La main froide. Fortuné du Boisgobey
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Название: La main froide

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066086527

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СКАЧАТЬ Les arbres et les femmes avaient des toilettes neuves.

      Paul Cormier, lui aussi, s'était fait beau. Il portait une redingote noire, coupée par un bon tailleur, un joli pantalon de fantaisie et des bottines pointues, ni plus ni moins qu'un gommeux remontant les Champs-Elysées, à l'heure où les équipages reviennent du Bois.

      Et cette tenue élégante lui allait à merveille.

      Jean de Mirande avait endossé, pour la circonstance, une espèce de justaucorps en velours violet, boutonné jusqu'au menton; il avait chaussé des bottes molles montant jusqu'au genou sur une culotte gris-perle extra collante et, pour compléter ce mirifique costume, il s'était coiffé, comme un Calabrais d'opéra-comique, d'un feutre pointu, orné d'un large ruban vert.

      Et, ainsi accoutré, il ne paraissait pas trop ridicule. Sa haute mine sauvait tout et nul n'était tenté de se moquer de lui en face.

      Les hommes attendaient, pour hausser les épaules, qu'il leur tournât le dos. Les jeunes filles de bonne maison le suivaient des yeux à la dérobée, et les mamans pensaient: «Voilà un beau gars!»

      Lui, marchait la tête haute et la moustache au vent, remorquant son camarade qui s'arrêtait souvent pour regarder les femmes et qui ne passait point inaperçu, quoiqu'il n'eût ni l'imposante prestance ni les airs vainqueurs du beau Mirande, Roi des Écoles et bourreau des crânes.

      En arrivant sur la terrasse, Paul Cormier avait avisé, assise contre le piédestal d'une statue, une personne charmante.

      Elle était sans cavalier, mais sans doute elle ne comptait pas rester seule jusqu'à la fin du concert, car elle gardait deux chaises, près de celle qu'elle occupait.

      Paul qui ne manquait jamais la musique le dimanche, et qui, tous les jours, traversait le jardin plutôt deux fois qu'une, Paul ne l'y avait jamais rencontrée. Donc, elle venait de la rive droite. Sa toilette le disait assez, une toilette élégante et de bon goût, comme on en voit peu dans les environs de Saint-Sulpice.

      Du reste, elle ne semblait pas s'apercevoir qu'elle attirait l'attention de ce joli blond qui lui décochait une œillade brûlante chaque fois qu'il passait devant elle.

      Et Paul se demandait déjà s'il avait enfin rencontré ce qu'il cherchait.

      Etait-ce le début d'une aventure? Il l'espérait presque et il s'y serait volontiers embarqué, sans savoir où elle le conduirait.

      S'il avait pu prévoir comment elle devait finir, il aurait certainement hésité.

      La dame lisait un livre à couverture jaune, sans doute un roman nouveau, et ce roman devait être fort intéressant, car elle ne levait pas les yeux.

      Paul Cormier, qui la lorgnait inutilement, commençait à se lasser de ce manège improductif, lorsque Mirande, s'arrêtant tout à coup, lui dit:

      —Ah! ça, qu'est-ce que tu as donc à te retourner à chaque instant? J'en ai assez de te traîner comme un cheval rétif qu'on mène par la figure et qui tire au renard.

      —Une femme adorable, mon cher! murmura Cormier, en serrant le bras de son ami.

      —Où donc?… cette liseuse, là-bas, au pied d'une statue?… Elle n'est pas mal, mais ce n'est pas la peine de risquer d'attraper un torticolis pour la contempler… aborde-la carrément.

      —Tu ne vois donc pas que c'est une femme du monde?… une vraie.

      —Décidément, tu es encore plus jobard que je ne pensais.

      —C'est toi qui a la manie de prendre toutes les femmes pour des drôlesses. Celle-là est seule en ce moment, mais elle attend quelqu'un… son mari très probablement.

      —Allons donc! elle attend quelqu'un, oui… seulement elle ne sait pas qui… toi, si le cœur t'en dit… ou moi, si je voulais, mais, moi, je ne veux pas. Elle me déplaît, ta princesse, avec son air en-dessous. Et puis, ce soir, j'offre à dîner à deux ou trois jolies filles qui s'amusent bon jeu, bon argent, au lieu de faire les pimbêches: Maria, l'élève de la Maternité et Georgette, une petite actrice des Nouveautés, gaie comme un pinson. Lâche ta femme honnête. Je t'invite. Nous aurons en plus Véra, la Russe… externe à la Pitié.

      —Une nihiliste!… merci!… ton apprentie accoucheuse et ta figurante ne me tentent pas non plus. Du reste, tu sais bien qu'aujourd'hui, dimanche, je dîne chez ma mère.

      —Blagueur, va!… dis donc plutôt que tu as envie de suivre ta marquise de carton. Faut-il que tu sois naïf!… ça, une grande dame?… une horizontale, tout au plus… et de petite marque, mon pauvre Paul. Je m'y connais.

      —Tu crois t'y connaître et tu n'y entends rien.

      —Ah! c'est comme ça!… tu prétends m'en remontrer!… eh! bien, je vais te donner une leçon. Tu vas voir comment on s'y prend pour faire connaissance avec une princesse qui vient chercher fortune à la musique du Luxembourg.

      Et, dégageant son bras, Mirande alla droit à la liseuse.

      Paul essaya de le retenir. Il n'y réussit pas et il resta, planté sur ses jambes, au milieu de la terrasse, et fort embarrassé de sa contenance, pendant qu'à dix pas de lui, le beau Mirande s'asseyait sans façon sur une des chaises restées libres à côté de la dame.

      Cette fois, elle leva la tête et elle se montra dans toute sa radieuse beauté.

      C'était une blonde aux yeux noirs, une blonde qui avait le teint mat et chaud d'une Espagnole de Séville avec la physionomie intelligente et vive d'une Parisienne de Paris.

      Pas du tout intimidée, d'ailleurs.

      —Pardon, madame, commença Mirande en retroussant sa moustache, vous devez vous ennuyer toute seule et je me suis dit…

      Il n'acheva pas sa phrase. La dame le regardait fixement et ses yeux n'exprimaient que le dédain, mais un dédain si calme et si fier qu'il s'arrêta net.

      Les grosses galanteries qu'il allait débiter lui restèrent dans le gosier. Et alors se joua une scène muette qui ravit d'aise l'ami Paul.

      Déconcerté par ce regard froid et par ce silence hautain, Mirande ôta son chapeau qu'il avait, d'un geste conquérant, enfoncé sur sa tête avant de s'emparer de la chaise vacante, alors qu'il croyait à une victoire facile.

      Se découvrir poliment, ce n'était pas assez pour réparer sa première inconvenance et la dame continuait à le dévisager, sans lui adresser la parole.

      Il se décida à se lever et il cherchait un mot pour se tirer le moins mal possible de la sotte situation où il s'était mis, lorsqu'il vit debout, devant lui, un monsieur, vêtu de noir, qui s'était approché sans qu'il l'entendît venir.

      —Enfin! s'écria-t-il, tout heureux de consoler son amour-propre en cherchant noise à quelqu'un; enfin je trouve à qui parler!

      Jean de Mirande s'était bien aperçu que la blonde inconnue le trouvait ridicule; et il était d'autant plus vexé que Paul Cormier assistait de loin à sa défaite. Paul Cormier qu'il comptait éblouir en faisant, au pied levé, la conquête d'une femme jeune, jolie et parfaitement distinguée, quoi qu'il en eût dit, avant de l'aborder.

      Et pour se relever aux СКАЧАТЬ