Les pilotes de l'Iroise. Edouard Corbiere
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Название: Les pilotes de l'Iroise

Автор: Edouard Corbiere

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066087630

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      Et chaque fois on lui répondait: Pas de nouvelles!

      Un jour cependant, son père adoptif arriva tout joyeux vers lui, au moment où il revenait le voir, après un petit voyage sur les attérages de Péros. Bonne nouvelle! bonne nouvelle! s'écria-t-il, du plus loin qu'il l'aperçut: Jean-Marie vient de recevoir, par une embarcation anglaise, une lettre et une bourse de la part de ta soeur. Viens vite, viens nous lire, viens lire cette lettre.

      Cavet accourt tout palpitant: les pilotes, ses amis, lui remettent la lettre, qu'il ouvre avec agitation. Il lit:

      «Mes bons amis, mes véritables et mes seuls parents,

      «Vous avez dû être bien inquiets sur mon sort, depuis le temps où l'on m'a séparée de vous; mais rassurez-vous. L'homme généreux qui m'a pris sous sa protection, me fait donner une éducation dont je crois avoir profité. Qu'il vous suffise de savoir que je suis heureuse, et qu'on m'élève pour occuper un rang bien supérieur, sans doute, à la condition dans laquelle j'étais née... Un jour, un jour, j'ose l'espérer, avec la grâce de Dieu, je vous reverrai, je reverrai mon frère, mon bon frère, sans lequel, je le sens bien, il me serait impossible de vivre long-temps. Adieu, adieu, mes bons amis! Recevez de votre pauvre Jeannette un petit présent, dont je destine la moitié à mon frère. Mon seul désir est de vous faire tout le bien que vous méritez, et que ne cessera de vous souhaiter toute sa vie votre bien aimée et reconnaissante,

      «JEANNETTE.»

      Cavet, après avoir lu ces mots d'une voix altérée, s'arrêta, tant son émotion était vive.

      —Mais il y a encore autre chose, lui dit Tanguy; monsieur le curé nous a dit avoir vu un baragouinage en anglais, après la lettre de Jeannette. Va donc de l'avant, et plus vite que ça!

      —Oui, oui, effectivement, reprit Cavet, dont un nuage semblait obscurcir la vue; et il continua, en traduisant ainsi les mots d'anglais ajoutés à la lettre de Jeannette:

      «Soyez sûrs que la jeune enfant, que vous avez si long-temps traitée comme votre fille, ne recevra de moi que des bienfaits et que l'exemple des bonnes moeurs. Je la destine à l'un de mes neveux, dont elle fera, j'en suis sûr, le bonheur et la gloire.

      «Commodore WOODBRIDGE.»

      Deux sacs remplis de guinées étaient joints à ce billet. L'un portait ces mots: A mon père Jean-Marie; l'autre, ceux-ci: A mon bon frère Tanguy Cavet. Cet argent fui présenté à Cavet, qui s'en empara avec brusquerie: étonné de l'expression de sa physionomie à la vue de cet or, Jean-Marie demande à l'orphelin ce qu'il veut en faire.

      —Ce que je veux en faire, répond Cavet; tiens.... et au même instant, il jette avec colère les deux sacs de guinées dans les flots, sur lesquels les bateaux-pilotes étaient ramarrés près du rivage.

      Jean-Marie. tout surpris de la vivacité de cette action, s'écrie, dans un moment où il ne calculait que la perte qu'il venait de faire: mais il a aussi jeté ma part à l'eau!

      —Ta part! répond Cavet, avec mépris: je te la rendrai, et tu pourras au moins la recevoir, de ma main, sans rougir.

      Cavet s'éloigne à ces mots: il sent le besoin d'être seul. La lettre que lui ont remise les pilotes, il la pose sur son coeur, qu'elle brûle. Cette lettre, qu'il relit cent fois et qu'il déteste, il la gardera par un secret instinct de vengeance. Il sait enfin le nom de celui qui lui a ravi sa soeur; si jamais il pouvait!.... Elle se dit heureuse, s'écrie-t-il! L'infortunée ne sait pas encore le sort qu'on lui prépare: son ravisseur lui a fait donner de l'éducation pour rendre ses infâmes plaisirs plus piquants, et le déshonneur de sa victime plus digne de lui. Et il voulait encore nous faire accepter le prix de cette malheureuse enfant!... Le lâche! Que ne peut-il savoir le cas que j'ai fait de ses honteux présents, et l'espèce de reconnaissance qu'ils m'inspirent! Mais l'homme à qui il en destinait une partie, pleure peut-être l'or dont je l'ai privé. Je lui ai promis de lui payer la part sur laquelle il comptait, ce malheureux: il l'aura sa part, il l'aura bientôt, dussé-je acheter de ma vie la somme qu'il lui faut? Il y compte, le malheureux; il l'aura....

