Название: La coucaratcha. II
Автор: Эжен Сю
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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– «J'en suis le commandant, lui dis-je.
– «Alors, capitaine, je n'aurai pas la peine de nager jusqu'à votre navire, voici pour vous seul, – et il décrocha de son col une petite boîte de plomb qu'il me donna d'une main, tandis qu'il s'appuyait de l'autre sur le gouvernail de mon embarcation, restant ainsi soutenu à fleur d'eau sans nager, – je cassai la boîte avec la lame de mon poignard et je lus… Savez-vous ce que c'était?..
– Non, mon cher Wolf…
– «Un nouvel ordre de l'amiral qui m'enjoignait de mettre à la voile, non plus le lendemain comme l'autre, – mais à l'instant que je recevrais sa missive. – La vitesse de ma goëlette était connue, et il m'ordonnait de me rendre immédiatement auprès de lui pour remplir une mission de la dernière importance; j'avais, me mandait-il, encore le temps de sortir du port; mais le lendemain, mais la nuit, mais le soir même, mais d'heure en heure cela me deviendrait peut-être impossible; car les Français devaient venir croiser devant Porto-Venere!.. Ils y croisaient peut-être déjà, – Aussi dans cette crainte, l'amiral m'envoyait d'Especia, son patron, homme sûr, à lui dévoué, lui ordonnant de laisser son canot le long des rochers en dehors de la passe et d'entrer à la nage dans la rade, s'il le pouvait, afin que son embarcation ne donnât pas l'éveil à l'ennemi, dans le cas où il aurait déjà établi sa croisière aux environs du port.
«Enfin ce patron maudit avait réussi à exécuter les ordres de son amiral et il était là une main appuyée sur le gouvernail de ma yole, fixant sur moi ses yeux gris, et me disant:
– «Puisque nous allons partir, capitaine, voulez-vous me prendre avec vous, l'amiral m'a ordonné de revenir à bord de votre goëlette si j'échappais aux requins et aux Français, et de vous recommander encore de partir aussitôt que je vous aurais remis cette babiole qui me pesait furieusement au col. – J'ai échappé aux Français, non sans peine; car j'ai vu au vent une frégate et un brick, et pour peu que nous ne filions pas nos câbles par le bout, d'ici à une demi-heure… il sera trop tard, capitaine.»
– Mille diables, et… Pépa? dis-je à Wolf.
§ III.
SUITE DU RÉCIT
Il changeait de visage. – Il sentait ses veines brûler, sa poitrine s'embraser et ses pieds se glacer. La parole expirait dans sa bouche, la pensée dans son cerveau, il résista un moment.
– Mais Pépa, Pépa? – demandai-je encore à mon ami Wolf.
– «Attendez, me répond-il. – Puisque je suis comme à confesse, il faut que je vous dise tout ce qui me passa par la tête dans ce moment diabolique, – et je ne sais pas comment cela se fait, – mais je me rappelle toutes ces idées d'alors, comme si c'était hier. – C'est peut être parce que j'y pense souvent, – voyez-vous, ajouta Wolf après un moment de sombre silence.
