Micah Clarke – Tome I. Les recrues de Monmouth. Артур Конан Дойл
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Micah Clarke – Tome I. Les recrues de Monmouth - Артур Конан Дойл страница 11

СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Aux grands jours, il nous invitait à dîner cher lui et nous régalait d'un hachis, d'un salmigondis, ou de quelque plat étranger, du pilau, une olla podrida, du poisson grillé comme on le fait aux Açores, car il s'entendait merveilleusement à la cuisine et savait préparer les plats favoris de toutes les nations.

      Et pendant tout le temps que nous passions en sa compagnie, il nous contait les histoires les plus extraordinaires au sujet du Prince Rupert, sous lequel il avait servi, comment il lançait de la poupe l'ordre à son escadre de faire volte-face ou de charger, suivant la circonstance, comme s'il commandait encore son régiment de cavalerie.

      Il avait aussi bien des histoires au sujet de Blake. Mais le nom de Blake lui-même n'était pas aussi cher à nos marins de jadis que celui de Sir Christophe Mings.

      Salomon avait été quelque temps son maître d'équipage, et en savait, à n'en plus finir, sur les vaillants exploits par lesquels il s'était distingué depuis le jour où il était entré dans la marine comme mousse du poste, jusqu'à celui où il tomba sur le pont de son navire avec le grade d'amiral des Rouges, et fut porté en terre par son équipage en pleurs dans le cimetière de Chatham.

      – S'il est bien vrai qu'il y a là-haut une mer de jaspe, disait le vieux marin, je parie que sir Christophe aura soin d'y faire respecter comme il faut le pavillon anglais, et que les étrangers ne viendront pas nous narguer. J'ai servi sous ses ordres dans ce monde, et je ne demande rien de plus que d'être son maître d'équipage dans l'autre, si par hasard l'emploi se trouvait vacant.

      Ces réminiscences aboutissaient toujours à la préparation d'un nouveau bol de punch, que l'on vidait solennellement en mémoire du défunt.

      Si animés que fussent les récits de Salomon Sprent à propos de ses anciens chefs, ils ne nous faisaient pas autant d'effet que quand, après son second ou son troisième verre, s'ouvraient les écluses de ses souvenirs.

      Alors c'étaient de longues histoires sur les pays qu'il avait visités, sur les peuples qu'il avait vus.

      Appuyés aux dossiers de nos chaises, le menton dans notre main, nous, les adolescents, nous restions là pendant des heures, les yeux fixés sur le vieil aventurier, buvant ses paroles, pendant que, flatté de l'intérêt qu'il excitait, il tirait de sa pipe de lentes bouffées, et déroulait un à un les récits des choses qu'il avait vues ou faites.

      En ce temps-là, mes chers enfants, il n'y avait pas un Defoe pour nous raconter les merveilles de l'univers, pas de Spectateur à notre portée sur la table du déjeuner, pas de Gulliver pour contenter notre amour des aventures en nous parlant d'aventures qui n'avaient point eu lieu.

      Il se passait plus d'un mois sans qu'une Feuille de Nouvelles tombât entre nos mains.

      Les relations fortuites avaient donc une importance plus grande qu'elles n'en ont de nos jours, et la conversation d'un homme, tel que le vieux Salomon, était à elle seule une bibliothèque.

      Pour nous, tout cela était réel.

      Sa voix enrouée, ses mots mal choisis, étaient comme la voix d'un ange, et nos esprits alertes ajoutaient les détails et comblaient les lacunes des récits.

      En une soirée, nous avons fait franchir à un corsaire de Sallee les Colonnes d'Hercule, nous avons louvoyé le long des côtes du continent africain, nous avons vu les grandes vagues de la mer espagnole se briser sur les sables jaunes, nous avons dépassé les nègres marchands d'ivoire avec leurs cargaisons humaines, nous avons tenu tête aux terribles ouragans qui soufflent constamment autour du Cap de Bonne-Espérance; et pour finir, nous avons fait voile sur le vaste Océan qui s'étend au-delà parmi les îles de corail couvertes de palmiers, avec la certitude que les royaumes du Prêtre Jean commencent quelque part de l'autre côté de la brume dorée qui s'entrevoit à l'horizon.

