Название: Les mystères du peuple, Tome I
Автор: Эжен Сю
Издательство: Public Domain
Жанр: История
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– Mais cela va sans dire, mon cher… Que parlez-vous de ma permission? je suis déjà trop heureux de vous voir accepter mon invitation, ainsi que votre aimable famille.
– Ah! monsieur, tout l'honneur est de notre côté.
– Pas du tout, il est du mien.
– Nenni, monsieur, nenni! c'est trop de bonté à vous. Je vois bien, moi, l'honneur que vous voulez nous faire.
– Que voulez-vous, mon cher, il y a comme cela des figures… qui vous reviennent tout de suite; et puis je vous ai trouvé si honnête homme au sujet de votre fourniture…
– C'est tout en conscience, monsieur, tout en conscience.
– …Que je me suis dit tout de suite: Ce doit être un excellent homme que ce brave Lebrenn; je voudrais lui être agréable, et même l'obliger, si je pouvais.
– Ah! monsieur, je ne sais où me mettre.
– Tenez, vous m'avez dit tout à l'heure que les affaires allaient mal… voulez-vous que je vous paye d'avance votre fourniture?..
– Nenni, monsieur, c'est inutile.
– Ne vous gênez pas! parlez franchement… la somme est importante… Je vais vous donner un bon à vue sur mon banquier.
– Je vous assure, monsieur, que je n'ai point besoin d'avances.
– Les temps sont si durs, cependant…
– Bien durs, sont les temps, il est vrai, monsieur; il faut en espérer de meilleurs.
– Tenez, cher monsieur Lebrenn, – dit le comte en montrant au marchand les portraits qui ornaient le salon, – le temps où vivaient ces braves seigneurs, c'était là le bon temps!..
– Vraiment, monsieur?..
– Et qui sait?.. peut-être reviendra-t-il, ce bon temps…
– Oui-dà… vous croyez?
– Un autre jour nous parlerons politique… car vous parlez peut-être politique?
– Monsieur, je ne me permettrais point cela; vous concevez, un marchand…
– Ah! mon cher, vous êtes un homme du bon vieux temps, vous, à la bonne heure… Que vous avez donc raison de ne pas parler politique! c'est cette sotte manie qui a tout perdu; car dans ce bon vieux temps dont je vous parle, personne ne raisonnait: le roi, le clergé, la noblesse commandaient, tout le monde obéissait sans mot dire.
– Trédame! C'était pourtant bien commode, monsieur!
– Parbleu!
– Si je vous comprends, monsieur, le roi, les prêtres, les seigneurs, disaient: Faites… et l'on faisait?
– C'est cela même.
– Payez… et l'on payait?
– Justement.
– Allez… et on allait?
– Eh! mon Dieu! oui!
– Enfin, tout comme à l'exercice: à droite, à gauche! en avant! halte!.. On n'avait point le souci de vouloir ceci ou cela; le roi, les seigneurs et le clergé se donnaient la peine de vouloir pour vous… et l'on a changé cela, et l'on a changé cela!!!..
– Heureusement il ne faut désespérer de rien, cher monsieur Lebrenn.
– Que le bon Dieu vous entende! – dit le marchand en se levant et saluant. – Monsieur, je suis votre serviteur.
– Ah ça, à dimanche… pour le carrousel, mon cher… vous viendrez… en famille… c'est convenu.
– Certainement, monsieur, certainement… ma fille ne manquera point à la fête… puisqu'elle doit être la reine de… de?..
– Reine de beauté, mon cher! ce n'est pas moi qui lui assigne ce rôle… c'est la nature!
– Ah! monsieur, si vous le permettiez?..
– Quoi donc?
– Ce que vous venez de dire là de si galant pour ma fille? je le lui répéterais de votre part?
– Comment donc, mon cher! non-seulement je vous y autorise, mais je vous en prie; j'irai d'ailleurs rappeler, sans façon, mon invitation à la chère madame Lebrenn et à sa charmante fille.
– Ah! monsieur… les pauvres femmes… elles seront si flattées du bien que vous nous voulez… Je ne vous parle point de moi… l'on me donnerait la croix d'honneur que je ne serais pas plus glorieux.
– Ce brave Lebrenn, il est ravissant.
– Serviteur, monsieur… serviteur de tout mon cœur, – dit le marchand en s'éloignant.
Cependant, au moment où il atteignait la porte, il parut se raviser, se gratta l'oreille et revint vers M. de Plouernel.
– Eh bien! qu'est-ce, mon cher? – dit le comte, surpris de ce retour; qu'y a-t-il?
– Il y a, monsieur, – poursuivit le marchant en se grattant toujours l'oreille, – il y a que j'ai comme une idée… pardon de la liberté grande…
– Parbleu, à votre aise. Pourquoi donc n'auriez-vous pas d'idées… tout comme un autre?
– C'est vrai, monsieur; parfois les petits tout comme les grands n'en chevissent point… d'idées.
– N'en chevissent point… quel est ce diable de mot-là?
– Un honnête vieux mot, monsieur, qui veut dire manquer; Molière l'emploie souvent.
– Comment, Molière? – dit le comte surpris; – vous lisez Molière, mon cher? En effet, je remarquais tout à l'heure, à part moi, que vous vous serviez souvent du vieux langage.
– Je m'en vas vous dire pourquoi cela, monsieur: quand j'ai vu que vous me parliez environ comme don Juan parle à monsieur Dimanche, ou Dorante à monsieur Jourdain…
– Qu'est-ce à dire? – s'écria M. de Plouernel de plus en plus surpris, et commençant à se douter que le marchand n'était pas si simple qu'il paraissait, – que signifie cela?
– …Alors, moi, – poursuivit M. Lebrenn avec sa bonhomie narquoise – alors, moi, afin de correspondre à l'honneur que vous me faisiez, monsieur, j'ai pris à mon tour le langage de monsieur Dimanche ou de monsieur Jourdain… pardon de la liberté grande… Mais, pour revenir à mon idée… m'est avis, selon mon petit jugement, monsieur, m'est avis que vous ne seriez pas fâché de prendre ma fille pour maîtresse…
– Comment! – s'écria le comte tout à fait décontenancé par cette brusque apostrophe; – je ne sais pas… je ne comprends pas ce que vous СКАЧАТЬ