Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq
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Название: Les vrais mystères de Paris

Автор: Eugène François Vidocq

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066080952

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СКАЧАТЬ cintrée, ferrée avec soin et dans laquelle on a pratiqué un guichet défendu par trois tringles en fer carré qui peut être fermé par une petite porte en forte tôle, laisse apercevoir, lorsqu'elle est ouverte, un escalier en spirale qui conduit aux étages supérieurs et auquel sert de rampe une corde à puits noire et luisante; cette porte et la boutique qui occupe le rez-de-chaussée sont peintes en vert.

      Toutes les vitres de cette maison ont été enduites d'une couche épaisse de blanc d'Espagne; on a cependant ménagé dans une de celles de la boutique, qui forme à elle seule le rez-de-chaussée, un petit espace circulaire dans lequel apparaît souvent un œil provocateur, chargé d'indiquer aux passants inexpérimentés, l'industrie exercée rue de la Tannerie, nº 31.

      Cette boutique est divisée en deux parties, séparées par une cloison jadis vitrée, dont les carreaux, depuis longtemps brisés, ont été remplacés par du papier huilé; la boutique proprement dite, est garnie seulement de quelques tables couvertes de toile cirée, qui ne sont jamais essuyées si ce n'est par les manches des consommateurs, de quelques chaises et de plusieurs grossiers tabourets. Le comptoir sur lequel se carrent quelques bouteilles, des verres ébréchés et une série de mesures d'étain, est formé d'un vieux bas de buffet en chêne vermoulu; le fauteuil de madame, placé derrière, est recouvert d'une basane, qui de noir est presque devenue rouge; ce fauteuil a perdu un de ses bras dans une des batailles qui se sont livrées en ce lieu, et des nombreuses blessures qui le couvrent, s'échappent le crin et la bourre qu'il renferme dans ses flancs.

      Ce modeste trône est occupé par une femme âgée d'environ cinquante-cinq ans, grande, maigre, les yeux d'un bleu pâle; un usage immodéré du tabac a considérablement élargi les méplats de son nez long et pointu; sa bouche, d'une grandeur plus qu'ordinaire, n'est garnie que de dents noires et mal rangées; ses lèvres sont pâles et minces; quelques poils gris sont mêlés à sa chevelure rousse, elle est coiffée d'un mouchoir rouge posé en marmotte; les pendeloques qui garnissent ses oreilles, sont formés de brillants assez beaux; ses doigts maigres et peut-être un peu sales, sont tous ornés de bagues; une chaîne en jaseron, qui supporte une grosse montre d'or, fait quinze ou vingt cercles autour de son cou; à sa ceinture pend un clavier d'argent, qui enserre des clés et un couteau.

      Cette femme a placé près d'elle une bouteille d'absinthe, à laquelle elle donne assez fréquemment, les accolades les plus fraternelles.

      Les odalisques de son modeste harem sont diversement occupées; plusieurs boivent, quelques-unes se tirent les cartes, d'autres, faute de cigarettes, fument du caporal dans des pipes culottées.

      Si le lecteur veut bien nous le permettre, nous ne nous arrêterons pas auprès de ces pauvres filles, et nous entrerons dans l'arrière-salle; lorsque nos yeux auront percé le nuage épais de fumée qui charge l'atmosphère de cette pièce, nous pourrons examiner les individus qui s'y trouvent.

      Leur aspect n'offre rien de bien remarquable, ils sont vêtus, à peu près, comme tout le monde, si ce n'est qu'ils paraissent avoir une prédilection singulière pour les couleurs éclatantes, la toilette de quelques-uns serait irréprochable, si de grosses chaînes d'or, des breloques très-apparentes ne venaient pas lui donner un cachet de mauvais goût tout particulier; le costume des autres est celui d'honnêtes ouvriers endimanchés, ceux qui ne sont vêtus seulement que d'un bougeron et d'un large pantalon de toile, se tiennent dans l'ombre: au reste, quel que soit le costume qu'ils portent, tous ces hommes paraissent se connaître; c'est que nous sommes dans un vrai Tapis franc, et que les hommes parmi lesquels nous avons introduit le lecteur, sont les habitués de ce lieu, dont le nom maintenant est connu de tout le monde.

