La tulipe noire. Dumas Alexandre
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Читать онлайн книгу La tulipe noire - Dumas Alexandre страница 13

Название: La tulipe noire

Автор: Dumas Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de tout ce qui réjouit la vue. Il étudiait à fond la nature pour ses tableaux, finis comme ceux de Gérard Dow, son maître, et de Miéris, son ami. N'était-il pas possible qu'ayant à peindre l'intérieur d'un tulipier, il eût amassé dans son nouvel atelier tous les accessoires de la décoration?

      Cependant, quoique bercé par cette décevante idée, Boxtel ne put résister à l'ardente curiosité qui le dévorait. Le soir venu, il appliqua une échelle contre le mur mitoyen et, regardant chez le voisin Baërle, il se convainquit que la terre d'un énorme carré peuplé naguère de plantes différentes, avait été remuée, disposée en plates-bandes de terreau mêlé de boue de rivière, combinaison essentiellement sympathique aux tulipes, le tout contre-forté de bordures de gazon pour empêcher les éboulements. En outre, soleil levant, soleil couchant, ombre ménagée pour tamiser le soleil de midi; de l'eau en abondance et à portée, exposition au sud-sud-ouest, enfin conditions complètes, non seulement de réussite, mais de progrès. Plus de doute, van Baërle était devenu tulipier.

      Boxtel se représenta sur-le-champ ce savant homme aux quatre cent mille florins de capital, aux dix mille florins de rente, employant ses ressources morales et physiques à la culture des tulipes en grand. Il entrevit son succès dans un vague mais prochain avenir, et conçut, par avance, une telle douleur de ce succès, que ses mains se relâchant, les genoux s'affaissèrent, il roula désespéré en bas de son échelle.

      Ainsi, ce n'était pas pour des tulipes en peinture, mais pour des tulipes réelles que van Baërle lui prenait un demi-degré de chaleur. Ainsi van Baërle allait avoir la plus admirable des expositions solaires et, en outre, une vaste chambre où conserver ses oignons et ses caïeux: chambre éclairée, aérée, ventilée, richesse interdite à Boxtel, qui avait été forcé de consacrer à cet usage sa chambre à coucher, et qui, pour ne pas nuire par l'influence des esprits animaux à ses caïeux et à ses tubercules, se résignait à coucher au grenier.

      Ainsi porte à porte, mur à mur, Boxtel allait avoir un rival, un émule, un vainqueur peut-être, et ce rival, au lieu d'être quelque jardinier obscur, inconnu, c'était le filleul de maître Corneille de Witt, c'est-à-dire une célébrité!

      Boxtel, on le voit, avait l'esprit moins bien fait que Porus, qui se consolait d'avoir été vaincu par Alexandre justement à cause de la célébrité de son vainqueur.

      En effet, qu'arriverait-il si jamais van Baërle trouvait une tulipe nouvelle et la nommait la Jean de Witt, après en avoir nommé une la Corneille? Ce serait à en étouffer de rage.

      Ainsi, dans son envieuse prévoyance, Boxtel, prophète de malheur pour lui même, devinait ce qui allait arriver.

      Aussi Boxtel, cette découverte faite, passa-t-il la plus exécrable nuit qui se puisse imaginer.

      VI

      LA HAINE D'UN TULIPIER

      À partir de ce moment, au lieu d'une préoccupation, Boxtel eut une crainte. Ce qui donne de la vigueur et de la noblesse aux efforts du corps et de l'esprit, la culture d'une idée favorite, Boxtel le perdit en ruminant tout le dommage qu'allait lui causer l'idée du voisin.

      Van Baërle, comme on peut le penser, du moment où il eut appliqué à ce point la parfaite intelligence dont la nature l'avait doué, van Baërle réussit à élever les plus belles tulipes.

      Mieux que qui que ce soit à Harlem et à Leyde, villes qui offrent les meilleurs territoires et les plus sains climats, Cornélius réussit à varier les couleurs, à modeler les formes, à multiplier les espèces.

      Il était de cette école ingénieuse et naïve qui prit pour devise, dès le viie siècle, cet aphorisme développé en 1653 par un de ses adeptes: «C'est offenser Dieu que mépriser les fleurs.»

