Cadio. George Sand
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Название: Cadio

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066082918

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СКАЧАТЬ la tête perdue!

      MARIE. Il faut pourtant montrer un peu de courage! Vous aviez tant promis d'en avoir!

      ROXANE. J'en ai; oui, je me sens un courage de lion, si vraiment le marquis Saint-Gueltas est à la tête de ces bandes! Un homme du monde, galant, à ce qu'on dit!--Mais, si ce sont des paysans sans chef, des enfants perdus, des désespérés,... s'ils mettent le feu partout,... s'ils outragent les femmes... Et mon frère qui nous quitte!

      MARIE. Pour quelques heures peut-être; s'il apprend à la ville que c'est encore une panique....

      ROXANE. Qui sait ce que c'est? Ah! je me sens toute défaite. Je n'ai pas pris ma crème aujourd'hui.--L'ai-je prise? Je ne sais où j'en suis!

      MARIE. Vous ne l'avez pas prise, et c'est l'heure. (Elle va pour sonner.) Mais voici la petite Bretonne qui vous l'apporte. Elle est exacte.

      SCÈNE VI.--Les Mêmes, LA KORIGANE.

      LA KORIGANE. Est-ce que vous vous impatientez? (Elle présente un bol de crème à Roxane.)

      ROXANE. Non, non, petite, c'est fort bien. (Elle boit.) Elle est délicieuse, ta crème. Ah! ma pauvre enfant, nous voilà bien en peine! Tu n'as pas peur, toi?

      LA KORIGANE. Moi, peur? Et de quoi donc, mamselle?

      LOUISE. Des brigands!

      LA KORIGANE. Oh! ça me connaît, moi, les brigands! c'est tout du monde comme moi!

      ROXANE. Comme toi? Ah ça! où donc les as-tu connus?

      LA KORIGANE. Oh! dame! dans tout le bas pays. Vous savez bien que j'ai pas mal roulé de ferme en ferme et de château en château avant que d'entrer chez vous. Vous m'avez prise parce que votre cousine, chez qui j'étais en dernier, vous a envoyé des vaches brettes et moi par-dessus le marché, comme le chien qu'on vend avec le troupeau. Elle ne tenait pas à moi,--pas plus que moi à elle!--Elle m'a dit comme ça: «Tu es mauvaise tête, tu ne souffres pas les reproches; mais tu sais soigner les bêtes, et je vais t'envoyer avec les tiennes chez des dames très-riches et très-douces.» Moi, j'ai dit: «Ça me va, de m'en aller. J'aime à changer d'endroit, je ne restais chez vous qu'à cause des vaches.» Et pour lors...

      ROXANE. C'est bon, c'est bon, caquet bon bec! tu nous raconteras tes histoires un autre jour. Remporte ta tasse.

      LOUISE. Permettez, ma tante, elle a peut-être vu chez notre cousine du Rozeray...

      ROXANE. Eh! au fait!... elle recevait tous les chefs, la cousine!... Oui, oui. Dis-nous, Korigane..., est-ce que tu as entendu parler là-bas d'un personnage,... un certain marquis?...

      LA KORIGANE. Un marquis! c'est Saint-Gueltas que vous voulez dire?

      ROXANE. Justement! M. de la Roche-Brûlée. Tu l'as vu?

      LA KORIGANE. Si je l'ai vu! vous me demandez si je l'ai vu?

      ROXANE. Eh bien, sans doute; est-ce que tu ne te souviens pas?

      LOUISE. Tu ne réponds pas, toi qui n'as pas l'habitude de rester court! (A Roxane.) Elle a oublié.

      LA KORIGANE, exaltée. Oublier Saint-Gueltas, moi! Mamselle Louise, si vous voyez jamais cet homme-là quand ça ne serait qu'une petite fois et pour un moment, vous saurez qu'on ne l'oublie plus, quand même on vivrait cent ans après.

      ROXANE. Ah! oui-da! tu me donnes envie de le voir.

      LA KORIGANE, (à Louise, la regardant fixement.) Et vous, vous êtes curieuse de le voir aussi?

      LOUISE, (embarrassée.) De le voir?... Peu m'importe; mais on nous menace de son arrivée dans le pays, et je voudrais savoir si nous devons nous en réjouir ou... ou nous cacher?

