Les compagnons de Jéhu. Dumas Alexandre
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Название: Les compagnons de Jéhu

Автор: Dumas Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et soeur Amélie attendent pour déjeuner milord et toi.

      Puis, s'attachant à la main droite de l'Anglais, il lui regarda attentivement la première phalange du pouce, de l'index et de lannulaire.

      – Que regardez-vous, mon jeune ami? demanda sir John.

      – Je regarde si vous avez de l'encre aux doigts.

      – Et si j'avais de l'encre aux doigts, que voudrait dire cette encre?

      – Que vous auriez écrit en Angleterre. Vous auriez demandé mes pistolets et mon sabre.

      – Non, je n'ai pas écrit, dit sir John; mais j'écrirai aujourd'hui.

      – Tu entends, grand frère Roland? j'aurai dans quinze jours mes pistolets et mon sabre!

      Et l'enfant, tout joyeux, présenta ses joues roses et fermes au baiser de sir John, qui lembrassa aussi tendrement que leût fait un père.

      Puis tous trois descendirent dans la salle à manger, où les attendaient Amélie et madame de Montrevel.

      XII – LES PLAISIRS DE LA PROVINCE

      Le même jour, Roland mit une partie du projet arrêté à exécution: il emmena sir John voir l'église de Brou.

      Ceux qui ont vu la charmante petite chapelle de Brou savent que c'est une des cent merveilles de la Renaissance; ceux qui ne l'ont pas vue lont entendu dire.

      Roland, qui comptait faire à sir John les honneurs de son bijou historique, et qui ne l'avait pas vu depuis sept ou huit ans, fut fort désappointé quand, en arrivant devant la façade, il trouva les niches des saints vides et les figurines du portail décapitées.

      Il demanda le sacristain; on lui rit au nez: il n'y avait plus de sacristain.

      Il s'informa à qui il devait s'adresser pour avoir les clefs: on lui répondit que c'était au capitaine de la gendarmerie.

      Le capitaine de la gendarmerie n'était pas loin; le cloître attenant à léglise avait été converti en caserne.

      Roland monta à la chambre du capitaine, se fit reconnaître pour aide de camp de Bonaparte. Le capitaine, avec lobéissance passive d'un inférieur pour son supérieur, lui remit les clefs et le suivit par derrière.

      Sir John attendait devant le porche, admirant, malgré les mutilations qu'ils avaient subies, les admirables détails de la façade.

      Roland ouvrit la porte et recula d'étonnement: léglise était littéralement bourrée de foin, comme un canon chargé jusqu'à la gueule.

      – Qu'est-ce que cela? demanda-t-il au capitaine de gendarmerie.

      – Mon officier, c'est une précaution de la municipalité.

      – Comment! une précaution de la municipalité?

      – Oui.

      – Dans quel but?

      – Celui de sauvegarder léglise. On allait la démolir; mais le maire a décrété qu'en expiation du culte d'erreur auquel elle avait servi, elle serait convertie en magasin à fourrages.

      Roland éclata de rire, et, se retournant vers sir John:

      – Mon cher lord, dit-il, l'église était curieuse à voir; mais je crois que ce que monsieur nous raconte là est non moins curieux. Vous trouverez toujours, soit à Strasbourg, soit à Cologne, soit à Milan, une chapelle ou un dôme qui vaudront la chapelle de Brou; mais vous ne trouverez pas toujours des administrateurs assez bêtes pour vouloir démolir un chef-d'oeuvre, et un maire assez spirituel pour en faire une église à fourrages. Mille remerciements, capitaine; voilà vos clefs.

      – Comme je le disais à Avignon, la première fois que j'eus l'honneur de vous voir, mon cher Roland, répliqua sir John, c'est un peuple bien amusant que le peuple français.

