Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1. George Gordon Byron
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Название: Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1

Автор: George Gordon Byron

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежные стихи

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СКАЧАТЬ quelquefois, s'aveuglent les parens; malgré toute leur vigilance de lynx, ils ne savent pas que le public malin s'amuse de l'histoire de la maîtresse du jeune Hopeful, ou de l'amant de miss Fanny. Enfin, quelque escapade scandaleuse vient déranger le plan de vingt années; tout est perdu: alors la mère crie, le père jure et demande pourquoi diable il a des héritiers.

      101. Mais Inès était si soupçonneuse et si clairvoyante, que je suis forcé de penser qu'en cette occasion elle avait quelque motif secret d'abandonner Juan à cette nouvelle tentation. Quel était ce motif? c'est ce que je ne pourrais dire. Peut-être voulait-elle ainsi couronner son éducation, ou bien encore ouvrir les yeux de Don Alphonso, dans le cas où il aurait eu de la vertu de sa femme une opinion exagérée.

      102. Un jour, c'était un jour d'été, – c'est vraiment une saison dangereuse que l'été, et même le printems, depuis les derniers jours de mai. Nul doute que le soleil n'en soit la cause efficace; mais en tout cas, on peut dire et demeurer convaincu, non pas de trahison, mais bien de véracité, qu'il est des mois dans lesquels la nature se plaît à répandre les plaisirs. Si celui de mars a ses lièvres, mai doit avoir son héroïne31.

      103. C'était donc un jour d'été, – le 6 juin: – J'aime l'exactitude dans les dates; j'en mets non-seulement dans celle des siècles et des années, mais encore dans celle des mois. Les mois sont des espèces de maisons de poste où les destins changent de chevaux, et font changer de ton à l'histoire. Ensuite ils traversent, à bride abattue, les empires et les républiques, et ne laissent guère après eux que la chronologie, si vous en exceptez les post-obits théologiques32.

      104. C'était le 6 juin, vers six heures et demie, peut-être même plus près de sept, que Julia s'assit dans un aussi joli berceau que ceux destinés aux houris, dans les profanes cieux décrits par Mahomet et par Anacréon Moore, – Moore, à qui furent accordés la lyre, les lauriers et tous les trophées de la victoire poétique. Il était digne de les obtenir; puisse-t-il les conserver long-tems encore33!

      105. Elle s'y assit, mais elle n'était pas seule. Je ne sais pas au juste comment s'était ménagée une pareille entrevue; je le saurais, d'ailleurs, que je ne le dirais pas. – Il faut toujours savoir se taire. Qu'importe les moyens dont ils se servirent? il suffit d'être sûr que c'est Julia et Juan qui se trouvent là, face à face. – Quand deux semblables visages sont dans cette situation, il serait sage à chacun d'eux, mais aussi bien difficile de fermer les yeux.

      106. Qu'elle était belle en le regardant! L'émotion de son cœur avait coloré ses joues, et cependant elle ne se reprochait rien. O amour, quelle est donc la mystérieuse perfection de ton art? il donne au faible des forces, il foule aux pieds le fort. Comme ils s'abusent eux-mêmes ces sages mortels que tu as enveloppés de tes filets! – Le précipice ouvert sous les pas de Julia était immense; mais la confiance que lui donnait sa vertu l'était également.

      107. Elle pensa à ses propres forces, à la jeunesse de Juan, au ridicule de la pruderie, aux triomphes de la vertu, de la foi conjugale, et alors aux cinquante ans de Don Alphonso. À dire vrai, je n'aime pas que cette idée lui soit venue; car c'est un nombre rarement propre à donner du cœur; et dans tous les climats, sur la neige ou sous l'équateur, il sonne aussi mal en amour que bien en finance.

      108. Quand quelqu'un dit: «Je vous ai répété cinquante fois,» il veut chercher querelle, et souvent il y réussit. Quand les poètes disent: «J'ai fait cinquante vers;» ils vous font craindre de les leur entendre réciter. C'est par troupes de cinquante que les voleurs font leurs coups; c'est à cinquante ans qu'il est vraiment rare d'inspirer amour pour amour; mais alors il est facile de beaucoup obtenir avec cinquante louis.

      109. Julia avait de l'honneur, de la vertu, de la fidélité; elle aimait Don Alphonso; elle formait intérieurement tous les sermens qu'on adresse d'ici-bas aux divinités de là-haut, de ne jamais souiller l'anneau qu'elle portait, et de ne former aucun souhait qui fût contraire à la sagesse: tout en mûrissant ces résolutions, et d'autres encore plus vertueuses, l'une de ses mains était appuyée languissamment sur celle de Juan: uniquement par erreur; elle croyait ne toucher que la sienne propre.

      110. Insensiblement elle s'appuya sur l'autre main de Juan, qui jouait dans les tresses de ses cheveux; son attitude distraite semblait indiquer qu'elle luttait avec des pensées qu'elle ne pouvait étouffer. Certainement, la mère de Juan avait bien tort, après avoir tant surveillé son fils pendant plusieurs années, de laisser ensemble ce couple imprudent. Je suis sûr que ma mère en eût agi tout autrement34.

