Название: La tulipe noire
Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Il le regardait triant ses graines, les arrosant de substances destinées à les modifier ou à les colorer. Il devinait, lorsque chauffant certaines de ces graines, puis les humectant, puis les combinant avec d'autres par une sorte de greffe, opération minutieuse et merveilleusement adroite, il enfermait dans les ténèbres celles qui devaient donner la couleur noire, exposait au soleil ou à la lampe celles qui devaient donner la couleur rouge, mirait dans un éternel reflet d'eau celles qui devaient fournir le blanc, candide représentation hermétique de l'élément humide.
Cette magie innocente, fruit de la rêverie enfantine et du génie viril tout ensemble, ce travail patient, éternel, dont Boxtel se reconnaissait incapable, c'était de verser dans le télescope de l'envieux toute sa vie, toute sa pensée, tout son espoir.
Chose étrange! tant d'intérêt et l'amour-propre de l'art n'avaient pas éteint chez Isaac la féroce envie, la soif de la vengeance. Quelquefois, en tenant van Baërle dans son télescope, il se faisait l'illusion qu'il l'ajustait avec un mousquet infaillible, et il cherchait du doigt la détente pour lâcher le coup qui devait le tuer; mais il est temps que nous rattachions à cette époque des travaux de l'un et de l'espionnage de l'autre la visite que Corneille de Witt, ruward de Pulten, venait faire à sa ville natale.
VII
L'HOMME HEUREUX FAIT CONNAISSANCE AVEC LE MALHEUR
Corneille, après avoir fait les affaires de sa famille, arriva chez son filleul, Cornélius van Baërle, au mois de janvier 1672.
La nuit tombait.
Corneille, quoique assez peu horticulteur, quoique assez peu artiste, Corneille visita toute la maison, depuis l'atelier jusqu'aux serres, depuis les tableaux jusqu'aux tulipes. Il remerciait son neveu de l'avoir mis sur le pont du vaisseau-amiral les Sept-Provinces pendant la bataille de Southwood-Bay, et d'avoir donné son nom à une magnifique tulipe, et tout cela avec la complaisance et l'affabilité d'un père pour son fils, et tandis qu'il inspectait ainsi les trésors de van Baërle, la foule stationnait avec curiosité, avec respect même, devant la porte de l'homme heureux.
Tout ce bruit éveilla l'attention de Boxtel, qui goûtait près de son feu.
Il s'informa de ce que c'était, l'apprit et grimpa à son laboratoire.
Et là, malgré le froid, il s'installa, le télescope à l'œil.
Ce télescope ne lui était plus d'une grande utilité depuis l'automne de 1671. Les tulipes, frileuses comme de vraies filles de l'Orient, ne se cultivent point dans la terre en hiver. Elles ont besoin de l'intérieur de la maison, du lit douillet des tiroirs et des douces caresses du poêle. Aussi, tout l'hiver, Cornélius le passait-il dans son laboratoire, au milieu de ses livres et de ses tableaux. Rarement allait-il dans la chambre aux oignons, si ce n'était pour y faire entrer quelques rayons de soleil, qu'il surprenait au ciel, et qu'il forçait, en ouvrant une trappe vitrée, de tomber bon gré mal gré chez lui.
Le soir dont nous parlons, après que Corneille et Cornélius eurent visité ensemble les appartements, suivis de quelques domestiques:
– Mon fils, dit Corneille bas à van Baërle, éloignez vos gens et tâchez que nous demeurions quelques moments seuls.
Cornélius s'inclina en signe d'obéissance.
Puis tout haut:
– Monsieur, dit Cornélius, vous plaît-il de visiter maintenant mon séchoir de tulipes?
Le séchoir, ce Pandémonium de la tuliperie, ce tabernacle, ce sanctum sanctorum était, comme Delphes jadis, interdit aux profanes.
Jamais valet n'y avait mis un pied audacieux, comme eût dit le grand Racine, qui florissait à cette époque. Cornélius n'y laissait pénétrer que le balai inoffensif d'une vieille servante frisonne, sa nourrice, laquelle, depuis que Cornélius s'était voué au culte des tulipes, n'osait plus mettre d'oignons dans les ragoûts, de peur d'éplucher et d'assaisonner le cœur de son nourrisson.
Aussi, à ce seul mot séchoir, les valets qui portaient les flambeaux s'écartèrent-ils respectueusement. Cornélius prit les bougies de la main du premier et précéda son parrain dans la chambre.
Ajoutons à ce que nous venons de dire que le séchoir était ce même cabinet vitré sur lequel Boxtel braquait incessamment son télescope.
L'envieux était plus que jamais à son poste.
Il vit d'abord s'éclairer les murs et les vitrages.
Puis deux ombres apparurent.
L'une d'elles, grande, majestueuse, sévère, s'assit près de la table où Cornélius avait déposé le flambeau.
Dans cette ombre, Boxtel reconnut le pâle visage de Corneille de Witt, dont les longs cheveux noirs séparés au front tombaient sur ses épaules.
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Mynheer: monsieur