Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq
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Название: Les vrais mystères de Paris

Автор: Eugène François Vidocq

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066080952

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СКАЧАТЬ se prolongèrent jusqu'à l'heure du dîner, auquel assistèrent toutes les personnes qui avaient pris part au repas du matin. Vers huit heures du soir, Salvador ayant demandé une clé dont il prétendait avoir besoin, Roman lui répondit devant ses convives qu'Ambroise avait emporté cette clé et qu'il n'était pas encore rentré. On pensa naturellement que le vieillard s'étant trouvé fatigué, s'était déterminé à coucher à Aix, et qu'il ne reviendrait que le lendemain.

      Le château de Pourrières était entouré de vastes dépendances en terres labourées, bois, vignes, plantations de mûriers et d'oliviers, qu'il fallait traverser pour gagner le village où se trouvait un embranchement qui conduisait à la route d'Aix; ce chemin était celui que prenaient toutes les personnes qui venaient de la ville; mais les habitants du château que leurs affaires appelaient à Aix, en avaient adopté un autre qui diminuait le trajet d'au moins une demi-lieue.

      Le parc du château de Pourrières, d'une très-vaste étendue et planté d'arbres de haute futaie, est traversé à son extrémité par un ruisseau qui prend sa source dans les montagnes qui couronnent la vallée où est bâti ce château. Ce ruisseau coule lentement entre deux rochers d'une hauteur d'environ trente-cinq mètres, au sommet desquels on arrive par deux pentes douces ménagées exprès des deux côtés du parc; ces deux rochers et le ruisseau qu'ils enserrent dans leur sein forment à la partie du parc qui avoisine le manoir une ceinture naturelle qui deviendrait impossible de franchir si un pont n'avait pas été établi sur les deux crêtes les moins élevées des rochers.

      La largeur du ruisseau n'étant pas très-considérable, on a tout simplement, pour établir ce pont, jeté de forts madriers sur les rochers, et sur ces madriers qui sont tenus en place par de forts crampons en fer, on a fixé des planches assez épaisses. Lorsqu'on a traversé ce pont primitif, on suit un petit sentier qui conduit, après quelques détours, sur la grand'route d'Aix à Marseille.

      Salvador et ses convives allaient se lever de table, lorsqu'un domestique, dont la physionomie renversée et les yeux hagards annonçaient qu'il était porteur d'une mauvaise nouvelle, entra dans la salle à manger.

      —Oh! monsieur le marquis! s'écria-t-il, quel malheur! quel affreux malheur!... Ambroise! le pauvre Ambroise!

      —Eh bien! dit Salvador, qu'est-il donc arrivé à Ambroise.

      —Il est mort! monsieur le marquis; je viens de retrouver son corps dans le ruisseau du parc. Le pont s'est rompu, sans doute au moment où il passait dessus avec sa jument.

      Et le domestique, sans attendre la réponse de son maître, le quitta pour aller apprendre la triste nouvelle aux autres habitants du château.

      Tous les convives s'étaient levés de table lorsque le domestique était venu annoncer le fatal événement qui avait causé la mort du pauvre Ambroise, et Salvador s'était élancé sur ses traces en affectant tous les signes d'une profonde douleur. Les convives avaient suivi ses pas, et lorsqu'on arriva au lieu où gisait le cadavre, Roman, qui s'était mêlé parmi les amis de son maître, affichait une douleur que tout le monde s'empressa de consoler.

      Le cadavre du vieux serviteur fut relevé avec toutes les marques du plus profond respect et transporté au château. Les convives de Salvador, respectant la douleur qu'il paraissait éprouver, se retirèrent après lui avoir témoigné toute la part qu'ils prenaient au triste événement qui venait d'arriver.

      Le lendemain matin, Salvador et Roman se promenaient dans la partie réservée du parc. Roman, qui paraissait très-satisfait, se frottait joyeusement les mains.