« – D'abord la première pensée qui me vint, celle qui fut la base de toutes les autres – fut que je ne partirais pas, – après quoi je pensai que je serais naturellement fusillé net; – ce qui m'était égal, puisque le matin j'étais décidé à me fusiller moi-même si je n'obtenais rien de Pépa. – La question n'était pas là, – elle était dans cet infernal patron de l'amiral. – Il ne fallait pas songer à corrompre ce matelot, – je le connaissais. – Or, lors-même que je refuserais à partir, cet homme allait retourner à mon bord – parler des ordres que je venais de recevoir; et peut-être qu'une fois que mon second et mes officiers en seraient instruits: – de gré ou de force je me verrais obligé de partir… Or vous concevez ce que signifiait pour moi, ce mot, – partir. – Maintenant que vous connaissez Pépa…»
– Je le conçois si bien, dis-je à mon ami Wolf… que je n'ai qu'un regret… – on peut dire cela entre soi… – c'est que votre animal de patron n'ait pas été dévoré par un requin, – ajoutai-je tout bas…
«Vraiment… – me dit Wolf avec un accent singulier. – Pardieu je pensai tout juste comme vous… moi! – quel dommage! me disais-je! comme vous, – car enfin un requin eût dévoré ce patron, je suppose… – eh bien! je n'avais pas de nouvelles de l'amiral, – et je n'étais obligé qu'à partir le lendemain au risque, il est vrai, de rencontrer l'ennemi, mais aussi j'avais ma nuit à moi… une nuit de délices, – et demain au point du jour… – un dernier baiser à Pépa, – et peut-être un combat acharné à soutenir, – un combat enivrant, glorieux comme un combat inégal, concevez-vous… Sortant des bras de Pépa, – un pareil combat où j'aurais joué ma vie avec tant de bonheur et de joie; un combat qui avec cette nuit d'ivresse eût si bien complété ou fini ma vie…»
– C'était admirable en effet… dis-je à Wolf… et sans ce misérable patron…
« – Ah voilà, c'était ce maudit patron, répondit Wolf; – mais j'oubliais de vous dire, ajouta-t-il, – que pendant l'instant qui me suffit pour faire ces mille réflexions sur les ordres de l'amiral, – j'oubliais de vous dire que ma yole n'étant plus soutenue par la voile avait suivi un courant assez fort et qu'elle se dirigeait insensiblement vers un endroit de la rade, rendu extrêmement dangereux par un de ces tourbillons volcaniques si fréquents dans la Méditerranée… et que je fus tiré de ma méditation par un cri du patron… qui ne se défiant de rien, suivant mon canot, auquel il se tenait sans nager, s'était senti tout à coup entraîner par le remous du tourbillon, avait lâché le gouvernail… et tournoyait, au milieu du gouffre… en criant, – jetez-moi un aviron ou je me noie…»
– Je ne pus dire un mot, – et je regardai Wolf en pâlissant, il était impassible et froid.
– Wolf continua d'une voix seulement un peu sourde.
« – Je dois vous avouer que si j'avais suivi mon premier mouvement, j'aurais jeté ma gaffe à cet homme pour lui sauver la vie.»
– Mais le second… Wolf… m'écriai-je… quel fut votre second mouvement.
« – Mon second mouvement, répondit Wolf, —fut de n'en rien faire et de voir, au contraire, cette mort avec joie. – Aussi le patron disparut en m'appelant: —assassin; il avait raison, car sa vie avait été entre mes mains, – et il m'eût été aussi facile de le sauver, – que de boucler mon ceinturon…»
– Je me levai violemment… mais Wolf me retint et me dit en souriant avec amertume.
« – Je vous l'avais bien dit… que j'étais un misérable. Mais, vous, l'homme aux scrupules, descendez dans votre âme intime… tout au fond… déroulez un de ces plis secrets et cachés que l'homme de sang-froid ose à peine interroger… acceptez toutes les chances de ma position, toute l'ivresse de mon amour forcené, auquel j'avais fait le sacrifice de ma vie; – persuadez-vous bien que l'impunité la plus entière m'était assurée, qu'un mystère profond… profond comme le gouffre sans fin qui avait englouti le patron enveloppait mon crime… qui après tout n'était qu'un déni d'humanité; dites-vous bien que le hasard seul avait tout fait, – que je ne connaissais pas cet homme, moi; dites-vous d'ailleurs ces mots devant lesquels se briseraient des vertus bien rudes: —Personne ne pouvait le savoir– car souvent la vertu c'est la peur du scandale; – dites-vous enfin tout ce que je pouvais me dire de consolant dans ma fatale position. – Songez surtout que j'aimais avec fureur, – songez à ce que j'avais été sur le point de perdre et à ce que la mort de cet homme pouvait me rendre… – Une nuit avec Pépa!!! – Et après cela osez me jurer par votre mère que СКАЧАТЬ