Les beaux messieurs de Bois-Doré. Жорж Санд
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Adamas se tut brusquement en voyant le marquis profondément absorbé devant le chien d'étoupe, tandis qu'une grosse larme creusait un sillon dans le fard de sa joue.

      – J'ai fait quelque sottise! s'écria le vieux serviteur. Pour Dieu, mon bon cher maître, d'où vient que vous pleurez?

      – Je ne sais… un moment de faiblesse! dit le marquis en s'essuyant de son mouchoir parfumé, où s'imprima une notable partie des roses de son teint; j'ai cru reconnaître ce jouet, et, si je ne me trompe, c'est là une relique qu'il ne faut point donner, Adamas!.. Cela vient de mon pauvre frère!

      – Vraiment, monsieur? Ah! je ne suis qu'un sot! J'aurais dû m'en aviser. J'ai pensé, moi, que cela vous avait amusé quand vous étiez petit enfant.

      – Non! quand j'étais petit enfant, je n'avais point de jouets. C'était un temps de guerre et de tristesse en ce pays; mon père était un homme terrible et me faisait voir, pour récréation, des carcans, des chaînes, des paysans sur le chevalet et des prisonniers pendus aux ormes du parc… Plus tard, beaucoup plus tard, il eut une seconde femme et un second fils.

      – Je le sais bien, monsieur; le jeune monsieur Florimond, que vous avez tant aimé! La fleur des gentilshommes, bien certainement! Disparu d'une si étrange manière!

      – Je l'aimais plus que je ne saurais le dira, Adamas! non point tant pour les rapports que nous eûmes ensemble quand il eut âge d'homme, puisque alors nous suivions des partis différents, et que nous nous rencontrions bien peu, le temps seulement de nous embrasser et de nous dire que nous étions amis et frères quand même, mais pour les gentillesses de son enfance, dont, comme je te l'ai conté, j'eus occasion de prendre soin et garde en une absence de mon père qui dura environ un an. La seconde femme de celui-ci était morte, et le pays fort inquiété. Je savais mon père haï des calvinistes, et je crus devoir apporter protection, ici, à ce pauvre enfant que je ne connaissais point, et qui se mit à me chérir comme s'il eût compris l'injustice de notre père envers moi. Il était doux et beau comme ce petit Mario qui est céans. Il n'avait ni parents ni amis autour de lui, pour ce qu'en ce temps les uns mouraient de peste et les autres de peur. Il fût mort aussi, faute de soins et de gaîté, si je ne l'eusse pris en si grande attache, que je jouais avec lui des jours entiers. C'est moi qui lui apportai ces jouets-ci, et j'ai quelque raison de m'en ressouvenir, à présent que j'y songe, car ils faillirent me coûter cher.

      – Contez-moi ça, monsieur; ça vous distraira.

      – Je le veux bien, Adamas. C'était en quinze cent… n'importe la date!

      – Sans doute, sans doute, monsieur, la date n'y fait rien.

      – Mon cher petit Florimond s'ennuyait de ne point sortir, et je n'osais l'exposer dehors, à cause qu'il passait des bandes de tous les partis, qui tuaient tout et ne connaissaient point d'amis. Je m'avisai d'une amusette qui m'avait bien tenté dans ma propre enfance.

      »J'avais vu, au château de Sarzay, beaucoup de ces animaux d'étoupe et d'autres babioles dont se jouaient les petits Barbançois. Les seigneurs de Barbançois, qui ont possédé ce fief de Sarzay de père en fils, depuis longues années, étaient des plus enragés contre les pauvres calvinistes, et, à cette époque-là, ils étaient à Issoudun, faisant pendre et brûler tant qu'ils pouvaient. En leur absence, le manoir de Sarzay n'était pas trop bien gardé. Le pays d'alentour étant tout dévoué aux catholiques et à M. de la Châtre, on ne se méfiait point de moi qui étais trop seul et trop pauvre pour rien entreprendre.

      »Je m'imaginai d'y pénétrer sous un prétexte et d'y faire main basse sur les joujoux, à moins que quelque valet ne m'en voulût vendre, car il n'en fallait pas chercher ailleurs. C'était marchandise de luxe, et que l'on ne débitait point dans les petits endroits.

