Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868. Hector Berlioz
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Название: Correspondance inédite de Hector Berlioz, 1819-1868

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Биографии и Мемуары

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/30021

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СКАЧАТЬ muets et terrifiés. Au milieu de la tempête, Berlioz est resté debout; il ressemble, environné de lueurs, au génie de la symphonie, auquel la puissante nature ferait une apothéose, dans un décor de montagnes et avec l'aide du tonnerre, musicien gigantesque.

      Dès lors, tout fut fini.

      Le lundi, 8 mars 1869, dans la matinée, Hector Berlioz, de retour à Paris, rendait le dernier soupir. Ses obsèques eurent lieu à l'église de la Trinité, le jeudi suivant; l'Institut avait envoyé une nombreuse députation, les cordons du poêle étaient tenus par MM. Camille Doucet, Guillaume, Ambroise Thomas, Gounod, Nogent Saint Laurens, Perrin, le baron Taylor; la musique de la garde nationale précédait le cortège jouant des fragments de la Symphonie en l'honneur des victimes de Juillet. Sur le cercueil étaient (souvenir touchant) les couronnes données par la Société Sainte-Cécile, par la jeunesse hongroise, par la noblesse russe, et enfin les derniers lauriers de la ville de Grenoble.

Il était mort!.. la réparation commençait…

      Il dort maintenant sur cette haute colline qui vit couler le sang des martyrs; là-bas, au-dessus de nous, écoutant peut-être les bruits tumultueux de l'immense ville. Aux anniversaires, de pieuses mains viennent déposer sur son tombeau des bouquets de fleurs promptement fanées par l'intempérie des saisons; j'y ai vu des roses blanches, aussi blanches que le lys, et des violettes répandues en pluie odoriférante, sur la pierre, sur le fer, et jusque dans la boue qu'avait produite le piétinement des passants. Il se repose là des tracas de sa vie agitée, attendant l'heure de la justice, lente à venir. Aucune rue ne porte son nom, aucun théâtre ne possède sa sombre effigie, aucun ministère (et il y en a eu pourtant beaucoup!) n'a songé à lui rendre des honneurs quelconques; de toutes les gloires musicales de la France, la France n'en oublie qu'une, celle dont elle peut le mieux se glorifier devant le monde entier. D'autres musiciens passeront; que dis-je? ils ne sont déjà plus… Berlioz est resté et son souvenir grandit, comme ces ombres qui, à mesure que décroît le soleil et que le temps s'écoule, deviennent plus accusées, plus nettes, et s'allongent sur le sable d'or.

Daniel Bernard.

      I

      A IGNACE PLEYEL

La Côte-Saint-André (Isère), 6 avril 1819.

      Monsieur,

      Ayant le projet de faire graver plusieurs œuvres de musique de ma composition, je me suis adressé à vous, espérant que vous pourriez remplir mon but. Je désirerais que vous prissiez à votre compte l'édition d'un pot-pourri53 concertant composé de morceaux choisis, et concertant pour flûte, cor, deux violons, alto et basse.

      Voyez si vous pouvez le faire et combien d'exemplaires vous me donnerez. Répondez-moi au plus tôt, je vous prie, si cela peut vous convenir, combien de temps il vous faudra pour le graver et s'il est nécessaire d'affranchir le paquet.

      J'ai l'honneur d'être, avec la plus parfaite considération, votre obéissant serviteur.

       II

       A RODOLPHE KREUTZER 54

(1826…?)

      O génie!

      Je succombe! je meurs! les larmes m'étouffent! la Mort d'Abel! dieux!..

      Quel infâme public! il ne sent rien! que faut-il donc pour l'émouvoir?..

      O génie! et que ferai-je, moi, si un jour ma musique peint les passions; on ne me comprendra pas, puisqu'ils ne couronnent pas, qu'ils ne portent pas en triomphe, qu'ils ne se prosternent pas devant l'auteur de tout ce qui est beau!

      Sublime, déchirant, pathétique!

      Ah! je n'en puis plus; il faut que j'écrive! A qui écrirai-je? au génie?.. Non, je n'ose.

      C'est à l'homme, c'est à Kreutzer… il se moquera de moi… ça m'est égal…; je mourrais… si je me taisais. Ah! que ne puis-je le voir, lui parler, il m'entendroit, il verroit (sic) ce qui se passe dans mon âme déchirée; peut-être il me rendroit le courage que j'ai perdu, en voyant l'insensibilité de ces gredins de ladres, qui sont à peine dignes d'entendre les pantalonnades de ce pantin de Rossini.

