Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1. George Gordon Byron
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Название: Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1

Автор: George Gordon Byron

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежные стихи

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СКАЧАТЬ pauvre Julia, sortant comme d'un profond sommeil (remarquez bien que je ne dis pas qu'elle n'eût pas dormi), se mit en même tems à crier, bâiller et verser des larmes. Pour sa suivante Antonia, qui était au fait de tout, elle se hâtait de rejeter la couverture du lit en morceau pour donner à penser qu'elle-même venait d'en sortir. Je ne sais pas vraiment pourquoi elle se donnait tant de peine pour prouver que sa maîtresse n'avait pas couché seule:

      141. Mais il était à croire que la dame et sa suivante étaient deux pauvres petites femmes tremblantes qui, par crainte des farfadets, et plus encore des hommes, avaient cru pouvoir mieux résister à un homme si elles restaient deux. Elles s'étaient donc innocemment couchées côte à côte, en attendant que les heures d'absence fussent écoulées, et que l'infâme mari eût reparu en disant: «Chère amie, c'est moi qui ai le premier songé à repartir.»

      142. Julia retrouva enfin la parole et s'écria: «Au nom du ciel, Don Alphonso, que prétendez-vous faire? êtes-vous devenu fou? Dieu! que ne suis-je morte avant d'être sacrifiée à un monstre semblable! quel est le motif de cette violence nocturne, l'ivrognerie ou le spleen! pouvez-vous bien me soupçonner d'une conduite dont l'idée seule me ferait mourir! Cherchez alors dans cette chambre. – C'est mon intention,» répondit Alphonso.

      143. Il chercha, ils cherchèrent, tout fut retourné, cabinet, gardes-robes, armoires, embrasures de fenêtres. Ils trouvèrent beaucoup de linge et de dentelles, des paires de bas, des mules, des brosses, des peignes, des nécessaires, et les autres articles à l'usage des jolies femmes, propres à conserver la beauté et entretenir la propreté. Ils percèrent de leurs épées des rideaux et des tapisseries, ils arrachèrent des volets, ils brisèrent des tables.

      144. Ils cherchèrent sous le lit, et y trouvèrent, – peu importe, – ce n'était pas ce qu'ils désiraient; ils ouvrirent les fenêtres pour découvrir si la terre ne portait pas l'empreinte de quelque semelle, la terre était muette. Alors ils se regardèrent les uns les autres. Il est étrange, et cela me semble même une bévue, que nul d'entre eux n'ait songé à regarder dans le lit aussi bien que dessous.

      145. Pendant cette perquisition, la voix de Julia ne dormait pas. «Oui, cherchez et recherchez, s'écriait-elle; accumulez insultes sur insultes, outrages sur outrages. Était-ce pour cela que j'ai pris le nom d'épouse! pour cela que j'ai si long-tems sans me plaindre souffert à mes côtés un époux comme Alphonso! Mais je ne le souffrirai plus, je quitterai cette maison; s'il y a des lois et un seul légiste en Espagne.

      146. «Oui, Don Alphonso, vous n'êtes plus mon époux, si jamais toutefois vous avez mérité ce titre. Est-il digne de votre âge? – Vous êtes à votre dixième lustre; cinquante ou soixante ans – c'est bien la même chose. Est-il sage, est-il décent de faire de pareilles recherches pour déshonorer une femme vertueuse? Don Alphonso! homme ingrat, parjure, barbare; osez-vous bien concevoir de pareils soupçons sur votre épouse?

      147. «Est-ce pour cela que j'ai dédaigné ce que l'on permet ordinairement à mon sexe? que j'ai fait choix d'un confesseur si vieux et si lourd qu'il eût été insupportable à toute autre? Hélas! jamais il n'a eu l'occasion de me faire un reproche; au contraire, il me voyait tellement inquiète de mon innocence, – qu'il a toujours douté que je fusse mariée. – Oh! combien il sera désolé de voir comme je suis traitée!

      148. «Était-ce pour cela que je n'ai pas encore choisi de cortejo42 parmi la jeunesse de Séville? Est-ce pour cela que j'évite la plupart des réunions, si ce n'est pour assister aux combats de taureaux, à la messe, au théâtre, aux bals et aux festins? Est-ce pour cela que, quels que fussent mes adorateurs, je les ai tous éconduits (j'y mettais même de l'impolitesse)? Est-ce pour cela que le général comte O'Reilly, celui-là même qui prit Alger43, a prétendu que je l'avais traité indignement?

      149. «Mon cœur n'a-t-il pas été sourd pendant six mois aux soupirs et aux accords du musico italien Cazzani? N'est-ce pas moi que son compatriote le comte Corniani appelait la seule femme vertueuse d'Espagne? N'ai-je pas vu à mes pieds une foule de Russes et d'Anglais? J'ai désolé le comte Strongstroganof, et lord Mount Coffee-House, ce pair d'Irlande qui s'est tué l'année dernière par excès d'amour (et de vin).

