Название: Les vrais mystères de Paris
Автор: Eugène François Vidocq
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066080952
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Mais que va faire l'infortunée Maxime? Quelle sépulture va-t-elle donner à sa chère Miss? Celle qui régnait si puissante dans son cœur, maintenant objet infime, sera-t-elle, comme le vulgaire des êtres de son espèce, abandonnée à ces barbares qui n'aiment des chiens que leur enveloppe?...
Non! mille fois non!...
Nouvelle Mausole; il faut que le tombeau de sa chienne favorite, dépose éternellement de sa douleur et de ses larmes! Elle s'occupe donc, en sanglotant, de régler les funèbres apprêts de ses funérailles. Une boîte en cœur de chêne est ordonnée; on la garnit d'ouate, on la parfume des plus fines essences, puis on procède à la dernière toilette de Miss; on la peigne, on la bichonne, on lui met dans la gueule un mouchoir de fine batiste imprégné d'eau de Cologne et de patchouli, son corps a pour première enveloppe, une des plus belles robes de sa maîtresse, viennent ensuite une chemise, des draps, des serviettes, des nappes. Enfin, la boîte est refermée sur ces tristes restes au moyen de vis d'argent.
Ici, nouvel embarras de Maxime! Quelle terre sera digne de recevoir la dépouille mortelle de Miss, de la célèbre Miss?
Dans cette perplexité, Maxime se fait apporter l'atlas de Lapie; elle en interroge tous les feuillets; mais dans sa douleur, est-il possible qu'elle fasse un choix? Tout à coup, cependant un trait de lumière se fait jour à travers les ténèbres profondes où son âme est plongée. Miss, la fidèle Miss, ne peut-être inhumée d'une manière digne et convenable, que dans la terre classique de la fidélité! C'est donc la Picardie, qui aura la gloire de conserver ses dépouilles.
La suivante de Maxime est appelée; c'est à elle qu'est confiée la triste mission de procéder aux dernières cérémonies.
La poésie, l'éloquence, jettent à profusion des fleurs sur la tombe de Miss.
Consummatum est!...
—Dieu de Dieu! s'écria Roman, j'ai presque envie de pleurer.
Excusez ma douleur, cette image cruelle
Sera pour moi de pleurs une source éternelle!
Quel bon cœur! Quelle sensibilité! Quel bon caractère! Cette Maxime, est vraiment la perle des femmes; je l'aime, j'en suis fou... Eh, mais! et ce pauvre vieux qui est, dites-vous, son père; vous ne m'en avez plus reparlé? J'espère que sa fille a pour lui, des soins et des égards qui témoignent que, chez elle, le père est infiniment au-dessus de la bête?
—Avant que je ne réponde à cette question, dit le poëte chevelu, examinez, je vous prie, la femme qui descend de cette voiture dont la portière vient d'être ouverte par une espèce de commissionnaire dont les jambes vacillantes et le regard hébété, annoncent qu'il a déjà absorbé une quantité plus que raisonnable de petits verres.
L'équipage est au moins aussi élégant que celui du rat dont je viens de vous parler; cependant la femme qui vient d'en descendre n'est pas aussi attrayante que la belle Maxime, aussi elle emploie des moyens tout différents pour soutenir le luxe dont elle s'environne; ce que la première demande aux charmes de sa personne, la seconde le trouve dans les finesses de son esprit.
Cette femme a vu s'écouler son dixième lustre; elle n'a pas cependant renoncé à l'espoir de paraître jeune; mais ses manières enfantines, ses petites minauderies, s'accordent mal avec un extérieur qui n'a rien de distingué; elle est d'une taille au-dessous de la moyenne, ses formes, d'une ampleur prononcée, rappellent celles de la Vénus Hottentote; et si son visage fortement coloré n'est pas parsemé de marbrures violacées, indices certains d'un tempérament sanguin, c'est grâce à un usage souvent répété de la pommade de concombre.
Si j'étais forcé de vous énumérer toutes les friponneries, toutes les escroqueries qu'elle a commises et que vous soyez forcé de m'écouter, nous devrions nous résigner à rester ici jusqu'à demain matin; aussi je pense qu'il vous suffira de savoir qu'elle ne recule devant rien, que tous les moyens lui sont bons lorsqu'elle veut se procurer de l'argent; elle sait à propos prendre tous les masques; toutes les ruses lui sont familières. Elle trouva même le moyen de dépouiller, de tout ce qu'elle possédait, une vieille femme qui se croyait au moins aussi fine qu'elle; et qui se faisait, je ne sais pour quelle raison, appeler la reine de Hongrie.
—En vérité, cher poëte, vous êtes un singulier conteur; depuis plus d'une heure vous me tenez le bec dans l'eau; me direz-vous enfin quels rapports existent entre Maxime et le vieux frotteur, entre la femme dont vous me parlez maintenant, et ce commissionnaire à demi ivre?
Répondez-donc enfin, ou bien je me retire.
—Ah, de grâce! Un moment souffrez que je respire.
Maxime et la baronne *** (je ne vous dirai pas le nom de cette femme qui, du reste, est la même que celui d'un homme qui occupe la place la plus haute dans la hiérarchie directoriale des théâtres), roulent toutes deux sur l'or et les billets de banque; elles ont toutes deux de somptueux appartements, de riches parures, et comme vous avez pu le voir, des équipages et une livrée dignes d'être enviés par une duchesse. Maxime, sans compter le fils d'un pair de France, a ruiné déjà un bon nombre de jeunes gens de famille; la baronne ***, a escroqué l'univers entier. Cependant on pourrait peut-être trouver quelques excuses à leur conduite, si elles avaient conservé quelques-uns des bons sentiments qui existent dans le cœur de presque toutes les femmes; mais Maxime laisse son vieux père mourir de faim, et le commissionnaire est le fils unique de la baronne, qui le laisse croupir dans la plus atroce misère; vous voyez, mon cher monsieur, qu'il est possible de rencontrer à Baden-Baden, quelques-uns des mystères de Paris.
—Tron de l'air! je crois que vous avez raison.
—Est-ce la première fois que vous venez à Baden-Baden?
—Oui, cher poëte; mais j'y reviendrai, car je m'y amuse beaucoup.
Il est en effet difficile de s'y ennuyer, car on rencontre ici les gens les plus nobles, les plus distingués et les plus riches de l'Europe; et des lions de tous les pays, qui sont au moins aussi ridicules et aussi amusants que nos lions parisiens. Ici, le républicain, le carliste et le milieu juste, ils vivent ensemble en bonne intelligence: chacun d'eux, en entrant dans la ville, a laissé ses opinions politiques à la porte, comme un bagage inutile; ils ont vraiment bien d'autres choses à faire et de plus importantes que de discuter! Ne faut-il pas qu'ils luttent d'excentricité les uns contre les autres; que le luxe de celui-ci fasse pâlir celui de son voisin? Et puis les bals, les réunions, les dîners princiers donnés par le fermier des jeux à l'aristocratie des baigneurs, et surtout le jeu qui occupe si bien tous les instants des habitués de Baden-Baden, qu'ils paraissent, hommes et femmes, jeunes et vieux, appliquer toutes les facultés qu'ils possèdent à l'étude des combinaisons aléatoires de la rouge et de la noire.
Parmi ces nobles et riches étrangers, bourdonne un essaim de parasites et de fripons, qui ne viennent aux eaux que pour y pêcher de nouvelles dupes...
—Vraiment, il y a ici des parasites et des fripons? dit Roman au poëte chevelu qui s'était fait si bénévolement son cicerone; je ne le crois que parce que vous me le dites.
—Il y en a СКАЧАТЬ