      Après un vol de cette étendue, lorsque nous revenions à notre village du Hampshire, parmi les monotones réalités de la vie champêtre, nous nous sentions comme des oiseaux sauvages que l'oiseleur a pris au piège et enfermés brusquement dans d'étroites cages.

      C'était alors que me revenaient à la pensée les paroles de mon père: «Un jour vous sentirez que vos ailes ont poussé» et cela me jetait dans des dispositions si inquiètes, que tous les sages propos de Zacharie Palmer étaient impuissants à me calmer.

      IV-Sur le poisson étrange que nous primes à Spithead

      Un soir de mai 1685, vers la fin de la première semaine du mois, mon ami Ruben Lockarby et moi nous empruntâmes le bateau de plaisance de Ned Marley, et nous allâmes pêcher hors de la baie de Langston.

      J'avais alors bien près de vingt et un ans, et mon camarade était d'un an plus jeune que moi.

      Nous étions devenus des amis très intimes, grâce à une estime réciproque; car n'ayant pas atteint toute sa croissance, il était fier de ma force et de ma taille, tandis que moi, avec mes dispositions mélancoliques et mon esprit un peu lourd, je me plaisais à l'énergie et à l'humeur joviale qui ne l'abandonnaient jamais, et à l'esprit qui brillait avec l'éclat inoffensif d'un éclair d'été dans tout ce qu'il disait.

      Physiquement, il était petit et gros avec la figure ronde, les joues colorées, et à dire vrai, assez porté à l'embonpoint, bien qu'il ne voulut avouer rien de plus qu'une agréable rondeur, ce qui d'après lui, était le dernier mot de la beauté chez les Anciens.

      La rude épreuve du danger et des privations communes m'autorisent à affirmer que nul n'eut jamais camarade plus attaché, plus sûr. Comme il était destiné à se trouver avec moi par la suite, il était fort à propos qu'il s'y trouvât aussi dans cette soirée de mai, qui fut le point de départ de nos aventures.

      On dépassa à force de rames les sables de Warner pour atteindre un endroit qui se trouvait à mi-chemin du Nab, et où d'ordinaire nous prenions du bar en quantité.

      Nous y jetâmes la grosse pierre qui nous servait d'ancre, et nous mîmes nos lignes en place.

      Le soleil, se couchant lentement derrière un banc de brouillards, avait paré tout le ciel d'occident de bandes écarlates sur lesquelles se détachaient en contours vaporeux et pourpres les cimes boisées de l'île de Wight.

      Une fraîche brise soufflait du sud-est et faisait aux longues vagues vertes des panaches d'écume, en répandant sur nos yeux et nos lèvres la sensation salée de l'embrun.

      Aux environs de la Pointe Sainte-Hélène, un vaisseau du Roi suivait le goulet, en même temps qu'un grand brick isolé qui virait de bord à un mille au plus de l'endroit où nous nous trouvions.

      Nous en étions si près que nous pouvons entrevoir les figures qui se mouvaient sur son pont, pendant qu'il donnait à la bande sous la brise.

      Nous entendions même le craquement de ses vergues, et le battement de ses voiles salies par des intempéries, au moment où il fut sur le point de reprendre sa route.

      – Regardez donc, Micah, dit mon compagnon, en levant les yeux de sa ligne, voilà un navire qui ne sait guère ce qu'il veut faire… un navire qui ne fera pas son chemin dans le monde. Voyez-vous cette attitude irrésolue sous le vent. Il ne sait s'il doit virer de bord ou aller de l'avant. C'est un courtisan des circonstances, un Lord Halifax de la mer.

      – Non, dis-je en regardant fixement, les yeux abrités sous ma main, c'est qu'il y a quelque accident à son bord. Il vacille comme s'il n'y avait personne à la barre. Sa grande vergue descend! Non, voilà qu'il se met en marche maintenant! СКАЧАТЬ