Horace. Жорж Санд
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Horace - Жорж Санд страница 10

Название: Horace

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ se gêner, et moi-même…

      – Merci, Monsieur, dit Arsène… Mais je ne veux pas… On sait quand on emprunte, on ne sait pas quand on rendra. Je dois déjà trop aux bontés d'autrui, et les temps sont durs pour tout le monde, je le sais; pourquoi ferais-je peser sur les autres des privations que je peux supporter? J'aime la peinture, je suis forcé de l'abandonner, tant pis pour moi. Si vous faites un sacrifice pour que je continue à peindre, vous vous trouverez peut-être empêché le lendemain d'en faire un pour un homme plus malheureux que moi; car enfin, pourvu qu'on vive honnêtement, qu'importe qu'on soit artiste ou manoeuvre? Il ne faut pas être délicat pour soi-même. Il y a tant de grands artistes qui se plaignent, à ce qu'on dit: il faut bien qu'il y ait de pauvres savetiers qui ne disent rien.»

      Tout ce que je pus lui dire fut inutile; il demeura inébranlable. Il lui fallait gagner mille francs par an et entrer en fonctions, fût-ce en service comme laquais, le plus tôt possible. Il ne s'agissait plus pour lui que de trouver sa nouvelle condition.

      «Mais si je me chargeais, lui dis-je, de vous donner plus d'ouvrage à domicile que vous n'en avez, soit en vous faisant copier encore des manuscrits, soit en vous donnant des dessins à faire, persisteriez-vous à quitter la peinture?

      – Si cela se pouvait! dit-il ébranlé un instant; mais, ajouta-t-il, cela vous donnera de la peine et cela ne sera jamais fixe.

      – Laissez-moi toujours essayer, repris-je. Il me serra encore la main et partit, emportant sa résolution et son secret.»

      V

      Horace me fréquentait de plus en plus. Il me témoignait une sympathie à laquelle j'étais sensible, quoique Eugénie ne la partageât point. Il lui arriva plusieurs fois de rencontrer chez moi le petit Masaccio, et malgré le bien que je lui disais de ce jeune homme, loin de partager la bonne opinion que j'en avais, il éprouvait pour lui une antipathie insurmontable. Cependant il le traitait avec plus d'égards depuis qu'il l'avait vu essayer le portrait d'Eugénie, et que l'esquisse était si bien venue, avec une ressemblance si noble et un dessin si large, qu'Horace, engoué de toute supériorité intellectuelle, ne pouvait s'empêcher de lui montrer une sorte de déférence. Mais il n'en était que plus indigné de cette inexplicable absence d'ambition noble qui contrastait avec l'exubérance de la sienne propre. Il s'emportait en véhémentes déclamations à cet égard, et Paul Arsène, l'écoutant avec un sourire contenu au bord des lèvres, se contentait, pour toute réponse, de dire en se tournant vers moi: – Monsieur, votre ami parle bien!

      Du reste, Paul ne manifestait ni bonne ni mauvaise disposition à son égard. Il était de ces gens qui marchent si droit à leur but que jamais ils ne s'arrêtent aux distractions du chemin. Il ne disait rien d'inutile; il ne se prononçait presque sur rien, alléguant toujours son ignorance, soit qu'elle fût réelle, soit qu'elle lui servît de prétexte souverain pour couper court à toute discussion. Toujours renfermé en lui-même, il ne faisait acte de volonté que pour calmer les autres sans pédantisme, ou les obliger sans ostentation; et, en attendant qu'il prit le parti qu'il roulait dans sa tête, il étudiait le modèle, apprenait l'anatomie, et faisait des dessins pour porcelaine avec autant de soin et de zèle que s'il n'eût pas songé à changer de carrière. Ce calme dans le présent avec cette agitation pour l'avenir me frappait d'admiration. C'est un des assemblages de facultés les plus rares qui soient dans l'homme; la jeunesse surtout est portée à s'endormir dans le présent sans souci du lendemain ou à dévorer le présent dans l'attente fiévreuse de l'avenir.

      Horace semblait l'antipode volontaire et raisonné de ce caractère. Peu de jours m'avaient suffi pour me convaincre qu'il ne travaillait pas, quoiqu'il prétendît réparer en quelques heures de veille toute l'oisiveté de la semaine. Il n'en était rien. Il n'avait pas été trois fois dans sa vie au cours de droit; il n'avait peut-être pas ouvert plus souvent ses livres; et un jour que j'examinais les rayons de sa chambre, je n'y trouvai que des romans et des poèmes. Il m'avoua que tous ses livres de droit étaient vendus.

