Les crimes de l'amour. Маркиз де Сад
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Les crimes de l'amour - Маркиз де Сад страница 6

Название: Les crimes de l'amour

Автор: Маркиз де Сад

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066082932

isbn:

СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Furieuse, elle vole chez le duc de Guise.

      —Monsieur, lui dit-elle fièrement, j'imaginais que la grandeur et la noblesse de l'âme devaient guider dans toutes les actions, ceux sur qui l'état se repose du soin de le conduire, et que les ressorts d'un gouvernement, en un mot, ne se confiaient qu'aux mains de la vertu. Mon père m'envoie vers vous pour négocier sa justification; non-seulement vous me fermez les avenues du trône, non-seulement vous empêchez que je ne puisse me faire entendre, mais vous profitez même de cet instant pour plonger mon malheureux père dans une affreuse prison.

      Ah! monsieur le duc, ceux qui, comme lui, ont versé près de vous leur sang pour la patrie, me paraissaient mériter plus d'égards; ainsi donc pour éluder ma première demande, vous me contraignez d'en faire une seconde, et vous me précipitez dans de nouveaux malheurs, pour éteindre en moi le souvenir des premiers?... Ah! monsieur, la rigueur, toujours voisine de l'injustice et de la cruauté, énerve les âmes, leur enlève l'énergie qu'elles ont reçue de la nature, par conséquent le goût des vertus; et l'état alors, au lieu de la gloire de commander à des hommes libres, entraînés vers lui par le cœur, n'a plus sous sa verge de fer que des esclaves qui l'abhorrent.

      —Votre père est coupable, Juliette, il est maintenant impossible de se faire illusion sur sa conduite; le château dans lequel il était s'est trouvé rempli d'armes et de munitions; on le croit, en un mot, le second chef de l'entreprise.

      —Jamais mon père n'a changé de langage, monsieur: il a dit à Nemours, il a dit à Sancerre: «Qu'on me conduise aux pieds du trône, je ne demande qu'à être entendu. Les armes que vous me voyez, ne sont destinées que contre ceux qui veulent nous empêcher de l'être, et qui abusent d'un crédit usurpé, pour établir leur puissance sur la faiblesse et le malheur des peuples».....

      Voilà ce que mon père à dit; voilà ce qu'il vous crie encore du fond de sa prison. Serais-je, en un mot, près de vous, monsieur, si mon père se croyait coupable? Sa fille viendrait-elle dresser l'échafaud qu'il aurait cru mériter?

      —Un mot, un seul mot peut finir vos malheurs, Juliette.... Dites que vous ne me haïssez pas; ne détruisez point l'espoir au fond d'un cœur qui vous adore, et je serai le premier à persuader de mon mieux à la cour, l'innocence et la fidélité de votre père.

      —Ainsi donc vous serez juste, si je consens à être criminelle, et je n'aurai droit aux vertus où je dois prétendre, qu'en foulant aux pieds celles qui m'enchaînent! ces procédés sont-ils équitables, monsieur? Ne rougissez-vous pas de les afficher, et voudriez-vous que je les publiasse?

      —Vous comprenez mal ce que je vous offre, Juliette; je ne suppose pas votre père coupable, il l'est; tel est le point dont il faut partir. Castelnau est coupable, il mérite la mort; je lui sauve la vie si vous vous rendez à moi; je ne controuve point des crimes au baron pour avoir droit à votre reconnaissance. Ces torts existent, ils lui méritent l'échafaud, je les anéantis si vous devenez sensible à ma flamme; votre supposition me prêterait une manière de penser qui ne s'allierait pas à ma franchise: celle qui me dirige s'accorde avec l'honneur; elle prouve, au plus, un peu de faiblesse.... Mais j'ai vos attraits pour excuse.

      —S'il est possible, monsieur, que mon père soit libre, tel coupable que vous le supposiez, n'est-il pas plus noble à vous de le sauver sans conditions, que de m'en imposer qu'il m'est impossible d'accepter? Dès que vous pouvez me le rendre, le croyant coupable, pourquoi ne le pouvez-vous de même, son innocence étant assurée?

      —Elle ne l'est point: je veux bien passer pour indulgent, mais je ne veux pas que l'on me croie injuste.