      111. Peu à peu la main qui tenait encore celle de Juan confirma doucement, mais d'une manière sensible, la pression qu'elle recevait; elle semblait dire: «Retenez-moi si vous voulez.» Cependant elle ne voulait presser les doigts de Juan que d'une étreinte platonique; elle les eût lâchés comme une couleuvre ou un crapaud, si elle eût imaginé qu'un semblable mouvement pouvait faire naître des sentimens dangereux pour une épouse prudente.

      112. Je ne sais pas ce qu'en pensait Juan, mais il fit ce que tous vous voudriez faire: ses jeunes lèvres remercièrent la main par un reconnaissant baiser; et aussitôt, confus de son ivresse, il la quitta avec l'air du désespoir, comme s'il eût commis un crime. Combien l'amour est timide la première fois! Julia rougit, mais ne se courrouça pas: elle chercha à parler, mais elle retint sa langue, tant sa voix était affaiblie.

      113. Le soleil disparaît, et la jaune Phœbé se lève35: mais, par malheur, le diable est dans la lune. Ceux qui ont donné à cet astre le surnom de Chaste l'avaient, je crois, observé de trop bonne heure. Les plus longs jours, même le 24 de juin, ne voient jamais autant d'actes licencieux que le bienveillant regard de la lune n'en éclaire en trois heures seulement, – et c'est ainsi que toute l'année elle atteste sa modestie36?

      114. Il y a du danger dans le silence de cette heure: c'est un calme qui permet à l'ame oppressée de se mettre à l'aise, sans lui donner la liberté d'appeler la conscience à son secours. La lumière argentée qui inonde cet arbre et cette tour, et les couvre d'une beauté, d'un charme si profond, pénètre aussi notre cœur, et le jette dans une tendre langueur, bien éloignée d'être le repos37.

      115. Julia était assise près de Juan, à demi embrassée, et écartant à demi ses bras amoureux, qui tremblaient comme le sein sur lequel ils reposaient: cependant elle pouvait croire encore qu'il n'y avait pas de danger, et qu'il était facile de débarrasser sa taille; mais alors la position avait ses charmes, alors, – Dieu sait le reste; je ne m'y arrêterai pas; je suis même presque fâché d'en avoir commencé le récit.

      116. O Platon! Platon! c'est avec tes suppositions erronées, c'est par cet empire imaginaire que ton système nous accorde sur les penchans les plus impétueux du cœur, que tu as ouvert une route plus immorale que ne le firent jamais poètes ou romanciers. – Tu es un niais, un sot, un charlatan, – et l'on ne doit tout au plus te prendre que pour un entremetteur38.

      117. La voix de Julia s'éteignit ou se perdit en soupirs, jusqu'au moment où tous les discours auraient été inutiles; ses beaux yeux étaient noyés dans les larmes. Pourquoi ne coulaient-elles pas sans cause? Mais, hélas! qui peut aimer et conserver la sagesse? Les remords, cependant, luttaient contre ses désirs: elle résistait encore un peu, elle se repentait beaucoup. «Jamais, jamais!» murmurait-elle, et elle consentait à tout.

      118. On dit que Xercès offrait une récompense à ceux СКАЧАТЬ



<p>31</p>

M. A. P. a traduit: «Il est des mois où la nature se complaît dans certains caprices: mars est renommé pour ses lièvres, mai veut qu'on parle de ses héroïnes.» Byron semble avoir employé l'expression héroïne, parce qu'elle forme un jeu de mots avec celle de hare, lièvre, qu'on prononce hère.

<p>32</p>

C'est-à-dire les messes et recommandises fondées à perpétuité par les moribonds, pour le repos de leur ame.

<p>33</p>

C'était à cette époque que Moore recevait en dépôt les Mémoires de Byron, et qu'il jurait de les publier après la mort de son confiant ami.

<p>34</p>

M. A. P. a oublié de traduire cette jolie strophe.

<p>35</p>

Les traducteurs ont substitué l'épithète pâle à celle de jaune; mais ce n'est pas par distraction que Byron, le plus grand poète descriptif qui ait jamais été, s'est servi ici de l'adjectif yellow. Ce sont les rayons de la lune qui sont pâles, et non pas elle.

<p>36</p>

M. A. P. traduit: «Pourtant on admire son aspect modeste pendant qu'elle parcourt les cieux.» Byron veut dire ici que toutes les nuits éclairées par la lune sont aussi indécentes que les trois heures auxquelles il vient de comparer les plus longs jours.

<p>37</p>

J'ai traduit mot à mot. M. A. P. a cru devoir paraphraser ainsi l'idée de Byron: «Cette lumière pénètre dans le cœur, et y répand une amoureuse langueur qui n'est pas le calme de l'indifférence.»

<p>38</p>

M. A. P. traduit ce dernier vers: «Pendant ta vie tu as été tout au plus un entremetteur d'intrigues amoureuses.» Il ne s'agit pas ici de la conduite de Platon, mais de l'influence de ses écrits.