans ses bras, l'embrassa et lui dit en souriant:
«Non, enfant, je ne te battrai pas, je ne te fouetterai pas; qui est-ce qui t'a dit ça?»
Yvane: «C'est maman et Sonushka. Vrai, vous ne me fouetterez pas?»
Le général: «Non, mon ami; au contraire, je te gâterai.»
Yvane: «Alors vous empêcherez maman de me fouetter?»
Le général: «Je crois bien, sois tranquille!»
Le général posa Ivane à terre, se secoua pour se débarrasser des autres enfants qui tenaient ses bras, ses jambes, qui sautaient après lui pour l'embrasser, et offrant le bras à sa nièce:
«Venez, Maria Pétrovna, venez dans votre appartement. C'est arrangé à la française par mon brave Dérigny que voici, ajouta-t-il en le désignant à Mme Papofski, aidé par sa femme et ses enfants; ils ont des idées et ils sont adroits comme le sont tous les Français. C'est une bonne et honnête famille, pour laquelle je demande vos bontés.»
Madame Papofski: «Comment donc, mon oncle, je les aime déjà, puisque vous les aimez. Bonjour, monsieur Dérigny, ajouta-t-elle avec un sourire forcé et un regard méfiant; nous serons bons amis, n'est-ce pas?»
Dérigny salua respectueusement sans répondre.
Madame Papofski, durement: «Venez donc, enfants, vous allez faire attendre votre oncle. Sonushka, marche à côté de ton oncle pour le soutenir.»
Le général: «Merci, bien obligé, je marche tout seul: je ne suis pas encore tombé en enfance; Dérigny ne me met ni lisières ni bourrelet.»
Madame Papofski, riant aux éclats: «Ah! mon oncle, comme vous êtes drôle! Vous avez tant d'esprit!»
Le général: «Vraiment! c'est drôle ce que j'al dit? Je ne croyais pas avoir tant d'esprit.»
Madame Papofski, l'embrassant: «Ah! mon oncle! vous êtes si modeste! vous ne connaissez pas la moitié, le quart de vos vertus et de vos qualités!»
Le général, froidement: «Probablement, car je ne m'en connais pas. Mais assez de sottises. Expliquez-moi comment vous avez laissé échapper votre voiture, et pourquoi vous vous êtes entassés dans votre fourgon comme une troupe de comédiens.»
Les yeux de Mme Papofski s'allumèrent, mais elle se contint et répondit en riant:
«N'est-ce pas, mon cher oncle, que c'était ridicule? Vous avez dû rire en nous voyant arriver.»
Le général: «Ha, ha, ha! je crois bien que j'ai ri; j'en ris encore et j'en rirai toujours: surtout de votre colère contre le pauvre courrier qui a reçu ses deux soufflets d'un air si étonné; c'est qu'ils étaient donnés de main de maître: on voit que vous en avez l'habitude.»
Madame Papofski: «Que voulez-vous, mon oncle, il faut bien: huit enfants, une masse de bonnes, de domestiques! Que peut faire une pauvre femme séparée d'un mari qui l'abandonne, sans protection, sans fortune? Je suis bien heureuse de vous avoir, mon oncle, vous m'aiderez à arranger...
—Vous n'avez pas répondu à ma question, ma nièce, interrompit le général avec froideur; pourquoi votre voiture est-elle arrivée avant vous?»
Madame Papofski: «Pardon, mon bon oncle, pardon; je suis si heureuse de vous voir, de vous entendre, que j'oublie tout. Nous étions tous descendus pour nous reposer et marcher un peu, car nous étions dix dans la voiture; j'avais fait descendre Savéli le cocher et Dmitri le postillon. Mon second fils, Yégor, a imaginé de casser une branche dans le bois et de taper les chevaux, qui sont partis ventre à terre; j'ai fait courir Savéli et Dmitri tant qu'ils ont pu se tenir sur leurs jambes: impossible de rattraper ces maudits chevaux. Alors j'ai seulement fouetté Yégor, et puis nous nous sommes tous entassés avec les enfants et les bonnes dans le fourgon des domestiques, et nous avons été longtemps en route, parce que les chevaux avaient de la peine à tirer. J'ai fait pousser à la roue par les domestiques pour aller plus vite, mais ces imbéciles СКАЧАТЬ