David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс
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Читать онлайн книгу David Copperfield – Tome I - Чарльз Диккенс страница 17

СКАЧАТЬ ajouta miss Murdstone, qu'il faut lui rendre le livre et qu'il aille rapprendre sa leçon.

      – Oui, certainement, dit ma mère, c'est ce que je vais faire, ma chère Jane. Voyons Davy, recommence, et ne sois pas si stupide.»

      J'obéis à la première de ces injonctions, et je me remets à apprendre, mais je ne réussis pas en ce qui concerne la seconde, car je suis plus stupide que jamais. Je m'arrête avant d'arriver à l'endroit fatal, à un passage que je savais parfaitement tout à l'heure, et je me mets à réfléchir, mais ce n'est pas à ma leçon que je réfléchis. Je pense au nombre de mètres de tulle qu'on peut avoir employés au bonnet de miss Murdstone, ou bien au prix qu'a dû coûter la robe de chambre de M. Murdstone, ou à quelque autre problème absurde qui ne me regarde pas, et dont je n'aurai jamais que faire. M. Murdstone fait un geste d'impatience que j'attends depuis longtemps. Miss Murdstone en fait autant. Ma mère les regarde d'un air résigné, ferme le livre et le met de côté comme un arriéré que j'aurai à acquitter quand mes autres devoirs seront finis.

      Bientôt le nombre des arriérés va grossissant comme une boule de neige. Plus il augmente, et plus je deviens bête. Le cas est tellement désespéré, et je sens qu'on me farcit la tête d'une telle quantité de sottises, que je renonce à l'idée de pouvoir jamais m'en tirer et que je m'abandonne à mon sort. Il y a quelque chose de profondément mélancolique dans les regards désespérés que nous nous jetons ma mère et moi, à chaque nouvelle erreur. Mais le plus terrible moment de ces malheureuses leçons, c'est quand ma mère, croyant que personne ne la regarde, essaye de me souffler le mot fatal. À cet instant miss Murdstone, qui depuis longtemps est aux aguets, dit d'une voix grave:

      «Clara!»

      Ma mère tressaille, rougit et sourit faiblement; M. Murdstone se lève, prend le livre, me le jette à la tête, ou me donne un soufflet, et me fait sortir brusquement de la chambre.

      Quand j'ai fini d'apprendre mes leçons, il me reste encore à faire ce qu'il y a de plus terrible, une effrayante multiplication. C'est une torture inventée à mon usage, et M. Murdstone me dicte lui-même cet énoncé:

      «Je vais chez un marchand de fromages, j'achète cinq mille fromages de Glocester à six pence pièce, ce qui fait en tout…»

      Je vois la joie secrète de miss Murdstone. Je médite sur ces fromages sans le moindre résultat, jusqu'à l'heure du dîner; je me noircis les doigts à force de tripoter mon ardoise. On me donne un morceau de pain sec pour m'aider à compter mes fromages, et je passe en pénitence le reste de la soirée.

      Il me semble, autant que je puis me le rappeler, que c'était ainsi que finissaient presque toujours mes malheureuses leçons. Je m'en serais très-bien tiré sans les Murdstone; mais les Murdstone exerçaient sur moi une sorte de fascination, comme celle d'un serpent à sonnette vis-à-vis d'un petit oiseau. Même lorsqu'il m'arrivait de passer assez bien la matinée, je n'y gagnais autre chose que mon dîner; car miss Murdstone ne pouvait souffrir de me voir loin de mes cahiers, et si j'avais la folie de laisser apercevoir que je n'étais pas occupé, elle appelait sur moi l'attention de son frère, en disant:

      «Clara, ma chère, il n'y a rien de tel que le travail; donnez un devoir à ce garçon,» et on me remettait à l'ouvrage. Quant à jouer avec d'autres enfants de mon âge, cela m'arrivait rarement, car la sombre théologie des Murdstone leur faisait envisager tous les enfants comme une race de petites vipères; (et pourtant il y eut jadis un Enfant placé au milieu des Disciples!); et à les croire, ils n'étaient bons qu'à se corrompre mutuellement.