      —Vous l'êtes en n'absolvant pas un homme auquel il vous est impossible de trouver un seul tort.

      —Terminons ces débats, Juliette, votre père professe le culte prescrit par le gouvernement, il est de la religion qui a mérité la mort à Dubourg; il a de plus, été trouvé en armes aux environs du quartier royal. Nous faisons mourir tous les jours des gens dont les dépositions le condamnent; le baron périra comme eux, si des réflexions plus sages de votre part ne vous déterminent promptement à ce qui peut seul le sauver.

      —Oh, monsieur, daignez réfléchir au sang qui m'a donné la vie, suis-je faite pour être votre maîtresse, et tant qu'Anne d'Est existera, puis-je être votre femme?

      —Ah! Juliette, assurez-moi qu'il n'est que cet obstacle à vaincre, et vous comblerez tous mes vœux.

      —Oh ciel! cet obstacle n'est-il donc pas insurmontable? Envelopperez-vous votre illustre épouse dans la proscription générale? lui composerez-vous comme à mon père, des torts, pour avoir droit de l'immoler? et sera-ce au moyen de cette foule de crimes que vous croirez obtenir ma main!

      —Fille adorée, dites un mot.... un seul mot; assurez-moi que je peux mériter votre cœur, et je me charge des moyens de l'acquérir. Ces chaînes indissolubles pour les mortels ordinaires, se brisent facilement chez ceux que la fortune et la naissance élèvent.... il est, sans explication, mille moyens de m'appartenir, Juliette, et c'est à vous de prononcer.

      —Je vous l'ai dit, monsieur, je ne suis pas maîtresse de mon cœur.

      —Et quel est donc celui que vous me préférez?

      —Vous le nommer!...... Vous offrir une victime de plus!...... Ne l'imaginez pas.

      —Allez, mademoiselle, allez, dit le duc irrité, je saurai punir vos refus: le spectacle de votre père aux pieds de l'échafaud, fléchira peut-être vos injustes rigueurs.

      —Ah! souffrez du moins que j'aille embrasser ses genoux, ne m'empêchez pas, monsieur, d'aller arroser son sein de mes larmes; je lui ferai part de vos projets; s'il préfère la vie à l'honneur de sa fille... peut-être immolerai-je mon amour. Mon père est tout ce que j'ai de plus sacré: il n'en est aucun dans le monde dont j'aimasse mieux être la fille...... Mais, monsieur le duc, quelle action! n'aurez-vous nul remords d'une victoire acquise au prix de tant de crimes... d'un triomphe dont vous ne jouirez qu'en nous couvrant de larmes... qu'en plongeant trois mortels au sein de l'infortune? quelle différente opinion j'avais de votre âme...... je la supposais l'asile des vertus, et je n'y vois régner que des passions.

      Le duc promit à Juliette qu'il lui serait permis de voir son père, et elle se retira dans le plus grand accablement.

      Cependant, disent nos historiens, «tout prenait dans Amboise le train de la plus excessive rigueur; les capitaines envoyés par le duc de Guise, ne furent pas moins heureux que Nemours; cachés dans des ravines ou dans des broussailles, aux endroits où les conjurés devaient passer, ils les enlevaient sans résistance, et les amenaient par bandes dans la ville d'Amboise; on mettait en prison les plus apparents; les autres étaient jugés prévôtalement, et pendus tout bottés et éperonnés, aux créneaux du château ou à de longues perches scellées dans les murailles».

      Ces rigueurs révoltèrent.

      Le chancelier Olivier, qui, dans le fond de l'âme, penchait pour le nouveau culte, fit entrevoir que des malheurs sans nombre pouvaient devenir la suite de ces cruautés. Il proposa d'accorder des lettres de rémission à tous ceux qui se retireraient paisiblement.

      Le duc de Guise n'osait trop combattre cet avis: peu sûr des dispositions de la reine toujours livrée aux Chatillon qu'il soupçonnait les secrets moteurs des troubles, craignant l'inquiétude du roi qui, malgré les chaînes dont on l'entourait, ne pouvait s'empêcher de témoigner que tant d'horreurs ne lui plaisaient pas; le duc accepta tout, bien sûr que Castelnau pris en armes, ne pourrait pas lui échapper, СКАЧАТЬ