      Si la plume ne me tombait des mains, je ne finirais pas.

      AH! GÉNIE!!!

       III

       A M. FÉTIS, DIRECTEUR DE LA REVUE MUSICALE 55

(16) mai 1828.

      Monsieur le rédacteur,

      Permettez-moi d'avoir recours à votre bienveillance et de réclamer l'assistance de votre journal pour me justifier aux yeux du public de plusieurs inculpations assez graves.

      Le bruit s'est répandu dans le monde musical que j'allais donner un concert composé tout entier de ma musique et déjà une rumeur de blâme s'élève contre moi; on m'accuse de témérité, on me prête les intentions les plus ridicules.

      A tout cela je répondrai que je veux tout simplement me faire connaître, afin d'inspirer, si je le puis, quelque confiance aux auteurs et aux directeurs de nos théâtres lyriques. Ce désir est-il blâmable dans un jeune homme? Je ne le crois pas. Or, si un pareil dessein n'a rien de répréhensible, en quoi les moyens que j'emploie pour l'accomplir peuvent-ils l'être?

      Parce qu'on a donné des concerts composés tout entiers des œuvres de Mozart et de Beethoven, s'ensuit-il de là qu'en faisant de même j'aie les prétentions absurdes qu'on me suppose? Je le répète, en agissant ainsi, je ne fais qu'employer le moyen le plus facile de faire connaître mes essais dans le genre dramatique.

      Quant à la témérité qui me porte à m'exposer devant le public dans un concert, elle est toute naturelle, et voici mon excuse. Depuis quatre ans, je frappe à toutes les portes; aucune ne s'est encore ouverte. Je ne puis obtenir aucun poëme d'opéra, ni faire représenter celui qui m'a été confié56. J'ai essayé inutilement tous les moyens de me faire entendre; il ne m'en reste plus qu'un, je l'emploie, et je crois que je ne ferai pas mal de prendre pour devise ce vers de Virgile:

      Ulla salus victis nullam sperare salutem.

      Agréez, etc.

      IV

      A M. FERDINAND HILLER

Paris, 1829.

      Mon cher Ferdinand,

      Il faut que je vous écrive encore ce soir; cette lettre ne sera peut-être pas plus heureuse que les autres… mais n'importe. Pourriez-vous me dire ce que c'est que cette puissance d'émotion, cette faculté de souffrir qui me tue? Demandez à votre ange… à ce séraphin qui vous a ouvert la porte des cieux!.. Ne gémissons pas!.. mon feu s'éteint, attendez un instant… O mon ami, savez-vous?.. J'ai brûlé, pour l'allumer, le manuscrit de mon élégie en prose!.. des larmes toujours, des larmes sympathiques; je vois Ophelia en verser, j'entends sa voix tragique, les rayons de ses yeux sublimes me consument. O mon ami, je suis bien malheureux; c'est inexprimable!

      J'ai demeuré bien du temps à sécher l'eau qui tombe de mes yeux… – En attendant, je crois voir Beethoven qui me regarde sévèrement, Spontini guéri de mes maux, СКАЧАТЬ



<p>53</p>

Il s'agit sans doute d'un pot-pourri sur des opéras italiens; Berlioz avoue en avoir composé plusieurs de ce genre (Voir les premiers chapitres des Mémoires). Cette lettre a été publiée dans le Musiciana de M. Wekerlin.

<p>54</p>

La date de cette lettre est assez difficile à préciser. La Mort d'Abel, dont il est question, fut jouée en 1810 et n'eut jamais les honneurs d'une reprise. Sans doute, Berlioz avait entendu seulement quelques fragments de cet opéra. Comme il signe sa lettre: H. Berlioz, élève de Lesueur, et qu'il entra dans la classe de ce maître en 1826 pour y rester jusqu'en 1828, on ne peut guère assigner au curieux document que nous reproduisons qu'une date approximative.

<p>55</p>

La Revue musicale, dirigée par M. Fétis, n'avait pas encore opéré sa fusion avec la Gazette musicale de Schlesinger, fondée, comme nous l'avons dit dans la notice, en 1834.

<p>56</p>

Le ballet de Faust sur un livret de M. Bohain: voir la Notice