      Il y a des Tapis francs dans les quartiers les plus brillants de la capitale, comme dans les rues sales et tortueuses de la Cité et du quartier de l'hôtel de ville, de quelques faubourgs et de la place Maubert. Il y en a pour toutes les catégories de malfaiteurs, pour les pégriots et les blavinistes[93], et pour les voleurs titrés et décorés de la bonne compagnie.

      Il ne faut pas chercher à se le dissimuler, il existe certains malfaiteurs qui se croiraient déshonorés... déshonorés! c'est le mot, s'ils allaient boire dans un lieu semblable à celui dans lequel les nécessités de notre sujet nous ont forcé d'introduire nos lecteurs.

      Les Tapis francs de la grande Bohême, dont nous parlerons plus tard, sont décorés avec luxe, éclairés à giorno; on n'y rencontre que des gens portant gants jaunes et bottes vernies: est-ce pour cela qu'ils échappent à la surveillance de la police, et ne fait-elle la guerre au vice, que lorsqu'il est couvert de guenilles?

      Il existe une notable différence entre les Tapis francs et ces ignobles cabarets dans lesquels vont boire, non-seulement les voleurs qui vont un peu partout, mais les ouvriers dérangés, les cochers de voitures publiques, les souteneurs de filles et les vagabonds, le nom de Tapis franc, n'est pas applicable à ces derniers établissements; il n'est pas nécessaire en effet, d'être franc ou affranchi[94], pour être à la tête d'un établissement, dans lequel on se borne à servir à boire à tous venants.

      La police qui visite souvent ces cabarets, y pêche, pour ainsi dire, en eau trouble; à chaque coup d'épervier qu'elle y jette, elle ramène un voleur en recherche, un forçat ayant rompu son ban, cependant elle échoue quelquefois: lorsque cela arrive, elle établit une souricière, mais le maître du cabaret dont l'intérêt est de protéger ceux qui le font vivre, et qui sait que la police donne un peu trop d'extension au proverbe: «Ce qui est bon à prendre, est bon à rendre,» se sert d'un mot d'ordre ou d'un signal, pour avertir sa clientèle lorsque la raille[95] est chez lui: une bouteille posée d'une certaine manière, un pain de quatre livres placé contre les carreaux, etc.

      Le vrai Tapis franc, (le nombre de ces établissements dangereux dans tous les grands centres de population, est beaucoup plus considérable qu'on ne le croit généralement), est un lieu connu de la police, qui y exerce une surveillance continuelle, qui, cependant, demeure presque toujours sans résultat; car ceux qui tiennent ces sortes d'établissements, sont de leur côté constamment sur leurs gardes, et font tous leurs efforts pour annihiler des mesures qui doivent leur être fatales.

      La profession du maître ou de la maîtresse du Tapis franc, qu'ils soient logeurs, rogomistes, ou maîtres de mauvais lieu, est destinée à voiler l'industrie qu'ils exercent en réalité, celle de recéleurs; c'est au Tapis franc que les voleurs déposent ou fabriquent leurs instruments de travail, qu'ils se déguisent, qu'ils apportent leur butin, qu'ils procèdent aux partages, qu'ils se réfugient sous de faux noms, lorsqu'ils sont trop vivement poursuivis.

      Les maîtres de Tapis francs, sont pour les voleurs de profession, ce que la Mère est pour les compagnons du tour de France; le voleur évadé ou libéré, qui veut continuer l'exercice de sa profession, y trouve, sans bourse délier, s'il est connu, ou seulement s'il peut se recommander de quelque voleur fameux qu'il a laissé au bagne ou dans les prisons, un logement, des habits convenables au genre de vol qu'il pratique, des passe-ports, des certificats et les instruments nécessaires, l'homme de peine[96] est admis de droit à prendre part à la première affaire: s'il désire s'abstenir, il reçoit un bouquet[97] de vingt-cinq pour cent sur le produit de la vente du chopin[98].

      —Rengraciez[99] dit un homme placé à une table du fond, en s'adressant à tous ceux qui se trouvaient dans la salle, prêtez loches[100].

      Le bourdonnement des conversations particulières, cessa tout à coup et chacun se rapprocha de l'homme qui venait de parler.

      Cet homme, d'une taille élevée et bien prise, paraissait âgé d'à peu près trente à trente-cinq ans, son visage encadré dans un collier de barbe noire parfaitement coupé, avait un caractère particulier de distinction, СКАЧАТЬ