Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq
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Название: Les vrais mystères de Paris

Автор: Eugène François Vidocq

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066080952

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СКАЧАТЬ Pourrières n'avait fait qu'entrevoir lors du séjour qu'il avait fait à Marseille avant de commencer ses voyages en Europe, vinrent le visiter. Salvador les reçut si gracieusement, il leur fit avec tant de politesse les honneurs de sa demeure, qu'il parvint à leur faire oublier qu'ils avaient espéré se partager la fortune qu'il possédait.

      Salvador et Roman auraient été parfaitement tranquilles s'ils n'avaient pas remarqué que depuis quelque temps le caractère d'Ambroise était totalement changé; le vieux domestique, d'ordinaire dispos et toujours prêt à rire, était devenu sombre et taciturne, il paraissait dominé par quelques pensées importunes, et souvent on l'avait surpris hochant la tête négativement après avoir regardé son maître.

      Roman, qui possédait toute la confiance d'Ambroise, l'avait plusieurs fois interrogé avec adresse: Faites-moi connaître, lui disait-il, les causes de la tristesse qui vous accable, et si cela est possible, monsieur le marquis fera tout pour les faire cesser. Ambroise avait longtemps évité de répondre à ces questions, mais un jour Roman ayant été beaucoup plus pressant que de coutume, Ambroise se détermina à le prendre pour confident.

      «Je suis peut-être fou, mon cher monsieur Lebrun, mais je souffre tant, que vous aurez pitié de moi. Figurez-vous qu'il y a un mois j'ai fait un rêve dont je ne puis chasser le souvenir de ma mémoire. Je rêvais que je m'étais assis au pied du vieux mûrier que défunt monsieur le marquis a fait planter dans le parc le jour de la naissance de son fils. J'étais là depuis quelques instants, lorsque tout à coup j'entendis des cris de détresse; je me levai précipitamment et je vis mon jeune maître tel qu'il était lorsqu'il quitta le château pour commencer ses voyages, étendu sur le sol; le sang sortait à gros bouillons d'une profonde blessure qu'il avait à la poitrine. J'allais courir à lui pour le secourir, mais je fus arrêté par un homme qui me dit en posant sa main sur mon épaule: arrête, c'est moi qui suis ton maître. Les traits de cet homme sont sortis de ma mémoire; je me rappelle seulement qu'il avait de grands yeux bleus.»

      J'aurais certainement oublié ce songe, si je n'avais pas remarqué par hasard, que les yeux de M. le marquis sont bleus, tandis que je me rappelle fort bien qu'il les avait du plus beau noir lorsqu'il a quitté le château. Je suis bien malheureux, M. Lebrun; ce songe me poursuit partout, et quelquefois il fait naître dans mon esprit de singulières pensées.

      Ambroise se pencha vers Roman et lui dit à voix basse:

      —Etes-vous bien sûr que notre maître est réellement le marquis Alexis de Pourrières?

      —Vous me faites là une singulière question, répondit Roman. Depuis cinq ans que je suis au service de M. le marquis, je l'ai toujours entendu nommer ainsi par les personnes recommandables avec lesquelles il était en relation, et je dois croire que le nom qu'il porte lui appartient, puisque vous-même, ainsi que le notaire, vous l'avez reconnu lors de son arrivée ici.

      —C'est vrai, c'est vrai, répondit Ambroise en secouant tristement la tête; je suis fou; il ne faut pas croire aux songes; quelquefois, cependant, les songes sont des avertissements donnés par la Providence.

      Roman employa toute sa rhétorique pour rassurer Ambroise, qu'il ne quitta pour aller trouver Salvador que lorsqu'il le vit un peu plus calmé.

      —Il faut absolument que nous trouvions le moyen de nous défaire de cet homme, dit Salvador, lorsque Roman lui eut rapporté la conversation qu'il venait d'avoir avec Ambroise.

      —Ah! si Mathéo n'avait pas envoyé dans l'autre monde nos amis de la forêt de Cuges...

