Название: David Copperfield – Tome I
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Je trouvais pourtant un peu dur, il faut que je l'avoue, de servir de point de mire aux plaisanteries continuelles du cocher et du conducteur, sur ce que mon poids faisait pencher la diligence d'un côté, ou que je ferais bien de voyager à l'avenir dans un fourgon. L'histoire de mon appétit supposé se répandit bientôt parmi les voyageurs de l'impériale qui s'en divertirent aussi infiniment; ils me demandèrent si, à la pension où j'allais, on devait payer pour moi comme pour deux seulement ou pour trois; si on avait fait des conditions particulières, ou bien si on me prenait au même prix que les autres enfants; avec une foule d'autres questions du même genre. Mais ce qu'il y avait de pis, c'est que je savais que, lorsque l'occasion se présenterait, je n'aurais pas le courage de manger la moindre chose, et qu'après avoir fait un assez pauvre dîner, j'allais me laisser affamer toute la nuit, car dans ma précipitation j'avais oublié mes gâteaux à l'hôtel. Mes craintes furent bientôt réalisées. Lorsqu'on s'arrêta pour souper, je ne pus jamais trouver la force de m'asseoir à la table d'hôte, et j'allai, fort à contre-coeur, me mettre dans un coin près de la cheminée, en disant que je n'avais besoin de rien. Cela ne me mit pourtant pas à l'abri de nouvelles plaisanteries, car un monsieur à la voix enrouée et au visage enluminé, qui n'avait cessé de manger des sandwiches que pour boire d'une bouteille qu'il ne quittait guère, fit observer que j'étais comme le boa constrictor, qui mangeait assez à un repas pour pouvoir rester ensuite plusieurs jours à jeun; après quoi, il se servit une énorme portion de boeuf bouilli.
Nous avions quitté Yarmouth à trois heures de l'après-midi, et nous devions arriver à Londres le lendemain matin à huit heures.
L'automne commençait, et la soirée était belle. Quand nous traversions un village, je cherchais à me représenter ce qui se passait dans l'intérieur des maisons, et ce que faisaient les habitants; puis quand les petits garçons se mettaient à courir pour grimper derrière la diligence, je me demandais s'ils avaient encore leurs pères, et s'ils étaient heureux chez eux. J'avais donc beaucoup de sujets de réflexion, sans compter que je songeais sans cesse à l'endroit de ma destination, triste sujet de méditation. Quelquefois aussi, je me le rappelle, je me laissais aller à penser à la maison de ma mère et à Peggotty; ou j'essayais confusément de me rappeler comment j'étais avant d'avoir mordu M. Murdstone, mais je ne pouvais jamais réussir, tant il me semblait que tout cela datait de l'antiquité la plus reculée.
La nuit ne fut pas aussi agréable que la soirée; il faisait froid. Comme on m'avait casé entre deux messieurs (celui qui avait la figure enluminée et un autre) de peur que je ne glissasse des banquettes, ils manquaient à chaque instant de m'étouffer en dormant et me tenaient comme dans un étau. J'étais parfois tellement écrasé que je ne pouvais m'empêcher de crier: «Oh! je vous en prie!» ce qui leur déplaisait fort, parce que cela les réveillait. En face de moi était assise une vieille dame avec un grand manteau de fourrure, qui avait l'air, dans l'obscurité, plutôt d'une meule de foin que d'une femme, tant elle était empaquetée. Cette dame avait un panier, et pendant longtemps elle n'avait su où le fourrer; elle découvrit enfin qu'elle pourrait le glisser sous mes jambes qui étaient très-courtes. Ce panier me mettait à la torture; il me cognait et me meurtrissait les jarrets; mais au moindre mouvement que je faisais, le verre contenu dans le panier allait se choquer contre un autre objet, et la vieille dame me donnait un terrible coup de pied, tout en disant:
«Allez-vous vous tenir tranquille! vous êtes bien peu endurant pour votre âge.»
Enfin, le soleil se leva, et mes compagnons de route eurent un sommeil moins agité. On ne saurait dépeindre toutes les angoisses qui les avaient oppressés durant la nuit, et qui se manifestaient par des ronflements épouvantables. À mesure que le soleil s'élevait à l'horizon, leur sommeil devenait moins profond, et peu à peu ils se réveillèrent tous l'un après l'autre. Je me souviens que je fus bien surpris de les voir tous soutenir qu'ils n'avaient pas dormi une minute, et repousser cette insinuation avec la plus vive indignation. J'en suis encore étonné à l'heure qu'il est, et je n'ai jamais pu m'expliquer comment, de toutes les faiblesses humaines, celle que nous sommes tous le moins disposés à confesser (je vous demande un peu pourquoi), c'est la faiblesse d'avoir pu dormir en voiture.