      »Je me présente donc hardiment, comme venant de la part de mon père, et je demande l'entrée du château comme pour parler à la nourrice des jeunes gens, qui, lors, étaient déjà à cheval, comme moi, et battant le pays. J'entre, je m'explique, et la nourrice me reçoit mal.

      »Elle savait que j'avais déjà guerroyé pour les calvinistes et que mon père ne m'aimait point; mais l'argent l'adoucit: elle monte en une chambre haute et m'apporte ce que les enfants, devenus grands, avaient laissé de moins endommagé.

      »Me voilà donc parti avec un cheval, un chien, une citadelle, six canons, un chariot et beaucoup de petite vaisselle de fer, le tout dans un grand panier couvert d'une toile, que j'avais attaché derrière moi sur mon cheval. J'en avais jusqu'aux épaules, et, tout en sortant de la cour de Sarzay, j'entendais les valets rire du haut des croisées, et se dire entre eux:

      » – C'est un grand innocent, et, si nous n'avons jamais maille à partir avec d'autres réformés, nous en aurons vite bon marché.

      »Quelques-uns avaient bien envie de m'envoyer quelque peu d'arquebusade; mais j'en fus quitte pour la peur.

      »Je piquai des deux avec mon bataclan, qui me sonnait au derrière comme la ferraille d'un chaudronnier du Limousin.

      »Cependant, tout allait bien, et je m'en revenais tranquillement par la traverse, pour ne point passer dans cet équipage par la ville de La Châtre; mais j'eus à passer la Couarde, sur le pont du chemin d'Aigurande, et c'est alors que je me trouvai en face d'une bande de dix à douze reîtres qui se dirigeaient vers la ville.

      »Ce n'étaient que des maraudeurs; mais ils avaient avec eux un des plus méchants partisans de ce temps-là, un certain drôle dont le père ou l'oncle avait le commandement de la grosse tour de Bourges, et se faisait appeler le capitaine Macabre.

      »Ce garçon, qui était à peu près de mon âge, mais qui était déjà vieux en malice, servait de guide à tous les pillards qui voulaient bien lui laisser faire sa main avec eux. Je l'avais quelquefois rencontré, et il savait bien que, m'étant battu pour les calvinistes, je ne devais point être traité en ennemi par ces Allemands. Mais, à voir mon chargement, il me crut de bonne prise, et, se donnant un air de capitan, il me commanda de mettre pied à terre et de livrer cheval et bagage à ses gens, qui s'intitulaient, pour lors, cavaliers du duc d'Alençon.

      »Comme ils ne savaient pas un mot de français, et que le fils Macabre leur servait de truchement, il eût été bien inutile de vouloir parlementer. Sachant à qui j'avais affaire, et qu'après m'être soumis et laissé démonter, je serais bien battu et peut-être arquebusé, par manière de passe-temps, comme c'était assez la coutume des maraudeurs, je risquai le tout pour le tout.

      »J'allongeai, de la botte et de l'étrier tout ensemble un grand coup de pied dans l'estomac du Macabre, qui était déjà descendu pour me jeter bas, et l'étendis tout à plat sur le dos, jurant comme quarante diables.

      – Et bien vous fîtes, monsieur! s'écria Adamas enthousiasmé.

      – Les autres, poursuivit Bois-Doré, s'attendaient si peu à voir un blanc-bec comme j'étais faire pareille chose au milieu d'eux, tous vieux routiers armés jusqu'aux dents, qu'ils se mirent à rire; de quoi je profitai pour filer comme un trait d'arbalète; mais, leur étonnement passé, ils m'envoyèrent une grêle de prunes allemandes, que l'on appelait dans ce temps-là des prunes de Monsieur, à cause que ces Allemands servaient les desseins de Monsieur, frère du roi, contre les troupes de la reine mère.

      »Le sort voulut qu'aucune balle ne m'atteignit, et, grâce à ma bonne jument Brandine, qui m'emporta dans les chemins creux et tortus de la Couarde, je rentrai sain et sauf au logis. Grande fut la joie de mon petit frère en me voyant déballer toutes ces bamboches.

      » – Mon mignon, lui dis-je en lui donnant la citadelle, СКАЧАТЬ