      LA KORIGANE, (emphatiquement, naïvement.) Pour la cause du bon Dieu et des bons prêtres, réjouissez-vous, mesdames! Si Saint-Gueltas vient ici avec ses bons gars du Poitou, de la Bretagne et de la Loire, car il y en a de tous les pays qui le suivent, comptez que la sainte Vierge est à leur tête, et que pas un républicain, pas un trahisseur, pas même un tiède, ne restera sur terre. Quand Saint-Gueltas passe quelque part, c'est rasé! c'est comme le feu du ciel!--Mais, pour votre sûreté à vous, mes petites femmes, cachez-vous; cachez vos jupons roses et vos cheveux poudrés, et cachez-les bien, car il sait dépister les jeunes comme les mûres, les villageoises en sabots comme les bourgeoises en souliers et les princesses en mules de satin! Oui, oui, cachez-moi tout ça, ou malheur à vous!

      LOUISE, (à sa tante.) Elle parle comme une folle! elle me fait peur!

      ROXANE. Et moi, elle m'amuse. (A la Korigane.) C'est très-drôle, tout ce que tu nous chantes là; mais explique-toi mieux. Il ne respecte donc rien, ton fameux marquis?

      LA KORIGANE. Il n'a pas besoin de respecter ni de pourchasser; il regarde!... Oh! il vous regarde avec des yeux... C'est comme le serpent qui charme sa proie. Alors, qu'on veuille ou ne veuille pas, il faut penser à lui le restant de ses jours. Voilà ce que je vous dis, est-ce clair, mamselle Louise? (Louise, troublée, s'éloigne avec un air de dédain.)

      MARIE, (calme, souriant, à la Korigane.) Parlez pour vous, ma chère enfant!

      LA KORIGANE. Pour moi?

      ROXANE. Pardine! on voit bien que tu es amoureuse de lui.

      LA KORIGANE. Amoureuse? Je ne sais pas, demoiselle! Je n'ai que seize ans, moi, et j'ai déjà couru de pays en pays pour gagner ma pauvre vie. J'aurais dû en apprendre long. Eh bien, je n'en sais guère plus que ces demoiselles, puisque je ne sais pas si j'ai été amoureuse et si je le suis.

      ROXANE. A la bonne heure! On t'a prise comme une fille innocente, et j'aime à voir que...

      LA KORIGANE. Vous ne voyez rien! A l'âge de six ans, j'avais déjà un ami que je suivais partout: c'était un champi comme moi. Je l'appelais mon petit mari, et lui, il m'appelait sa petite soeur. Quand il a eu dix-huit ans et moi quatorze, on s'est fâché, parce que je lui disais: «Il faudra nous marier ensemble,» et que lui, il ne voulait ni amitié ni mariage. Il était devenu comme fou; son idée, qu'il disait, c'était d'être moine. Alors, la colère m'est montée aux yeux. Je lui ai jeté mes sabots à la tête, et je me suis sauvée du pays, pieds nus, toujours courant. Je n'avais ni amis ni parents; personne n'a couru après moi, et j'ai été ici et là, n'aimant personne et toujours en colère, toujours pensant à cet imbécile qui n'avait pas voulu m'aimer! J'y ai pensé jusqu'au jour où j'ai vu Saint-Gueltas. Alors, j'ai toujours pensé à Saint-Gueltas, et j'ai oublié l'autre.

      ROXANE. Et Saint-Gueltas... a-t-il fait attention à toi?

      LA KORIGANE. Je ne sais pas! Un jour, votre cousine du Rozeray m'a dit des sottises et des injustices; j'ai bien vu qu'elle était jalouse...

      ROXANE. Allons donc, impertinente! tu voudrais nous faire croire que la comtesse...

      LA KORIGANE. Oh! si vous vous fâchez, je ne dirai plus rien.

      ROXANE. Si fait, parle encore; tu nous amuses, tu nous distrais.--Que regardes-tu, Marie? est-ce que mon frère?... Il a promis de ne pas partir sans nous voir.

      MARIE, (à la fenêtre.) Il est là, mademoiselle. Je ne comprends pas... il donne des ordres... La cour du donjon est pleine de gens de la ville...

      LOUISE. СКАЧАТЬ