Название: La Comédie de la mort
Автор: Theophile Gautier
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066090258
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Il est des trépassés de diverse nature,
Aux uns la puanteur avec la pourriture,
Le palpable néant,
L'horreur et le dégoût, l'ombre profonde et noire,
Et le cercueil avide entr'ouvrant sa mâchoire
Comme un monstre béant.
Aux autres, que l'on voit sans qu'on s'en épouvante
Passer et repasser dans la cité vivante
Sous leur linceul de chair,
L'invisible néant, la mort intérieure
Que personne ne sait, que personne ne pleure,
Même votre plus cher.
Car, lorsque l'on s'en va dans les villes funèbres
Visiter les tombeaux inconnus ou célèbres,
De marbre ou de gazon;
Qu'on ait ou qu'on n'ait pas quelque paupière amie
Sous l'ombrage des ifs à jamais endormie,
Qu'on soit en pleurs ou non,
On dit: Ceux-là sont morts. La mousse étend son voile
Sur leurs noms effacés; le ver file sa toile
Dans le trou de leurs yeux;
Leurs cheveux ont percé les planches de la bière,
A côté de leurs os, leur chair tombe en poussière
Sur les os des aïeux.
Leurs héritiers, le soir, n'ont plus peur qu'ils reviennent;
C'est à peine à présent si leurs chiens s'en souviennent.
Enfumés et poudreux,
Leurs portraits adorés traînent dans les boutiques,
Leurs jaloux d'autrefois font leurs panégyriques;
Tout est fini pour eux.
L'ange de la douleur, sur leur tombe en prière,
Est seul à les pleurer de ses larmes de pierre.
Comme le ver leur corps,
L'oubli ronge leur nom avec sa lune sourde;
Ils ont pour draps de lit six pieds de terre lourde.
Ils sont morts! et bien morts!
Et peut-être une larme à votre âme échappée
Sur leur cendre, de pluie et de neige trempée,
Filtre insensiblement.
Qui les va réjouir dans leur triste demeure;
Et leur coeur desséché, comprenant qu'on les pleure,
Retrouve un battement.
Mais personne ne dit, voyant un mort de l'âme:
Paix et repos sur toi! L'on refuse à la lame
Ce qu'on donne au fourreau;
L'on pleure le cadavre et l'on panse la plaie,
L'âme se brise et meurt sans que nul s'en effraie
Et lui dresse un tombeau.
Et cependant il est d'horribles agonies
Qu'on ne saura jamais; des douleurs infinies
Que l'on n'aperçoit pas.
Il est plus d'une croix au calvaire de l'âme
Sans l'auréole d'or, et sans la blanche femme
Echevelée au bas.
Toute âme est un sépulcre où gisent mille choses;
Des cadavres hideux dans des figures roses
Dorment ensevelis.
On retrouve toujours les larmes sous le rire,
Les morts sous les vivants, et l'homme est à vrai dire
Une Nécropolis.
Les tombeaux déterrés des vieilles cités mortes,
Les chambres et les puits de la Thèbe aux cent portes
Ne sont pas si peuplés,
On n'y rencontre pas de plus affreux squelettes,
Un plus vaste fouillis d'ossements et de têtes
Aux ruines mêlés.
L'on en voit qui n'ont pas d'épitaphe à leurs tombes,
Et de leurs trépassés font comme aux catacombes
Un grand entassement;
Dont le coeur est un champ uni, sans croix ni pierres,
Et que l'aveugle Mort de diverses poussières
Remplit confusément.
D'autres, moins oublieux, ont des caves funèbres
Où sont rangés leurs morts, comme celles des Guèbres
Ou des Égyptiens;
Tout autour de leur coeur sont debout les momies,
Et l'on y reconnaît les figures blêmies
De leurs amours anciens.
Dans un pur souvenir chastement embaumée
Ils gardent au fond d'eux l'âme qu'ils ont aimée;
Triste et charmant trésor!
La mort habite en eux au milieu de la vie;
Ils s'en vont poursuivant la chère ombre ravie
Qui leur sourit encor.
Où ne trouve-t-on pas, en fouillant, un squelette?
Quel foyer réunit la famille complète
En cercle chaque soir?
Et quel seuil, si riant et si beau qu'il puisse être,
Pour ne pas revenir n'a vu sortir le maître
Avec un manteau noir?
Cette petite fleur, qui, toute réjouie,