Название: Fables de La Fontaine
Автор: Jean de la Fontaine
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066074258
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XIII
LES LOUPS ET LES BREBIS.
Après mille ans et plus de guerre déclarée,
Les loups firent la paix avecque les brebis.
C’étoit apparemment le bien des deux partis;
Car si les loups mangeoient mainte bête égarée,
Les bergers de leurs peaux se faisoient maints habits.
Jamais de liberté, ni pour les pâturages,
Ni d’autre part pour les carnages;
Ils ne pouvoient jouir qu’en tremblant de leurs biens.
La paix se conclut donc; on donne des otages:
Les loups, leurs louveteaux; et les brebis, leurs chiens.
L’échange en étant fait aux formes ordinaires,
Et réglé par des commissaires,
Au bout de quelque temps que messieurs les louvats
Se virent loups parfaits, et friands de tuerie,
Ils vous prennent le temps que dans la bergerie
Messieurs les bergers n’étoient pas,
Étranglent la moitié des agneaux les plus gras,
Les emportent aux dents, dans les bois se retirent:
Ils avoient averti leurs gens secrètement.
Les chiens, qui sur leur foi reposoient sûrement,
Furent étranglés en dormant:
Cela fut sitôt fait qu’à peine ils le sentirent.
Tout fut mis en morceaux, un seul n’en échappa.
Nous pouvons conclure de là
Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi,
J’en conviens; mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi?
XIV
LE LION DEVENU VIEUX.
Le lion, terreur des forêts,
Chargé d’ans et pleurant son antique prouesse,
Fut enfin attaqué par ses propres sujets,
Devenus forts par sa foiblesse.
Le cheval s’approchant lui donne un coup de pied,
Le loup un coup de dent, le bœuf un coup de corne.
Le malheureux lion, languissant, triste et morne,
Peut à peine rugir, par l’âge estropié.
Il attend son destin sans faire aucunes plaintes;
Quand, voyant l’âne même à son antre accourir:
Ah! c’est trop, lui dit-il: je voulois bien mourir;
Mais c’est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.
XV
PHILOMÈLE ET PROGNÉ.
Autrefois Progné l’hirondelle
De sa demeure s’écarta,
Et loin des villes s’emporta
Dans un bois où chantoit la pauvre Philomèle.
Ma sœur, lui dit Progné, comment vous portez-vous?
Voici tantôt mille ans que l’on ne vous a vue:
Je ne me souviens point que vous soyez venue,
Depuis le temps de Thrace, habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire?—
Ah! reprit Philomèle, en est-il de plus doux?
Progné lui repartit: Eh quoi! cette musique
Pour ne chanter qu’aux animaux,
Tout au plus à quelque rustique!
Le désert est-il fait pour des talents si beaux?
Venez faire aux cités éclater leurs merveilles:
Aussi bien, en voyant les bois,
Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois,
Parmi des demeures pareilles,
Exerça sa fureur sur vos divins appas.—
Et c’est le souvenir d’un si cruel outrage
Qui fait, reprit sa sœur, que je ne vous suis pas:
En voyant les hommes, hélas!