      Prémisse dont l'école tulipière, la plus exclusive des écoles, fit en 1653 le syllogisme suivant:

      «C'est offenser Dieu que mépriser les fleurs.

      «Plus la fleur est belle, plus en la méprisant on offense Dieu.

      «La tulipe est la plus belle de toutes les fleurs.

      «Donc qui méprise la tulipe offense démesurément Dieu.»

      Raisonnement à l'aide duquel, on le voit, avec de la mauvaise volonté, les quatre ou cinq mille tulipiers de Hollande, de France et du Portugal, nous ne parlons pas de ceux de Ceylan, de l'Inde et de la Chine, eussent mis l'univers hors la loi, et déclaré schismatiques, hérétiques et dignes de mort plusieurs centaines de millions d'hommes froids pour la tulipe.

      Il ne faut point douter que pour une pareille cause Boxtel, quoique ennemi mortel de van Baërle, n'eût marché sous le même drapeau que lui.

      Donc van Baërle obtint des succès nombreux et fit parler de lui, si bien que Boxtel disparut à tout jamais de la liste des notables tulipiers de la Hollande, et que la tuliperie de Dordrecht fut représentée par Cornélius van Baërle, le modeste et inoffensif savant.

      Ainsi du plus humble rameau la greffe fait jaillir les rejetons les plus fiers, et l'églantier aux quatre pétales incolores commence la rose gigantesque et parfumée. Ainsi les maisons royales ont pris parfois naissance dans la chaumière d'un bûcheron ou dans la cabane d'un pêcheur.

      Van Baërle, adonné tout entier à ses travaux de semis, de plantation, de récolte, van Baërle, caressé par toute la tuliperie d'Europe, ne soupçonna pas même qu'à ses côtés il y eut un malheureux détrôné dont il était l'usurpateur. Il continua ses expériences, et par conséquent ses victoires, et en deux années couvrit ses plates-bandes de sujets tellement merveilleux que jamais personne, excepté peut-être Shakespeare et Rubens, n'avait tant créé après Dieu.

      Aussi fallait-il, pour prendre une idée d'un damné oublié par Dante, fallait-il voir Boxtel pendant ce temps. Tandis que van Baërle sarclait, amendait, humectait ses plates-bandes, tandis qu'agenouillé sur le talus de gazon, il analysait chaque veine de la tulipe en floraison et méditait les modifications qu'on y pouvait faire, les mariages de couleurs qu'on y pouvait essayer, Boxtel, caché derrière un petit sycomore qu'il avait planté le long du mur, et dont il se faisait un éventail, suivait, l'œil gonflé, la bouche écumante, chaque pas, chaque geste de son voisin, et, quand il croyait le voir joyeux, quand il surprenait un sourire sur ses lèvres, un éclair de bonheur dans ses yeux, alors il leur envoyait tant de malédictions, tant de furieuses menaces, qu'on ne saurait concevoir comment ces souffles empestés d'envie et de colère n'allaient point s'infiltrant dans les tiges des fleurs y porter des principes de décadence et des germes de mort.

      Bientôt, tant le mal, une fois maître d'une âme humaine, y fait de rapides progrès, bientôt Boxtel ne se contenta plus de voir van Baërle. Il voulut voir aussi ses fleurs, il était artiste au fond, et le chef-d'œuvre d'un rival lui tenait au cœur.

      Il acheta un télescope, à l'aide duquel, aussi bien que le propriétaire lui-même, il put suivre chaque évolution de la fleur, depuis le moment où elle pousse, la première année, son pâle bourgeon hors de terre, jusqu'à celui où, après avoir accompli sa période de cinq années, elle arrondit son noble et gracieux cylindre sur lequel apparaît l'incertaine nuance de sa couleur et se développent les pétales de la fleur, qui seulement alors révèle les trésors secrets de son calice.

      Oh! que de fois le malheureux jaloux, perché sur son échelle, aperçut-il dans les plates-bandes de van Baërle des tulipes qui l'aveuglaient par leur beauté, le suffoquaient par leur perfection!

      Alors, après la période d'admiration qu'il ne pouvait vaincre, il subissait СКАЧАТЬ