Je n'ai pas besoin de raconter ici quelle étrange ville me parut Londres lorsque je l'aperçus dans le lointain, ni comment je me figurais que les aventures de mes héros favoris se renouvelaient à chaque instant dans cette grande cité, pleine à mes yeux de plus de merveilles et de plus de crimes que toutes les villes de la terre. Nous arrivâmes enfin à un hôtel situé sur la paroisse de White-Chapel, où nous devions nous arrêter. J'ai oublié si c'était le Taureau-Bleu ou le Sanglier-Bleu, mais ce que je sais, c'est que c'était un animal bleu, et que cet animal était aussi représenté sur le derrière de la diligence.
Le conducteur fixa les yeux sur moi en descendant, et dit à la porte du bureau:
«Y a-t-il ici quelqu'un qui demande un jeune garçon inscrit au registre sous le nom de Murdstone, venant de Blunderstone, Suffolk, et qui était attendu? Qu'on le vienne réclamer.»
Personne ne répondit.
«Essayez de Copperfield, monsieur, je vous prie, dis-je en baissant piteusement les yeux.
– Y a-t-il ici quelqu'un qui demande un jeune garçon inscrit au registre sous le nom de Murdstone, venant de Blunderstone, Suffolk, mais qui répond au nom de Copperfield, et qui doit attendre qu'on le vienne réclamer? dit le conducteur. Parlez! y a- t-il quelqu'un?»
Non, il n'y avait personne. Je regardai avec inquiétude tout autour de moi, mais cette question répétée n'avait pas fait la moindre impression sur ceux qui étaient présents, sauf sur un homme à longues guêtres, qui n'avait qu'un oeil, et qui suggéra qu'on ferait bien de me mettre un collier de cuivre et de m'attacher à un poteau dans l'étable, comme aux chiens perdus. On plaça une échelle, et je descendis après la dame qui ressemblait à une meule de foin: je ne me permis de bouger que lorsqu'elle eut enlevé son panier. Tous les voyageurs eurent promptement quitté leurs places; on descendit tous les bagages, et les garçons d'écurie firent rentrer la diligence sous la remise. Et cependant personne ne paraissait pour réclamer l'enfant tout poudreux qui venait de Blunderstone, Suffolk.
Plus solitaire que Robinson Crusoé, qui du moins n'avait près de lui personne pour venir l'observer et remarquer qu'il était solitaire, j'entrai dans le bureau de la diligence, et sur l'invitation du commis, je passai derrière le comptoir, et je m'assis sur la balance où on pesait les bagages. Là, tandis que j'étais assis au milieu des paquets, des livres et des ballots, respirant le parfum des écuries (qui s'associera éternellement dans ma mémoire avec cette matinée), je fus assailli par une foule de réflexions toutes plus lugubres les unes que les autres. À supposer qu'on ne vint jamais me chercher, combien de temps consentirait-on à me garder là où j'étais? Me garderait-on assez longtemps pour qu'il ne me restât plus rien de mes sept shillings? Est-ce que je passerais la nuit dans un de ces compartimente en bois avec le reste des bagages? Faudrait-il me laver tous les matins à la pompe de la cour? Ou bien me renverrait-on tous les soirs et serais-je obligé de revenir tous les matins jusqu'à ce qu'on vînt me chercher? Et si ce n'était pas une erreur; si M. Murdstone avait inventé ce plan pour se débarrasser de moi, que deviendrais-je? Si on me permettait de rester là jusqu'à ce que j'eusse dépensé mes sept shillings, je ne pouvais toujours pas espérer d'y rester lorsque je commencerais à mourir de faim. Cela serait évidemment gênant et désagréable pour les pratiques, et de plus cela exposerait le je ne sais quoi bleu à avoir à payer les frais de mon enterrement. Si je me mettais immédiatement en route et que je tentasse de retourner chez ma mère, comment pourrais-je marcher jusque-là? Et d'ailleurs étais-je sûr d'être bien accueilli par d'autres que par Peggotty, lors même que je réussirais à arriver? Si j'allais m'offrir aux autorités voisines comme soldat ou comme marin, j'étais un si petit bonhomme qu'il était bien probable qu'on СКАЧАТЬ