      Errant toute la nuit sur les rochers de l'île, absorbé dans ses cruelles réflexions, il n'entend ni la voix des pêcheurs qui l'appellent, inquiets de son absence, ni les pas de ses camarades, qui le cherchent dans les cavernes qu'il parcourt; accablé de fatigues et de douleur, il s'arrête quelquefois enfin, et ce sommeil, qui ressemble aux spasmes de l'agonie, s'empare de ses organes vaincus. Il s'endort, sa tête exaltée se penche: un rêve bondissant vient agiter encore ses sens déjà si cruellement tourmentés. C'est un navire ennemi dont il s'empare avec une simple barque de pêcheur. Cette idée fantastique, que poursuit son imagination en délire, convulsionne tous ses membres, et ses lèvres frémissantes laissent échapper plusieurs fois ces mots: Tu la veux, ta part: tu l'auras. Tiens, la voilà!

      Ses paupières fatiguées se rouvrirent bientôt. Le jour éclairait déjà l'horizon, et s'étendait sur la mer tranquille, qui gémissait mélancoliquement sur les plages de l'île. Tout préoccupé encore du songe auquel il vient de s'arracher, Cavet aperçoit sur les flots, que la nuit abandonne, un bâtiment immobile..... C'est mon rêve, s'écrie-t-il, en s'essuyant les yeux, comme s'il craignait de s'abuser encore: puis il court au milieu des pêcheurs, qu'il réveille, en répétant toujours: C'est mon rêve, c'est mon rêve!

      Les pêcheurs attribuent d'abord le désordre de ses sens et de ses discours à la douleur qui l'égarait la veille; mais il leur montre le navire dérivant vers l'île, au sein du calme; mais il leur raconte le songe qu'il a fait, les moyens que dans son sommeil la Providence semble lui avoir révélés, pour s'emparer du bâtiment ennemi: les jeunes marins l'écoutent. Convaincu comme il l'est, il les persuade; superstitieux comme ils sont, ils se laissent entraîner. On va chercher quelques armes dans les cahuttes voisines, et quinze ou seize petits marins consentent à s'embarquer sur le bateau de Tanguy, sur cette Croix-du-bon-Dieu, si heureuse jusque-là dans tous les événements de mer, qu'Ouessant a été appelée à admirer.

      Tanguy consent aussi à prêter sa barque chérie à son fils adoptif; mais, devenu prudent, il se refuse à partager le sort de ces corsaires improvisés, qui partent armés seulement de quelques mauvais fusils de chasse.

      —Si c'est un navire de guerre encalminé, que feras-tu? demanda-t-il à Cavet.

      —Nous jetterons nos armes à la mer, et nous lui dirons que nous sommes venus pour lui porter secours, en voyant le danger qu'il court avec les courants qui le drossent.

      —Et si c'est un navire marchand?

      Oh! alors nous tapperons à bord, et Dieu ou le diable fera le reste. La division anglaise est loin; et avant qu'elle ne puisse le secourir, il sera à nous et à vous aussi.

      En disant ces mots, il embrasse avec une sorte de délire son père Tanguy, il jette un coup d'oeil de mépris à Jean-Marie. et saute à bord du bateau avec son nouvel équipage. La barque était lourde en calme. Les avirons sont bordés: ils frappent à coups réguliers la mer immobile; les deux voiles que l'on hisse tombent flasques sur les mâts qu'elles frappent à chaque coup de roulis. Cavet, placé à la barre, encourage ses nageurs à ramer ensemble et avec force. La Croix-du-bon-Dieu s'éloigne du rivage couvert de la foule des spectateurs impatients. Le bâtiment aperçu grossit déjà à la vue de ceux qui se proposent de l'abandonner s'il est armé, et de l'attaquer s'il est sans défense. Une mauvaise longue vue est braquée sur lui, et Cavet, après l'avoir observé, annonce que c'est un-brick marchand. Le courage redouble: les avirons font bouillonner la mer le long de la barque, qu'ils forcent СКАЧАТЬ