Название: Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868
Автор: Hector Berlioz
Издательство: Public Domain
Жанр: Биографии и Мемуары
isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/30021
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S'il y a un nouveau monde, nous retrouverons-nous?.. Verrai-je jamais Shakespeare?
Pourra-t-elle me connaître?..
Comprendra-t-elle la poésie de mon amour?...... Oh! Juliette, Ophelia, Belvidera, Jeanne Shore, noms que l'enfer répète sans cesse............
Au fait!
Je suis un homme très malheureux, un être presque isolé dans le monde, un animal accablé d'une imagination qu'il ne peut porter, dévoré d'un amour sans bornes qui n'est payé que par l'indifférence et le mépris; oui! mais j'ai connu certains génies musicaux, j'ai ri à la lueur de leurs éclairs et je grince des dents seulement de souvenir!
Oh! sublimes! sublimes! exterminez-moi! appelez-moi sur vos nuages dorés, que je sois délivré!......
La Raison.
«Sois tranquille, imbécile, dans peu d'années, il ne sera pas plus question de tes souffrances que de ce que tu appelles le génie de Beethoven, la sensibilité passionnée de Spontini, l'imagination rêveuse de Weber, la puissance colossale de Shakspeare!..
Va, va, Henriette Smithson
et Hector Berlioz
seront réunis dans l'oubli de la tombe, ce qui n'empêchera pas d'autres malheureux de souffrir et de mourir!..»
V
AU MÊME
Mon cher ami,
Je suis depuis huit jours chez mon père, environné de soins affectueux et tendres par mes parents et mes amis, accablé de félicitations, de compliments de toute espèce; mais mon cœur a tant de peine à battre, je suis si oppressé, que je ne dis pas dix paroles en une heure. Mes parents conçoivent ma tristesse et me la pardonnent. Je partirai pour Grenoble dans six jours; si vous me répondez, adressez néanmoins votre lettre à la Côte-Saint-André (Isère), et mettez mon nom Hector pour que la lettre ne parvienne pas à mon père.
Je vous écris dans le salon de Rocher, qui me charge de le rappeler à votre souvenir.
Que faites-vous?.. Il n'y a toujours point de musique, n'est-ce pas, dans ce bruyant Paris?.. Avez-vous fini vos trios?.. Feydeau est-il enfin fermé?.. l'opéra de Meyerbeer est-il en répétition57?.. Saluez-le, je vous prie, de ma part, quand vous le verrez (Meyerbeer! ma phrase est si mal tournée, que vous pourriez croire que c'est son opéra que je veux dire).
Nous allons avoir la guerre!.. On va tout saccager; des hommes qui se croient libres vont se ruer contre d'autres hommes qui sont certainement esclaves; peut-être les hommes libres seront-ils exterminés, les esclaves seront-ils maîtres; puisse toute l'Europe s'épuiser en cris de rage, tous ses enfants s'entr'égorger, le fer et le feu triompher, la peste régner, la famine ronger; puisse Paris brûler, pourvu que j'y sois et que, la tenant dans mes bras, nous nous tordions ensemble dans les flammes!
Voilà mes vœux sincères et le bien que je souhaite à l'espèce humaine. Quand je serai heureux, ce sera tout différent; je laisserai l'espèce humaine tranquille, et elle ne s'en tourmentera pas moins.
Assez grincé des dents. Voulez-vous, je vous prie, aller chez Desmarest, rue Monsigny, nº 1, près de l'Opéra-Comique, lui dire mille amitiés de ma part, le charger de cinq cents autres pour Girard, et lui demander s'il n'a point eu de lettre à mon adresse; il s'était engagé à les prendre chez mon portier.
Blasphémez un peu à mon intention, je vous prie, j'en éprouverai du soulagement, et je vous rendrai la pareille quand vous voudrez.
Adieu! les cœurs de lave ne sont durs que quand ils sont froids, le mien est rouge fondant. Je suis toujours votre ami dévoué.
Mettez, je vous prie, cette petite lettre à la poste.
VI
AU MÊME
Je viens de faire à Grenoble un insipide voyage, passant la moitié de mon temps malade au lit, l'autre moitié à faire des visites plus assommantes les unes que les autres; j'arrive hier après avoir passé une dévorante journée sans dire un mot. Mon père, qui venait d'apprendre mon état par ma mère, m'embrasse en souriant et me dit qu'il y avait une lettre de Paris pour moi; j'ai compris à son air que c'était de madame…; effectivement, c'était une lettre double; je suis redevenu calme; j'étais aussi ravi que je puisse l'être dans un si exécrable exil. Ne faut-il pas que votre lettre arrive aujourd'hui pour troubler ma tranquillité? que le diable vous emporte! Qu'aviez-vous besoin de venir me dire que je me plais dans un désespoir dont PERSONNE ne me sait gré, «personne moins que les gens pour qui je me désespère».
D'abord, je ne me désespère pas pour des gens; ensuite, je vous dirai que, si vous avez vos raisons pour juger sévèrement la personne pour laquelle je me désespère, j'ai les miennes aussi pour vous assurer que je connais aujourd'hui son caractère mieux que personne. Je sais très bien qu'elle ne se désespère pas, elle; la preuve de cela, c'est que je suis ici et que, si elle avait persisté à me supplier de ne pas partir, comme elle l'a fait plusieurs fois, je serais resté. De quoi se désespèrerait-elle? elle sait très bien à quoi s'en tenir sur mon compte, elle connaît aujourd'hui tout ce que mon cœur enferme de dévouement pour elle (pas tout cependant: il y a encore un sacrifice, le plus grand de tous, qu'elle ne connaît pas, et que je lui ferai). Vous ne savez pas ce qui me tourmente, personne au monde qu'elle ne le sait; encore n'y a-t-il pas longtemps qu'elle l'ignorait.
Ne me donnez pas de vos conseils épicuriens, ils ne me vont pas le moins du monde. C'est le moyen d'arriver au petit bonheur, et je n'en veux point. Le grand bonheur ou la mort, la vie poétique ou l'anéantissement. Ainsi, ne venez pas me parler de femme superbe, de taille gigantesque, et de la part que prennent ou ne prennent pas à mes chagrins les êtres qui me sont chers; car vous n'en savez rien, qui vous l'a dit?.. Vous ne savez pas ce qu'elle sent, ce qu'elle pense. Ce n'est pas parce que vous l'aurez vue dans un concert, gaie et contente, que vous pourrez en tirer une induction fatale pour moi. Si cela était, que devriez-vous donc induire de ma conduite à Grenoble, si vous m'aviez vu un jour dans un grand dîner de famille, ayant à droite et à gauche mes deux charmantes cousines de dix-sept à dix-huit ans, avec lesquelles je folâtrais et riais de la façon la plus inaccoutumée?..
Ma lettre est brusque, mon ami, mais vous m'avez froissé horriblement. Je resterai encore ici neuf jours au moins; Ferrand viendra demain. Si vous vouliez m'écrire courrier par courrier une seconde lettre, vous me feriez bien plaisir et elle arriverait à temps.
Adieu, mille choses à Sina et à Girard; si vous avez entendu parler de mon mariage СКАЧАТЬ
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