Название: Crimes Interplanétaires
Автор: Stephen Goldin
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Жанр: Научная фантастика
isbn: 9788873043454
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— Ainsi harcelée par un freluquet, soupira-t-elle.
L’instant d’après, elle se réveilla en sursaut, toujours adossée à la porte, le menton posé sur la poitrine. Elle se redressa et s’obligea à ouvrir grand les yeux. Juste en face d’elle se trouvait l’escalier qui montait à sa chambre. À côté de l’escalier, un couloir qui menait à la cuisine. L’invitation à dîner de l’inspecteur Hoy avait éveillé l’intérêt de son estomac…
— J’ai besoin de dormir, grommela-t-elle. Mais monter toutes ces marches…
À pas lents, elle prit le chemin de la cuisine, persuadée que si elle marchait trop vite, elle tomberait et s’endormirait avant même d’avoir touché le sol. Elle dénicha deux tranches farineuses qui ressemblaient à du pain, y étala une pâte à tartiner inidentifiable et se hâta d’engloutir l’ensemble avant d’avoir pu l’examiner de trop près. Malheureusement, une fois son estomac rempli, elle se sentit trop éveillée pour se rendormir.
Elle s’arrêta devant la porte ouverte de sa cabine d’holojection et jeta un coup d’œil à l’intérieur.
— Je le regretterai demain, souffla-t-elle. Je le regrette même maintenant.
Malgré tout, elle entra dans la cabine.
— Holojection : Jenithar, bureau de Path-Reynik Levexitor. Avec un peu de chance, il ne sera pas là.
Elle se retrouva dans un vestibule en holospace, devant l’immense porte du bureau de Levexitor. Le simple fait qu’elle y soit arrivée signifiait que l’unité d’holojection de ce dernier était en marche et que son arrivée lui avait été annoncée.
— Madame Rabinowitz, fit la voix désincarnée de Levexitor. Je ne m’attendais pas à une nouvelle visite aussi rapidement.
— Si je vous dérange, Ô Grandissime, je vous prie de me pardonner. Je peux revenir plus tard.
Il marqua une pause étrangement longue avant de répondre :
— Je ne vois pas ce qui pourrait nous empêcher de discuter maintenant. Je suis parfaitement libre. Vous pouvez entrer.
Rabinowitz s’avança vers la porte virtuelle, qui s’ouvrit pour la laisser pénétrer dans la réalité que Levexitor choisissait de présenter à ses visiteurs.
Certains fantaisistes créaient des habitats virtuels élaborés au design exotique. Le Jenitharp ne faisait pas partie de ces gens-là. Le bureau de Levexitor n’avait pas changé une seule fois au cours de ses visites des quatre derniers mois. Les murs étaient couverts d’une tapisserie lie-de-vin mouchetée d’or ; le sol était d’un gris ardoise extrêmement lisse. Deux portes ouvraient sur le bureau : celle par où elle était entrée, et une autre à l’autre bout de la pièce. Il n’y avait pas de fenêtre. La lumière, diffuse, ne provenait d’aucune source visible. La pièce était petite ; sur Terre, une personne d’importance égale aurait bénéficié d’un bureau bien plus imposant. Là, tout était sombre et triste. On eût dit une caverne à peine meublée. Mais après tout, Levexitor lui-même ne faisait pas office de joyeux luron.
Contre le mur du fond se trouvait un poste de travail très bas où s’affairait habituellement Chalnas, l’assistant de Levexitor. Chalnas était une sorte de secrétaire, qui passait son temps à griffonner sur un calepin. Rabinowitz n’avait pas souvenir de l’avoir entendu prononcer plus de cinq mots consécutifs, et il n’ouvrait la bouche que pour demander la clarification de tel ou tel point. Ce jour-là, Chalnas était absent. Il faisait partie de ces gens dont l’absence se remarquait davantage que la présence.
Au milieu de la pièce, derrière son bureau, se tenait Path-Reynik Levexitor. Les Jenitharps étaient bipèdes, mais humanoïdes uniquement selon une définition très large du terme. Leurs corps cylindriques étaient ornés d’un plumage qui faisait vaguement penser à celui d’un marabout. Leurs deux bras, très longs, étaient reliés au corps à l’endroit où aurait dû se trouver la taille ; grâce à cela, ils pouvaient toucher avec la même aisance le sommet de leur tête patatoïde et la plante de leurs larges pieds. Leurs yeux étaient presque invisibles, et leur voix semblait résonner dans tout leur corps.
La projection holojectée de Levexitor était très grande : il faisait une bonne tête de plus que Rabinowitz. Son plumage revêtait une jolie teinte lavande, bien plus élégante que le marron plébéien de Chalnas. Levexitor était si noble qu’il avait rarement besoin de se déplacer.
La pièce était entièrement dépourvue de sièges. Rabinowitz restait debout, Levexitor restait debout, et Chalnas — quand il était là — restait debout. Sur Jenithar, il était inqualifiable de se diminuer volontairement devant un tiers en s’asseyant. Si Rabinowitz n’avait pu s’installer confortablement chez elle tout en se tenant « debout » dans l’holospace de Levexitor, certaines de ses longues séances de négociation ne se seraient pas déroulées aussi aisément.
— Bienvenue, Madame Rabinowitz. Je ne m’attendais pas à vous revoir si vite.
— Je vous présente mes excuses les plus sincères pour cette intrusion, Grandissime. Il me restait quelques minuscules détails à régler, et je me suis dit qu’il valait mieux en finir au plus vite… Mais si Chalnas n’est pas là pour les enregistrer…
— C’est son jour de repos. Mais ne vous en faites pas, je me souviendrai très bien de notre conversation. Poursuivez, je vous prie.
Rabinowitz passa les dix minutes suivantes à discuter des termes précis des droits du théâtre sous-marin et de la durée exacte des cessions. Parfaitement inutile, mais cela suffirait à justifier sa visite.
L’attitude de Levexitor était très inhabituelle. Il mettait parfois plusieurs secondes à lui répondre, et semblait étrangement mal à l’aise. De toute évidence, quelque chose dans son espace réel occupait une partie de son attention. Pourtant, lorsque Rabinowitz lui proposa de le laisser s’occuper de ses problèmes plus urgents et de revenir un peu plus tard, il refusa tout net et poursuivit la discussion.
Lorsqu’enfin ils eurent étudié la question de fond en comble, Rabinowitz tenta d’amener la vraie raison de sa visite :
— Grandissime, j’hésite à aborder un sujet aussi délicat face à un si éminent personnage, mais quelque chose m’a perturbée au point que j’éprouve le besoin de vous en toucher un mot.
— Parlez librement, répondit Levexitor.
— Très bien, Grandissime. Il court sur Terre une rumeur selon laquelle des criminels se livreraient à une contrebande littéraire dans les marchés interplanétaires. J’ignore de qui il s’agit, mais seuls les citoyens les plus vils pourraient s’abaisser à ce point.
— Il est curieux que vous mentionniez ce sujet justement aujourd’hui, Madame Rabinowitz. Continuez, je vous prie.
— Bien entendu, je vous sais au-dessus de telles intrigues. Cependant, en tant qu’amie, je craignais que, malgré vous, vous vous trouviez dupé par ces criminels et poussé à accomplir des actes susceptibles de vous diminuer. Je me suis aussi dit que vous sauriez répandre la nouvelle auprès de vos collègues de moindre envergure, dont certains pourraient céder à la tentation. Ces criminels sont sans scrupule et rabaisseraient quiconque ferait affaire avec eux.
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