      Le hasard nous a servis, dit Salvador, que Roman n'avait pas tout à fait mis dans la confidence de son projet, et qui depuis la veille n'avait pas trouvé un instant pour interroger son digne ami.

      —Oui, dit Roman, mais c'est moi qui ai fait naître ce hasard.

      —Comment cela?

      —Je savais que chaque fois qu'Ambroise se rendait à Aix, il prenait la route du parc qui abrége beaucoup le chemin. Hier, je lui ordonnai de se rendre dans la ville, et je l'envoyai te demander tes commissions devant tes convives qui avaient été invités à dessein, afin qu'il fût bien établi qu'il partait de son plein gré.

      —Mais cela ne me dit pas comment il se fait que le pont se soit rompu, justement au moment où il passait dessus.

      —Eh! mon cher, rien de plus simple. Depuis quelques jours, je versais chaque matin de l'acide sulfurique sur les parties des madriers qui avaient le plus souffert des outrages du temps, de sorte qu'ils devaient nécessairement se rompre et emporter avec eux tout l'édifice au moment où ils auraient à supporter le poids d'un homme et d'un cheval; et les parties de rochers sur lesquelles était établi ce pont formant l'entonnoir, il était certain qu'Ambroise serait mort avant d'être arrivé au fond du précipice.

      —Roman, je suis content de vous, dit Salvador en tendant la main à son digne compagnon; vous vous êtes acquis des droits éternels à ma reconnaissance et à la moitié de la fortune de la famille de Pourrières. A propos, quand partageons-nous?

      —A quoi bon partager? tu le sais, j'ai de l'amitié pour toi; aussi, je désire que nous ne nous séparions jamais. Je suis ennemi du faste et des grandeurs, la position que j'occupe ici ne me déplaît pas; je ne parais être, il est vrai, que le premier de tes domestiques, mais cela ne me fait rien; cette comédie perpétuelle m'amuse.

      Roman, en sa qualité d'intendant, fit faire des funérailles magnifiques à Ambroise. Salvador assista au service funèbre et au convoi, et tous les habitants du village de Pourrières remarquèrent son air affligé lorsque l'on couvrit de terre la dépouille mortelle du vieux serviteur. Par ses soins, un modeste monument, surmonté d'une croix de fer, fut élevé à sa mémoire, près du caveau destiné à servir de sépulture aux membres de la famille de Pourrières.

      Roman recevait le prix des fermages et tous les autres revenus. Lorsque Salvador avait besoin d'argent, il en demandait à son compagnon qui lui en donnait sans compter. Un jour, désirant envoyer à Paris une somme assez forte à son carrossier, il la demanda comme de coutume à Roman.

      —Je suis bien fâché de ne pouvoir te satisfaire, mais il faut que tu attendes les prochaines rentrées; ma caisse est vide.

      Salvador, qui savait que Roman avait touché, deux jours auparavant, environ quinze mille francs de divers fermiers en retard, lui en fit l'observation.

      —Les quinze mille francs? s'écria Roman, ils sont loin s'ils courent toujours. J'ai joué au baccarat, et je les ai perdus; mais je les regagnerai.

      —Tu ferais beaucoup mieux de ne plus jouer, lui répondit Salvador, que ce contre-temps paraissait vivement contrarier.

      —Eh! pourquoi me priverais-je de jouer, si j'y trouve du plaisir? est-ce que je trouve mauvais que tu achètes des chevaux et des équipages?

      —On se ruine vite lorsque l'on a la passion du jeu.

      —Lorsque nous serons ruinés, nous reprendrons notre ancien métier; nous sommes encore trop jeunes pour nous retirer des affaires.

      Cette petite altercation n'eut pas de suite; la chaîne qui attachait ces deux hommes l'un à l'autre était beaucoup trop forte pour se rompre au premier choc.

      Le récit des faits qui précèdent l'époque à laquelle nous sommes arrivés n'a pas dû donner à nos lecteurs une opinion exacte du caractère de Salvador. En effet, ils ne l'ont vu jusqu'à СКАЧАТЬ