      Cet aveu en entraîna d'autres. Je craignais que ce besoin d'argent ne fût l'effet d'une conduite légère; il se justifia en me disant que ses parents n'avaient aucune fortune; et sans me faire connaître le chiffre du revenu qui lui était assigné, il m'assura que sa bonne mère était dans une étrange illusion en se persuadant qu'elle lui envoyait de quoi vivre à Paris.

      Je n'osai pousser plus loin mon interrogatoire; mais je jetai un regard involontaire sur la garde-robe élégante et bien fournie de mon jeune ami: rien ne lui manquait. Il avait plus de gilets, d'habits et de redingotes que moi, qui jouissais d'un héritage de trois mille francs de rente. Je devinai que le tailleur allait devenir le fléau de cette existence. Je ne me trompai pas. Bientôt je vis le front d'Horace se rembrunir, sa parole devenir plus brève et son ton plus incisif. Il fallut plus d'une semaine pour le confesser. Enfin je lui arrachai l'aveu de son outrage. L'infâme tailleur s'était permis de présenter son mémoire, le misérable! Cela méritait des coups de canne! C'était encore un signe de vertu, que cette indignation; Horace n'en était pas au degré de perversité où l'on se vante de ses dettes et où l'on rit avec fanfaronnade à l'idée de voir fondre sur les parents une note de trois ou quatre mille francs. D'ailleurs il chérissait profondément sa mère, quoiqu'il la trouvât bornée; et il était bon fils, quoiqu'il eût un secret mépris pour la dépendance où son père vivait à l'égard du gouvernement.

      Le voyant tomber dans le spleen, je pris sur moi de dire au tailleur quelques mots qui le tranquillisèrent; et Horace, après m'avoir remercié avec une effusion extrême, reprit sa sérénité.

      Mais son oisiveté ne cessa point, et son genre de vie, pour n'avoir rien que de très-ordinaire dans un étudiant, me causa une vive surprise à mesure que je l'observai. Comment concilier, en effet, cette ardeur de gloire, ces rêves d'activité parlementaire et de supériorité politique, avec la profonde inertie et la voluptueuse nonchalance d'un tel tempérament? Il semblait que la vie dût être cent fois trop longue pour le peu qu'il y avait à faire. Il perdait les heures, les jours et les semaines avec une insouciance vraiment royale. C'était quelque chose de beau à contempler que ce fier jeune homme aux formes athlétiques, à la noire chevelure, à l'oeil de flamme, couché du matin à la nuit sur le divan de mon balcon, fumant une énorme pipe (dont il fallait tous les jours renouveler la cheminée, parce qu'en la secouant sur les barreaux du balcon, il ne manquait jamais de laisser tomber la capsule dans la rue), et feuilletant un roman de Balzac ou un volume de Lamartine, sans daigner lire un chapitre ou un morceau entier. Je le laissais là pour aller travailler, et quand je revenais de la clinique ou de l'hôpital, je le retrouvais assoupi à la même place, presque dans la même attitude. Eugénie, condamnée à subir cet étrange tête-à-tête, et n'ayant, du reste, pas à s'en plaindre personnellement, car il daignait à peine lui adresser la parole (la regardant plutôt comme un meuble que comme une personne), était indignée de cette paresse princière. Quant à moi, je commençais à sourire lorsque, les yeux encore appesantis par une rêverie somnolente, il reprenait ses divagations sur la gloire, la politique et la puissance.

      Cependant aucune idée de blâme ou de mépris ne se mêlait à mon doute. Tous les jours, après le dîner, nous nous retrouvions, Horace et moi, au Luxembourg, au café ou à l'Odéon, au milieu d'un groupe assez nombreux, composé de ses amis et des miens; et là, Horace pérorait avec une rare facilité. Sur toutes choses il était le plus compétent, quoiqu'il fût le plus jeune; en toutes choses il était le plus hardi, le plus passionné, le plus avancé, comme on disait alors, et comme on dit, je crois, encore aujourd'hui. Ceux, même qui ne l'aimaient pas, parmi les auditeurs, étaient forcés de l'écouter avec intérêt, et ses contradicteurs montraient en général plus de méfiance et de dépit que de justice et de bonne foi. C'est que là Horace reprenait tous ses avantages: la discussion était sur son terrain; et chacun s'avouait intérieurement que s'il n'était pas logicien infaillible, du moins il était orateur fécond, ingénieux et chaud. Ceux qui ne le connaissaient pas croyaient le renverser, en disant que c'était un homme sans СКАЧАТЬ