      —Nous ne nous servirions pas d'eux, répondit Salvador, pourquoi laisser faire par d'autres l'ouvrage que l'on peut faire soi-même?

      —Sans doute; mais il faut, pour éviter de donner naissance à des soupçons, dont les résultats pourraient être désagréables, que la mort d'Ambroise paraisse naturelle.

      —Le poison!

      —Le poison laisse des traces.

      Les deux amis cherchèrent longtemps un moyen d'arriver au but qu'ils voulaient atteindre, sans pouvoir rien trouver qui leur parût convenable.

      —Mais il faut absolument que cet homme périsse, dit Salvador; s'il ne meurt pas, nous sommes perdus.

      Roman, depuis quelques instants, paraissait réfléchir.

      —C'est cela, s'écria-t-il tout à coup en se frappant le front, c'est cela. Mon ami, dans trois ou quatre jours au plus tard, nous n'aurons plus rien à redouter.

      —Quel est ton projet?

      —Tu le connaîtras lorsqu'il sera réalisé.

      —Mais encore faut-il que je sache?

      —Eh bon Dieu! monsieur le marquis, laissez, je vous en prie, agir à sa guise, votre dévoué serviteur; vous savez qu'il est homme de ressources et qu'il n'a pas froid aux yeux.

      Roman, à quelques jours de là, invitait au nom de son maître, les châtelains les plus voisins et le notaire que nous connaissons déjà, à passer la journée au manoir de Pourrières. Tous les invités se montrèrent exacts; on savait que le marquis savait faire les honneurs de sa table.

      —Je vous ai réunis, messieurs, dit Salvador à ses convives au moment où l'on allait se mettre à table, pour déguster quelques flacons d'excellent Tokay, et quelques nouveautés gastronomiques que je viens de recevoir de Paris.

      Le déjeuner fut servi avec ce luxe et ce confort qui ajoutent une nouvelle saveur à la délicatesse des mets et à l'excellence des vins. Comme toujours, Salvador se montra aimable et gracieux. Cependant un examen attentif eût permis de saisir sur sa physionomie l'expression d'une vive préoccupation. On resta longtemps à table, Salvador après avoir fait servir à ses convives le café et les liqueurs, leur proposa une partie de boules; on joue beaucoup aux boules dans les contrées méridionales de la France, et particulièrement en Provence. La proposition fut acceptée avec enthousiasme, et les convives s'empressèrent de se rendre sur une pelouse située devant l'entrée principale du château.

      On allait engager les parties, lorsque Ambroise botté et éperonné, et conduisant une jument par la bride, s'approcha de Salvador et lui demanda s'il avait quelques commissions pour Aix. Celui-ci qui avait reçu de Roman les instructions nécessaires, lui remit un bon de cent francs qu'il le chargea de remettre au libraire Aubin, qui faisait ses abonnements aux journaux et aux Revues de la capitale.

      —Le père Ambroise est encore fort et vigoureux, dit le marquis en s'adressant à ses convives, et malgré son grand âge, il est aussi bon cavalier que le premier postillon du pays. Mais c'est égal, je défendrai à Lebrun de vous faire faire d'aussi longues courses.

      —Monsieur le marquis est bien bon, répondit Ambroise; mais comme j'ai encore bon pied, bon œil, il faut que je me rende utile.

      —C'est bien, Ambroise, c'est bien, partez, mon ami, et que Dieu vous conduise.

      Ambroise était en selle, il piqua légèrement sa bête et partit au petit trot.

      —Il est bien bon pour moi, se disait-il en laissant flotter les rênes sur le col de sa monture, tout le monde le reconnaît: le notaire; qui causait avec lui tout à l'heure; les neveux de feu madame la marquise; mais ses yeux sont bleus, dit-il à haute voix, et j'en suis bien sûr, ceux d'Alexis étaient noirs... Oh! mon songe, mon songe!...

      Tandis СКАЧАТЬ