" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов
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СКАЧАТЬ illustre la traduction de Pierre Du Ryer2, copie, lui aussi, mais de plus près, la série de Tempestà ; ce jeu anonyme est composite : les gravures proviennent de deux artistes différents au moins. La mise en page des éditions de 1619 et de 1660 est sensiblement comparable : toutes deux relèvent du genre du livre d’apparat mis en évidence par Jean-Marc Chatelain3. Pour autant, leur approche des images diffère.

      Renouard donne son Ovide au temps des belles infidèles : le souci de la pureté de la langue guide l’ensemble de l’entreprise, jusque dans l’énoncé du commentaire. Celui-ci, rejeté après le poème et doté d’une pagination propre, prend la forme d’un dialogue de bon ton entre deux devisants : le lecteur est invité à goûter le poème ovidien avant de se plonger dans une compréhension approfondie des Fables – même si un système de renvois permet de circuler aisément des Métamorphoses à leur commentaire. La beauté du livre, celle des images singulièrement, rehausse la gloire du traducteur et proclame l’excellence du règne qui accueille son entreprise. D’où le succès de cet Ovide, parfaitement adapté à la culture des salons. Trop parfaitement même, aux yeux d’un Perrot d’Ablancourt. Lorsque le traducteur de Lucien vante les mérites de l’Honneste femme de Du Boscq (1633), il souligne la familiarité des dames avec les thèmes mythologiques et leur engouement pour les fables amoureuses, au détriment de leur sens moral :

      Mais comme il a veu que les dames prenoient tant de plaisir aux Metamorphoses, qu’il seroit comme impossible de les resoudre à les quitter, et par ce moyen qu’il estoit inutile de leur en defendre la lecture : d’ailleurs elles n’alloient point chercher à la fin du livre l’intelligence et le secret des fables, qu’elles ne se plaisoient qu’aux amours que le poëte a si bien dépeintes, et qu’elles pouvoient bien plustost y apprendre le vice que la vertu.4

      « [E]lles n’alloient point chercher à la fin du livre l’intelligence et le secret des fables » : on décèle ici la trace du succès de l’édition Renouard, et l’image d’une lecture des Métamorphoses comprise comme féminine, la lecture faite à plaisir. Aux yeux d’Ablancourt, le texte d’Ovide, accompagné de ses illustrations et placé trop loin de son commentaire, laissait trop de liberté au lecteur non autorisé.

      Marie-Claire Chatelain a montré que la traduction commentée donnée par Pierre Du Ryer constituait une réactivation textuelle de l’entreprise de Renouard5. Sur le plan du rapport aux images, elle est une réaction à la lecture sensible du poème permise par le dispositif établi chez L’Angelier. On observe un encadrement strict des figures, auxquelles sont adjoints des quatrains anonymes au contenu lourdement didactique. Les leçons enseignées sont théologiques autant que morales. Ainsi de la fable d’Andromède qui donne lieu aux vers suivants :

      Le Ciel nous fait sentir les faveurs de son ayde

      Quand toute autre faveur deffaut a nos besoins

      Et Persée survient quand on l’attend le moins

      Pour tirer du peril l’innocente Andromede.

      Alors qu’Isaac Briot, en 1619, gravait un Persée volant, conformément au texte d’Ovide, la gravure de 1660, au plus près de celle de Tempestà qui imitait lui-même Salomon, montre le héros chevauchant Pégase6. Dans ce nouveau contexte l’image est moralisée, quasiment au sens médiéval : le souvenir de saint Georges est suggéré au lecteur par le quatrain.

      Bernard Salomon, « Perseüs combattant pour Andromeda », La Métamorphose figurée [1557], Lyon, Jean de Tournes, 1564, fig. n°55 [BmL : Rés 357530]

      Isaac Briot, figure illustrant la fable de Persée dans Les Métamorphoses d'Ovide, traduites en prose françoise… [1619], Paris, Pierre Billaine, 1637, p. 121 [BmL : Rés 23423]

      Anonyme, figure illustrant la fable de Persée dans Les Metamorphoses d'Ovide, divisées en XV. Livres…, Paris, A. de Sommaville, 1660, p. 183 [BmL-Silo Ancien : 23425]

      Les quatrains sont en général fortement articulés à l’image à laquelle ils sont apposés et avec laquelle ils ont été imprimés ; mais, à plusieurs reprises, ils forment aussi un enseignement suivi d’une image à l’autre, suggérant ainsi des cycles liés par le développement d’un thème moral et non par la geste d’un héros mythologique. Au livre III, les gravures numérotées 27 et 28 représentent Sémélé et Narcisse ; elles correspondent respectivement aux fables 3 et 5-6 de ce livre ; entre elles, s’intercale la fable de Jupiter et Junon consultant Tirésias (fable 4), illustrée par un autre graveur. Les quatrains rapprochent Sémélé et Narcisse en un cycle consacré aux vices. Pour Sémélé :

      L’Ambition qui plus l’esprit humain bourrelle

      Est celle de se voir tousjours aux premiers rangs

      Et pouvoir parier avecques les plus grands

      Voyla le feu du Ciel qui devora Semele.

      Pour Narcisse :

      Un autre vice encor nous travaille a l’exstreme

      C’est que l’homme oubliant toute autre affection

      De soy mesme conçoit si bonne opinion

      Qu’il mesprise chascun pour n’aymer que soy mesme.7

      Tandis que la disposition des éléments paratextuels (mais faut-il encore parler de paratexte ?) autour de chaque segment narratif tend à isoler fortement des moments du poème ovidien, les commentaires et les quatrains, chacun de leur côté, opèrent d’autres regroupements.

      Aussi le statut du poème nous semble-t-il modifié. Sa segmentation et la multiplication de ses entours diffractent la matière ovidienne en une multitude de discours, répondant à des formes variées et portant des messages divers. Les images en sont un, de même que les quatrains anonymes qui les accompagnent, souvent directement adressés au lecteur ; s’y ajoutent les résumés en prose issus du pseudo-Lactance qui précèdent les fables, les commentaires de Du Ryer qui les suivent et prennent la forme d’une conversation à bâtons rompus avec le lecteur – et, finalement les fables elles-mêmes, comme le signale la préface.

      Comme ses prédécesseurs, en effet, Du Ryer proclame l’utilité de la fable, mais le vocabulaire de la figure qui fondait l’argumentaire au XVIe siècle disparaît : l’idée d’une transcendance du signe fabuleux est perdue, remplacée par une nouvelle caractéristique, la généralité. C’est cette universalité qui approprie la fable à l’expression de la morale chrétienne. On ne trouve plus dans ce texte la notion de défiguration analysée par Trung Tran, l’idée que les fables seraient des figures de figures, des images dissimilaires employées pour représenter, indirectement, le divin. Le paradigme allégorique demeure mais dans un sens réduit qui hérite des débats renaissants sur l’allégorie comme procédé rhétorique, développés notamment dans le réseau melanchthonien. La fable embellit l’énoncé de la vérité :

      […] il me semble, que c’est la Sagesse mesme qui se depoüille pour quelque temps de ce qu’elle a d’austere et de serieux, pour se joüer avec les hommes, & les instruire en se jouant. (Préface, n.p.)

      Du СКАЧАТЬ