      150. «N'ai-je pas eu deux évêques à mes pieds? Le duc d'Ichar, Don Fernand Nunès? et c'est une femme de ma sorte que vous traitez ainsi? Je ne sais pas dans quelle phase de la lune nous nous trouvons: je vous sais gré vraiment d'avoir l'extrême indulgence de ne pas encore me battre, quand le tems est si favorable: – Oh! vaillant héros! avec votre épée au vent, et votre pistolet armé, ne faites-vous pas là, dites-moi, une jolie figure?

      151. «Voilà donc le motif de ce voyage imprévu, de cette affaire indispensable avec votre procureur, ce modèle de bassesse qui se tient droit là-bas comme s'il commençait à sentir qu'il a joué le rôle d'un fou. Je vous méprise tous les deux, mais l'infamie de sa conduite est encore plus inexcusable; puisqu'il n'a certainement agi que pour percevoir ses amendes odieuses, et nullement par un sentiment d'intérêt pour vous et pour moi.

      152. «S'il est ici pour dresser un acte, n'empêchez pas ce brave monsieur de procéder; vous avez mis cet appartement dans un bel état; – il s'y trouve de l'encre et une plume pour vous, quand vous le désirerez. – Ayez soin de tout mentionner avec précision, je ne veux pas que vous receviez pour rien des honoraires. – Mais comme ma femme de chambre est déshabillée, veuillez mettre à la porte vos espions. – Oh! dit en sanglotant Antonia: je veux leur arracher les yeux.

      153. «C'est ici le cabinet, là la toilette, de ce côté l'antichambre. – Cherchez dessus, dessous: voilà le sopha, le grand fauteuil, la cheminée; – on pourrait bien y cacher un amant, mais je voudrais dormir; faites, je vous prie, moins de bruit, jusqu'à ce que vous ayez découvert le trou secret qui renferme ce cher trésor. Alors veuillez m'en donner aussi le plaisir.

      154. «Et vous, hidalgo, qui venez de faire planer des soupçons sur moi, et de la honte sur tous ces visages, ayez la complaisance de me faire connaître – quel est celui que vous cherchez! Comment le nommez-vous? de quelle famille? Montrez-le-moi? – Sans doute il est jeune et agréable? – Il est grand? Parlez et prouvez que vous avez eu de justes motifs pour ternir ainsi ma réputation.

      155. «Au moins peut-être, il n'a pas soixante ans; il serait à cet âge trop vieux pour être mis à mort, ou pour éveiller la jalousie d'un mari aussi jeune que vous. – (Antonia! donnez-moi un verre d'eau.) Je rougis d'avoir répandu des larmes, elles sont indignes de la fille de mon père; ma mère pouvait-elle prévoir en me mettant au monde que je tomberais au pouvoir d'un monstre!

      156. «Mais c'est peut-être d'Antonia que vous êtes jaloux? Vous avez vu qu'elle dormait à mes côtés quand vous frappâtes à la porte avec votre suite. Regardez où vous voudrez, nous n'avons rien à vous cacher, monsieur: une autre fois seulement, je l'espère, vous nous avertirez; ou, par égard pour la pudeur, vous attendrez un instant à la porte, afin de nous permettre de nous habiller pour recevoir une aussi bonne compagnie.

      157. «J'ai fini, monsieur, je cesse de parler. Le peu que j'ai dit doit assez vous apprendre qu'une ame pure sait dévorer en silence des torts dont elle ne pourrait parler sans rougir. – Je vous livre comme auparavant à votre conscience; un jour elle vous demandera raison de vos procédés à mon égard. Dieu veuille que vous ne vous en tourmentiez pas plus qu'aujourd'hui! Antonia, où est mon mouchoir de poche?»

      158. Elle s'arrête et retombe sur son oreiller. Elle est pâle et ses yeux noirs abîmés dans les pleurs rappellent un ciel obscurci par la pluie et les éclairs; ses cheveux ondoyans sont comme un voile jeté sur ses joues décolorées: en vain leurs noires boucles cherchent-elles à couvrir ses épaules charmantes; leur neige se faisait encore jour à СКАЧАТЬ



<p>42</p>

Ce mot répond à celui de sigisbé en Italie.

<p>43</p>

Donna Julia se trompe. Le comte O'Reilly ne prit pas Alger, mais ce fut Alger qui fut sur le point de le prendre; lui, son armée et sa flotte levèrent le siége de la ville en 1774, après avoir éprouvé de grandes pertes.

(Note de Byron.)