      Le résultat de ce traitement qui dura pendant six mois au moins, fut, comme on pouvait bien le croire, de me rendre grognon, triste et maussade. Ce qui y contribuait aussi infiniment, c'était qu'on m'éloignait toujours davantage de ma mère. Une seule chose m'empêchait de m'abrutir absolument. Mon père avait laissé dans un cabinet, au second, une petite collection de livres; ma chambre était à côté, et personne ne songeait à cette bibliothèque. Peu à peu Roderick Random, Peregrine Pickle, Humphrey Clinker, Tom Jones, le Vicaire de Wakefield, don Quichotte, Gil Blas et Robinson Crusoé, sortirent, glorieux bataillon, de cette précieuse petite chambre pour me tenir compagnie. Ils tenaient mon imagination en éveil; ils me donnaient l'espoir d'échapper un jour à ce lieu. Ni ces livres, ni les Mille et une Nuits, ni les histoires des génies, ne me faisaient de mal, car le mal qui pouvait s'y trouver ne m'atteignait pas; je n'y comprenais rien. Je m'étonne aujourd'hui du temps que je trouvais pour lire ces livres, au milieu de mes méditations et de mes chagrins sur des sujets plus pénibles. Je m'étonne encore de la consolation que je trouvais au milieu de mes petites épreuves, qui étaient grandes pour moi, à m'identifier avec tous ceux que j'aimais dans ces histoires où, naturellement, tous les méchants étaient pour moi M. et miss Murdstone. J'ai été pendant plus de huit jours Tom Jones (un Tom Jones d'enfant, la plus innocente des créatures). Pendant un grand mois, je me suis cru un Roderick Random. J'avais la passion des récits de voyages; il y en avait quelques-uns sur les planches de la bibliothèque, et je me rappelle que pendant des jours entiers, je parcourais l'étage que j'habitais, armé d'une traverse d'embouchoir de bottes, pour représenter le capitaine un tel, de la marine royale, en grand danger d'être attaqué par les sauvages, et résolu à vendre chèrement sa vie. Le capitaine avait beau recevoir des soufflets tout en conjuguant ses verbes latins, jamais il n'abandonnait sa dignité. Moi, je perdais la mienne, mais le capitaine était un capitaine, un héros, en dépit de toutes les grammaires, et de toutes les langues vivantes ou mortes qui pouvaient exister sur la terre.

      C'était ma seule et ma fidèle consolation. Quand j'y pense, je revois toujours devant moi une belle soirée d'été; les enfants du village jouaient dans le cimetière, et moi, je lisais dans mon lit, comme si ma vie en eût dépendu. Toutes les granges du voisinage, toutes les pierres de l'église, tous les coins du cimetière, avaient, dans mon esprit, quelque association avec ces fameux livres et représentaient quelque endroit célèbre de mes lectures. J'ai vu Tom Pipes gravir le clocher de l'église; j'ai remarqué Strass, son sac sur le dos, assis sur la barrière pour s'y reposer, et je sais que le commodore Trunnion présidait le club avec M. Pickle dans la salle du petit cabaret de notre village.

      Le lecteur sait maintenant aussi bien que moi où j'en étais à cette époque de mon enfance que je vais reprendre.

      Un matin, en descendant dans le salon avec mes livres, je vis que ma mère avait l'air soucieux, que miss Murdstone avait l'air ferme, et que M. Murdstone ficelait quelque chose au bas de sa canne, petit jonc élastique qu'il se mit à faire tournoyer en l'air à mon arrivée.

      «Puisque je vous dis, Clara, disait M. Murdstone, que j'ai souvent été fouetté moi-même.

      – Bien certainement, dit miss Murdstone.

      – Certainement, ma chère Jane, balbutia timidement ma mère; mais croyez-vous que cela ait fait du bien à Édouard?

      – Croyez-vous que cela ait fait du mal à Édouard, Clara? reprit gravement M. Murdstone.

      – C'est là toute la question,» dit sa soeur.

      À cela ma mère répondit: «Certainement, ma chère Jane,» et ne dit plus un mot.

      Je sentais que j'étais personnellement intéressé à ce dialogue, et je cherchais les yeux de M. Murdstone qui se fixèrent sur les miens.

      «Maintenant, Davy, dit-il, et ses yeux étincelaient, il faut que vous soyez plus attentif aujourd'hui que de coutume.» Il fit de nouveau cingler sa canne, puis, ayant fini ces préparatifs, il la posa à côté de lui avec un regard expressif, et prit son livre.

      C'était, pour le début, un bon moyen de me donner de la présence d'esprit! Je sentais les mots de mes leçons m'échapper, non pas un à un, mais par lignes et pages entières. J'essayai СКАЧАТЬ