      – Cette fois, milord, vous êtes trop poli, répondit Roland: c'est bien idiot qu'il faut dire; écoutez: je comprends les cataclysmes politiques qui ont bouleversé notre société depuis mille ans; je comprends les communes, les pastoureaux, la Jacquerie, les maillotins, la Saint-Barthélemy, la Ligue, la Fronde, les dragonnades, la Révolution; je comprends le 14 juillet, les 5 et 6 octobre, le 20 juin, le 10 août, les 2 et 3 septembre, le 21 janvier, le 31 mai, les 30 octobre et 9 thermidor; je comprends la torche des guerres civiles avec son feu grégeois qui se rallume dans le sang au lieu de séteindre; je comprends la marée des révolutions qui monte toujours avec son flux que rien n'arrête, et son reflux qui roule les débris des institutions que son flux a renversées; je comprends tout cela, mais lance contre lance, épée contre épée, hommes contre hommes, peuple contre peuple! Je comprends la colère mortelle des vainqueurs, je comprends les réactions sanglantes des vaincus; je comprends les volcans politiques qui grondent dans les entrailles du globe, qui secouent la terre, qui renversent les trônes, qui culbutent les monarchies, qui font rouler têtes et couronnes sur les échafauds… mais ce que je ne comprends pas, c'est la mutilation du granit, la mise hors la loi des monuments, la destruction de choses inanimées qui n'appartiennent ni à ceux qui les détruisent, ni à l'époque qui les détruit; c'est la mise au pilon de cette bibliothèque gigantesque où lantiquaire peut lire l'histoire archéologique d'un pays. Oh! les vandales et les barbares! mieux que tout cela, les idiots! qui se vengent sur des pierres des crimes de Borgia et des débauches de Louis XV! Qu'ils connaissaient bien l'homme pour l'animal le plus pervers, le plus destructif, le plus malfaisant de tous, ces Pharaons, ces Ménès, ces Chéops, ces Osymandias qui faisaient bâtir des pyramides, non pas avec des rinceaux de guipure et des jubés de dentelle, mais avec des blocs de granit de cinquante pieds de long! Ils ont bien dû rire au fond de leurs sépulcres quand ils ont vu le temps y user sa faux et les pachas y retourner leurs ongles. Bâtissons des pyramides, mon cher lord: ce n'est pas difficile comme architecture, ce n'est pas beau comme art; mais c'est solide, et cela permet à un général de dire au bout de quatre mille ans: «Soldats, du haut de ces monuments, quarante siècles vous contemplent!» Tenez, ma parole d'honneur, mon cher lord, je voudrais rencontrer dans ce moment-ci un moulin à vent pour lui chercher querelle.

      Et Roland, éclatant de son rire habituel, entraîna sir John dans la direction du château.

      Sir John l'arrêta.

      – Oh! dit-il, n'y avait-il donc à voir dans toute la ville que l'église de Brou?

      – Autrefois, mon cher lord, répondit Roland, avant qu'elle fût convertie en magasin à fourrages, je vous eusse offert de descendre avec moi dans les caveaux des ducs de Savoie; nous eussions cherché ensemble un passage souterrain qu'on dit exister, qui a près d'une lieue de long, et qui communique, à ce que l'on assure, avec la grotte de Ceyzeriat – remarquez bien que je n'aurais pas proposé une pareille partie de plaisir à un autre qu'un Anglais – c'était rentrer dans les Mystères d'Udolphe, de la célèbre Anne Radcliffe; mais vous voyez que c'est impossible. Allons, il faut en faire notre deuil, venez.

      – Et où allons-nous?

      – Ma foi, je n'en sais rien; il y a dix ans, je vous eusse mené vers les établissements où l'on engraissait les poulardes. Les poulardes de Bresse, vous le savez, avaient une réputation européenne; Bourg était une succursale de la grande rue de Strasbourg. Mais, pendant la Terreur, vous comprenez bien que les engraisseurs ont fermé boutique; on était réputé aristocrate pour avoir mangé de la poularde, et vous connaissez le refrain fraternel: Ah! ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne!_ _Après la chute СКАЧАТЬ