NYM. – Tiens, pour te parler clair et net, je te couperai la gorge un de ces jours, et voilà le plaisant de la chose!
PISTOL. – Couper la gorge? Dis-tu! Je t'en défie mille fois, mâtin de Crète. Crois-tu t'emparer de ma femme? Oh, non! va-t'en au tonneau de l'infamie retirer ton gibier d'hôpital de la famille de Cresside qu'on appelle Doll-tear-Sheet; et épouse-la. Pour moi, j'ai et j'aurai ma chère quondam Quickly pour femme, et pauca, voilà tout.
LE PAGE. – Mon cher hôte Pistol, accourez donc bien vite chez mon maître, et vous aussi, l'hôtesse, il est bien mal et au lit. Toi, mon bon Bardolph, viens fourrer ta figure entre ses draps, pour lui servir de bassinoire. Sur ma foi, il est bien malade.
BARDOLPH. – Veux-tu courir, petit coquin!
QUICKLY. – Par ma foi, je ne lui donne pas beaucoup de jours encore, avant qu'il aille apprêter un splendide repas aux corbeaux. Le roi l'a frappé au coeur. Oh, ça! mon mari, ne tarde pas à me suivre.
BARDOLPH. – Allons, vous raccommoderai-je à présent tous les deux? Tenez, il faut que nous allions voir la France tous ensemble. Pourquoi diable avoir des couteaux pour se couper la gorge les uns aux autres?
PISTOL. – Laissons d'abord les eaux se déborder, et les diables hurler après leur pâture.
NYM. – Vous me payerez les huit schellings que je vous ai gagnés l'autre jour à un pari?
PISTOL. – Fi! il n'y a que la canaille qui paye.
NYM. – Oh! pour cela, je ne le passerai pas, par exemple; et voilà le plaisant de la chose!
PISTOL. – Il faudra voir qui des deux est le plus brave. Allons, tire à fond.
BARDOLPH. – Par l'épée que je tiens, celui qui porte la première botte, je le tue: oui, par cette épée, je le ferai comme je le dis.
PISTOL. – Diable! l'épée vaut un serment, et les serments doivent être respectés.
BARDOLPH. – Caporal Nym, veux-tu te réconcilier, être bons amis, ou ne le veux-tu pas? Eh bien, soyez donc ennemis avec moi aussi. – Je t'en prie, mon ami, rengaine.
NYM. – Je veux avoir mes huit schellings que j'ai gagnés à un pari.
PISTOL. – Eh bien, je te donnerai un noble 9 comptant, et je te payerai encore à boire: l'amitié et la fraternité régneront dorénavant entre nous: je vivrai par Nym, et Nym vivra par moi. Cela n'est-il pas juste? Car je serai vivandier dans le camp, et nos profits croîtront. Donne-moi ta main.
NYM. – Moi, je veux mon noble.
PISTOL. – Tu l'auras comptant.
NYM. – Allons donc, soit: et voilà le plaisant de la chose!
QUICKLY. – Aussi vrai comme ce sont des femmes qui vous ont mis au monde… Oh! accourez bien vite chez sir John: ah! le pauvre coeur! Il a été si bien secoué d'une fièvre tierce quotidienne, qu'il fait pitié à voir. Mes chers bons amis, venez donc chez lui.
NYM. – Le roi a fait tomber sur lui la mauvaise humeur; voilà le vrai de l'histoire!
PISTOL. – Nym, tu as dit la vérité; il a le coeur fracturé et corroboré.
NYM. – Le roi est un bon roi; enfin, on en dira ce qu'on voudra, il a ses humeurs aussi.
PISTOL. – Allons consoler le pauvre baron; car, parbleu! nous n'avons pas envie de mourir, mes agneaux.
SCÈNE II
BEDFORD. – J'en atteste Dieu; le roi est bien hardi de se confier à ces traîtres.
EXETER. – Ils ne tarderont pas à être arrêtés.
WESTMORELAND. – Quelle douceur et quel calme ils affectent! On dirait que la fidélité repose dans leurs coeurs, entre l'obéissance et la parfaite loyauté.
BEDFORD. – Le roi est instruit de tous leurs complots par des avis interceptés, ce dont ils ne se doutent guère.
EXETER. – Quoi! l'homme qui était son camarade de lit 10, qu'il avait enrichi et comblé de faveurs dignes des princes, a-t-il pu ainsi, pour une bourse d'or étranger, vendre la vie de son souverain à la trahison et à la mort!
LE ROI. – Maintenant les vents sont favorables, et nous allons nous embarquer. – Milord de Cambridge, et vous, mon cher lord de Marsham, et vous, brave chevalier, faites-moi part de vos pensées. N'espérez-vous pas que l'armée qui nous suit sur nos vaisseaux s'ouvrira un passage au travers de la France, et exécutera l'entreprise pour laquelle nous l'avons rassemblée?
SCROOP. – Rien n'est plus sûr, mon souverain, si chacun fait son devoir.
LE ROI. – Je n'en doute point: nous sommes bien persuadés que nous n'emmenons pas de cette île un coeur qui ne soit de la plus parfaite intelligence avec le nôtre, et que nous n'en laissons pas un seul derrière nous qui ne fasse des voeux pour que le succès et la conquête suivent nos pas.
CAMBRIDGE. – Jamais monarque ne fut plus aimé et plus redouté que ne l'est Votre Majesté, et je ne crois pas qu'il y ait un sujet dont le coeur soit chagrin et mécontent, sous l'ombre propice de votre gouvernement.
GREY. – C'est vrai, ceux-là même qui furent les ennemis de votre père ont changé leur fiel en miel; ils vous servent avec des coeurs remplis de soumission et de zèle.
LE ROI. – Nous avons donc de grands motifs de reconnaissance, et nous oublierons l'usage de cette main avant d'oublier de récompenser le mérite et les services, suivant leur étendue et leur importance.
SCROOP. – C'est le moyen de prêter au zèle des muscles d'acier, et le travail se réparera avec l'espérance de vous rendre des services continuels.
LE ROI. – Nous n'attendons pas moins. – Mon oncle Exeter, faites élargir cet homme emprisonné d'hier, qui déclamait contre nous. Nous croyons que c'était l'excès du vin qui le poussait à cette licence; à présent que ses sens refroidis l'ont rendu plus calme, nous lui pardonnons.
SCROOP. – C'est un acte de clémence; mais c'est aussi un excès de sécurité. Qu'il soit puni, mon souverain; il est à craindre que votre indulgence et l'exemple de son impunité n'enfantent que des coupables.
LE ROI. – Ah! laissez-nous exercer la clémence.
CAMBRIDGE. – Votre Majesté peut l'exercer, et cependant punir aussi.
GREY. – Prince, ce sera montrer encore une assez grande clémence, si vous lui faites don de la vie, après lui avoir fait subir un sévère châtiment.
LE СКАЧАТЬ
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Le lord Scroop était tellement en faveur auprès du roi, que celui-ci l'admettait quelquefois à partager son lit, dit Hollinshed. Ce titre familier de