Le dernier vivant. Paul Feval
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Название: Le dernier vivant

Автор: Paul Feval

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085827

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СКАЧАТЬ bien le nom lui-même qui avait troublé un instant le calme olympien de sa physionomie, au moment même où il venait de me laisser entrevoir la toute-puissance de son organisation. Il s'agita sur son fauteuil, piqua du doigt l'armature de ses lunettes et fit mine de chercher quelque chose sur son bureau. Je ne sais s'il le trouva, mais sa tranquillité était revenue quand il ramena sur moi le regard clair et affilé de ses grands yeux en prononçant cette phrase laconique:

      —Pas d'autres détails?

      Je lui passai une note préparée à l'avance et qui contenait toutes les indications qu'il m'était possible de fournir.

      Il dépensa un peu plus de temps que de raison à prendre connaissance de ma note.

      Pendant qu'il lisait, je l'entendis fredonner très bas, de façon à ne point manquer aux convenances, la romance bien connue:

      Ah! vous dirais-je maman Ce qui cause mon tourment?

      Ses paupières étaient à demi fermées et sa petite bouche s'arrondissait comme pour lancer un vigoureux coup de sifflet, mais c'était une pure apparence.

      Il me remit le papier et demanda:

      —Pourquoi voulez-vous connaître l'adresse de ce monsieur?

      L'étonnement dut se peindre sur mes traits, car il s'empressa d'ajouter:

      —Vous savez, la conscience! Sans la conscience, autant abandonner la profession pour se faire agent de change ou même préfet. Suivez bien mon raisonnement si vous avez eu tant de peine à trouver ce monsieur, depuis le temps, c'est qu'il se cache, hein? Toutes les probabilités portent à le croire. Or, en principe, il a le droit imprescriptible de se cacher. Parallèlement, vous avez le droit également indiscutable de le chercher. Ce sont les deux côtés de la question. Mais moi, placé entre ces deux droits....

      J'interrompis cette argumentation qui vous paraîtra comme à moi reculer les bornes de la délicatesse, en lui tendant tout ouverte la dernière lettre de mon pauvre Lucien.

      Elle était ainsi conçue:

      «Mon cher Geoffroy.

      J'ai grand besoin de toi. Tu m'entends: besoin, besoin! Viens tout de suite ou écris-moi un mot qui me dise où je pourrai te trouver. La chose presse malheureusement. Viens vite.»

       Table des matières

       Table des matières

      M. Louaisot de Méricourt lut ces quatre lignes attentivement.

      Il me dit en me rendant le papier:

      —Il y a la conscience, Monsieur, et sans elle la profession serait ravalée indéfiniment. Je n'ai pas à vous faire subir d'interrogatoire; murons la vie privée, mais la lettre a sept semaines de date: pourquoi ce temps perdu?

      Au moment où j'allais répondre, il m'arrêta par un de ces regards coupants qui modifiaient si étrangement l'expression débonnaire de sa physionomie et reprit:

      —Je vous prie de vouloir bien m'excuser et surtout me comprendre. La conscience implique la minutie dans la délicatesse. C'est la profession qui demande cela. Ma question a pour but de savoir si je puis me mêler de cette histoire sans contrevenir aux lois de la délicatesse la plus exagérée. Je suis un assez drôle de corps, hein? Je me flanquerais à l'eau pour ma conscience: c'est la profession.

      —Votre conscience, répondis-je, sans trop montrer l'impatience qui décidément me gagnait, n'a rien à voir en ceci et peut dormir tranquille. Quand j'ai reçu cette lettre, en Irlande, dans la campagne de Galway, elle avait déjà plus d'un mois de date: le temps de courir après moi par les chemins du Connaught, qui sont terriblement capricieux. Et il y a loin de mon entresol de la rue du Helder jusqu'aux bords du lac Corrib.

      —Un pays bien frais, fit observer M. Louaisot de Méricourt que l'explication sembla satisfaire. Connu! J'ai eu occasion de pousser une petite pointe jusque dans la «verte Erin», comme dit Lamartine. Quel poète! ah! si j'avais sa lyre! J'ai suivi un banqueroutier frauduleux jusqu'au sommet du Mamturk. Jolie vue, ça m'avait essoufflé; mais mon homme fut pincé à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer: je possédais un mandat du lord chef-juge. Il y a aussi des antiquités celtiques en quantité; mais ce n'est pas un pays fortuné, par exemple, et des quantités de coqueluches.

      Ici, M. Louaisot mangea une bonne bouchée de veau rôti en ébauchant à bas bruit la mélodie célèbre qui accompagne le second distique de la romance.

      ...Depuis que j'ai vu Sylvandre Me regarder d'un air tendre....

      Puis il me remit ma lettre en disant avec beaucoup d'aménité:

      —La conscience, Monsieur, sans laquelle je ne comprendrais même pas la profession, peut se contenter de vos explications; donc j'ai l'honneur de vous remercier. Déposez trente francs et revenez demain.

      Je pris congé. À la moitié de l'escalier j'entendis encore le mot conscience, enveloppé dans le cinquième vers:

      Mon cœur dit à chaque instant Peut-on vivre?...

      Le lendemain, de bonne heure, j'étais au rendez-vous.

      Je fus reçu par la cauchoise, qui avait déjà les joues écarlates et répandait à la ronde une bonne odeur de gloria.

      Au lieu d'entrer chez M. Louaisot de Méricourt, elle ouvrit, dans l'antichambre, une porte latérale qui me montra un long bureau, où écrivaient quatre ou cinq pauvres diables. Au bout de deux minutes, tout au plus, elle revint avec un papier qu'elle tint à distance en disant:

      —Savez-vous comment le patron m'appelle? sa mule. Il est drôle. Alors, il me faut mon picotin. C'est dix francs.

      Je donnai le pourboire. Elle porta l'argent à ses lèvres, comme je l'ai vu faire aux mendiants des grandes routes en Normandie.

      Le papier ne contenait que ces mots:

      «Maison de santé du Dr Chapart, rue des Moulins, à Belleville.»

      Une demi-heure après, un garçon à tournure d'infirmier m'ouvrait la chambre n°9, corridor du deuxième étage, dans la maison Chapart, où Lucien était pensionnaire.

      Il y avait maintenant près de dix ans que je n'avais vu Lucien Thibaut. Ma famille était de Paris, la sienne habitait le pays de Caux, où son père avait occupé un emploi de magistrature. Sa mère, restée veuve avec deux filles, y jouissait d'une modeste aisance.

      Nous avions fait nos études ensemble au lycée Bourbon. Lucien et moi, et nous nous étions quittés, fort émus de la séparation, mais nous promettant bien de nous revoir souvent, juste le dernier jour de sa vingtième année.

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